Innovation : de la course aux idées à celle du financement

OPINION. En 2021, le gouvernement présentait France 2030, un plan inédit par son ampleur de 54 milliards d'euros visant à accélérer la transformation des secteurs stratégiques de notre économie par l'innovation. Pourtant, dans son discours fin 2023, le Président de la République a mis en garde : « Nous devons continuer d'accélérer ». Jusqu'où ? Pourquoi ? et surtout comment ? Par Laurent Legendre, Président de Techinnov
(Crédits : DR)

France 2030 n'est pas seulement une affaire de startups. Pour le « comment », le Président a déjà apporté un élément de réponse. Il souhaite en effet poursuivre la simplification des normes qui entravent la croissance des entreprises, en particulier les TPE et PME. Cette problématique est d'ailleurs au cœur de l'actualité et une des réponses à la grogne de nos agriculteurs.

Mais je retiens particulièrement le fait que, pour le gouvernement, l'innovation n'est plus seulement l'apanage des startups. De quoi sortir définitivement de cette idée de « startup nation » qui a fait son temps en 2017, pour se tourner vers un plan global d'innovation.

Et c'est une avancée majeure ! Car pour innover en France, nous avons besoin des startups bien sûr, mais aussi des PME, des ETI et des grands groupes qui possèdent cette solidité économique et sociale et une capacité à accompagner au mieux les jeunes pousses. Ce n'est pas seulement un vœu pieux. C'est une nécessité ! L'une des problématiques majeures de l'essor de l'innovation, ce n'est pas seulement d'avoir la meilleure idée, mais surtout de savoir comment on la met en œuvre et comment on la finance.

De la course aux idées à celle du financement

Pour reprendre l'objectif de France 2030, il s'agit de positionner la France en leader mondial des filières qui dessineront l'industrie de 2030. Et cette course à l'innovation sur 10 ans relève donc d'un travail collectif entre entreprises. Une relation gagnant-gagnant entre jeunes pousses, PME, grandes entreprises. Pour nos startups, cette collaboration est synonyme d'appuis financiers et techniques tout autant qu'une crédibilité et visibilité renforcées, pour leur permettre de passer le cap fatidique des 5 ans. C'est aussi un moyen de développer des solutions qui répondent de façon pragmatique à des enjeux industriels réels. Pour les ETI et grands groupes, c'est aussi une manière de gagner en agilité, de mieux appréhender un écosystème toujours en mutation et d'intégrer de nouvelles compétences en phase avec ces mutations.

Les financements de France 2030 alimentent l'intégralité de la chaine, de la startup aux grandes entreprises, mais avec des volumétries très variables. Une analyse réalisée à l'échelle de Paris Saclay avec les CCI des départements des Yvelines et de l'Essonne a révélé qu'en 2022 les startups avaient en particulier du mal à obtenir leurs financements France 2030. Ce qui est d'autant plus difficile, lorsque l'octroi de la majorité des subventions n'est possible que sous réserve de pouvoir justifier d'un montant de fonds propres équivalent. Avec les levées de fonds dont les conditions deviennent plus sélectives, ce point ne s'est pas amélioré en 2023 et, si l'on veut éviter de réelles difficultés pour nos startups, il faut que l'état propose des solutions pour que France 2030 soit réellement l'outil qui favorise l'émergence de nouveaux acteurs industriels autour des 10 objectifs et des 6 leviers du plan. Le financement en fonds propres des petits acteurs reste perfectible.

Trouver le bon interlocuteur peut prendre deux ans à une startup

Bien que les grands groupes représentent en moyenne 60% du chiffre d'affaires des startups, ces dernières pêchent dans la prise de contact et la mise en relation selon une étude du cabinet EY en septembre 2023. Le constat est juste : trouver le bon interlocuteur au sein d'un grand groupe peut prendre un à deux ans à une startup. Soit une éternité. Pour y remédier, l'accent doit être mis sur les territoires qui ont cette proximité avec les entreprises et cette capacité à proposer des programmes d'accompagnement et générer des rencontres entre décideurs, portée par des fonds d'investissement ou incubateurs locaux, des labels régionaux ou le formidable travail des CCI.

Un travail qui commence à se voir, via la diversité géographique des levées de fonds. On remarque en effet que la concentration des fonds en Île-de-France diminue : si 81% des fonds levés ont été réalisé par des pépites dont le siège social se trouvait autour de la capitale en 2021, ce nombre diminue à 61% en 2023. La valorisation de l'innovation en France est donc plus ouverte, globale, de moins en moins centralisée.

France, attention danger !

Et si le Président de la République prône la poursuite de l'accélération, c'est parce que la course au financement n'est pas seulement un enjeu franco-français. C'est un enjeu mondial pour la France. En effet, la moitié des startups qui ont réussi à lever des fonds disent avoir eu des difficultés à convaincre les investisseurs, décidant donc de se tourner vers d'autres moyens de financement (dette bancaire, autofinancement) mais aussi... vers « l'exil » pour trouver des financements ailleurs dans le monde. Ce qui représente un véritable risque de perte de compétitivité pour notre pays via le risque de délocalisation de pépites stratégiques.

Alors oui, grands groupes comme investisseurs demandent à être convaincus par la qualité de l'équipe, les partenaires de la société, le potentiel produit ou service par rapport au marché, être assurés de perspectives de rentabilité d'ici trois à six ans... Sachant cela, plus que jamais, les acteurs du changement doivent créer les conditions favorables de rencontres business et propager une meilleure pédagogie sur les enjeux de compétitivité que le développement de l'innovation en France induit pour l'ensemble de nos entreprises, de la startup au grand groupe. Nous avons besoin de ces relais de proximité pour bâtir des ponts, multiplier les événements de networking et créer l'étincelle destinée à convaincre les investisseurs d'accompagner nos jeunes entreprises sur le long terme. 2030 n'est finalement qu'un début pour changer les mentalités en matière d'innovation.

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Commentaires 2
à écrit le 21/03/2024 à 11:51
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Ces dernières années les investisseurs finançaient les yeux fermés , c'est moins le cas aujourd'hui où ils demandent aux dirigeants des jeunes pousses de s'intéresser au volet vente et commercialisation , c'est à dire à chercher et trouver de futurs ...

à écrit le 21/03/2024 à 9:38
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Moi on me racontait une fable capitaliste bien plus vertueuse, l'argent privé abondant devait financer de bons salaires, devait améliorer sans cesse les conditions de travail, les produits fabriqués, et devait générer des investissements vertueux pou...

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