L'ascension du nationalisme d'extrême droite en Europe et son impact sur le « soft power » européen

OPINION. Dans un contexte d'incertitude politique, cette tribune explore les répercussions potentielles de l'ascension du groupe européen Identité et démocratie lors des élections sur l'influence européenne. Elle met en évidence les piliers du soft power européen : sa capacité à réformer, son engagement envers les valeurs de liberté et de souveraineté démocratique ainsi que sa cohésion. En soulignant le rôle crucial de ces piliers, la tribune alerte sur le risque d'une Europe affaiblie, moins unie et moins influente sur la scène internationale, conséquence de la montée du parti européen Identité et Démocratie. Par Véronique Chabourine, membre du bureau de l'association Renew Europe France Paris, déléguée chargée de la communication.
(Crédits : DR)

Le 4 mars, lors d'une interview accordée au journal télévisé de TF1, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a déclaré que « la diplomatie, la défense, les armées doivent rester une prérogative de l'État-nation et des États membres ». Le 3 mars, à Marseille, le Rassemblement national a lancé sa campagne pour les Européennes, évènement durant lequel aucun drapeau européen n'était présent. Le programme du parti, pour l'Europe, axé sur le slogan « tout régler, sans rien détruire » inclut la révision des traités européens avec pour angle principal la "stratégie tricolore "catégorisant les domaines de coopération en trois niveaux - en vert pour les secteurs acceptables comme Erasmus, orange pour ceux soumis à des restrictions comme la libre circulation dans l'espace Schengen et rouge pour les domaines jugés inappropriés à la coopération, tels que la défense et la diplomatie. Le Rassemblement national argue à l'aide d'une communication adoucie, que sa « stratégie tricolore » ne va pas désintégrer l'Union européenne, alors que son groupe au Parlement, Identité et démocratie, dont le projet est un affaiblissement de l'Europe, adopte ouvertement une ligne politique et des arguments polémiques, des positions anti-LGBT, anti-vaccination, anti-mariage homosexuel, climatosceptiques ainsi qu'un soutien au président Poutine, portés par des figures telles que le président de l'Alliance pour l'unité des roumains, George Simion ou le Bulgare Kostantin Kostadinov. A cette liste s'ajoute l'Estonien Martin Helme, connu pour ses positions pro-Trump, racistes et anti-immigration.

À moins de 100 jours des élections européennes, une enquête d'opinion réalisée par Ipsos attribue au Rassemblement national un score de 31%, le positionnant ainsi 13 points devant la liste de la majorité présidentielle. Parallèlement, l'institut de sondage Europe Elects, anticipe une progression notable pour le parti Identité et Démocratie, estimant un gain de 19 sièges, ce qui le porterait à un total de quatre-vingt-douze sièges, faisant de lui le quatrième groupe au sein du Parlement européen. L'ascension du nationalisme l'Extrême droite risque d'entraver significativement le rayonnement de l'Union européenne, et sa capacité à promouvoir les valeurs démocratiques.

Le cas représentatif de la Suède, ou depuis les élections de 2022, qui ont vu l'émergence des Démocrates de Suède (parti d'extrême droite) comme la deuxième force politique majeure ; le pays a considérablement durci sa politique migratoire. En outre, il a reconfiguré sa politique environnementale, notamment en supprimant les subventions destinées à encourager l'achat de véhicules électriques, et en réduisant la part de biocarburant obligatoirement intégrée dans le gazole et l'essence. En 2023, la Suède auparavant « modèle » dans la lutte contre le changement climatique a connu une augmentation de ses émissions de carbone.  Selon l'indice de soft power* 2024, la Suède a reculé d'un rang dans le classement mondial et chute de 8 places sur le pilier media et communication, et recule sur le pilier relations internationales, sur la réputation, et le pilier sustainable future, ce dernier étant directement affecté par sa politique environnementale actuelle. Dans le classement du « Soft power » 2024, un pays européen sur deux figure parmi les trente premières places, avec l'Allemagne, la France et l'Italie se positionnant respectivement dans le top dix.

L'Europe a forgé son influence sur le fondement de valeurs telles que la souveraineté démocratique, la puissance économique et normative. Elle a su mettre en œuvre des initiatives et des réformes qui ont façonné son image en tant qu'entité à la fois innovante et stable. Parmi ces initiatives, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) a été établi pour protéger les données personnelles des citoyens européens, le Pacte Asile et migration, ainsi que le projet Horizon dédié au financement de la recherche et de l'innovation ont contribué à renforcer le positionnement de l'Europe. Le Pacte Vert s'inscrit dans cette dynamique avec pour ambition de transformer l'Union européenne en une économie moderne et durable grâce à une transition énergétique juste. Le « Soft power » de l'Union européenne ne se résume pas à la somme des scores de « Soft power » individuels de ses États membres. Il repose sur sa capacité unique à inspirer et promouvoir un modèle d'innovation, de réglementation et de démocratie, ainsi que sur son habileté diplomatique à garantir la paix et la stabilité internationales.

Si les partis d'extrême droite montent en puissance en Europe, cela pourrait limiter la capacité de l'Europe à agir de manière unie sur la scène internationale, affaiblir sa position dans les négociations multilatérales et compromettre la perception de ses valeurs démocratiques et libérales. Cette situation pourrait également alimenter des politiques protectionnistes et isolationnistes, réduisant ainsi le Soft power de l'Europe en matière de diplomatie et d'économie.

Face à la montée des partis extrémistes en Europe et à la complexité de la situation géopolitique due à la guerre en Ukraine, l'Europe doit cultiver son « Soft power » en incarnant davantage les valeurs et principes diplomatiques avec des personnalités, mais aussi renforcer sa diplomatie et sa capacité de défense, avec des initiatives telles que − le renforcement de la Politique Étrangère et de Sécurité commune (PESC), impliquant davantage de coordination des politiques étrangères et une représentation unifiée sur la scène internationale  − la promotion d'une diplomatie active et de dialogue.

L'Union européenne devrait s'engager activement dans la résolution des conflits et la médiation diplomatique à la sécurité mondiale, en incluant des opérations de maintien de paix afin de promouvoir ses valeurs de démocratie, de droits de l'Homme et d'État de droit.

______

(*) Le soft power se définit par la capacité d'un État à influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 26/03/2024 à 9:26
Signaler
"adopte ouvertement une ligne politique et des arguments polémiques" En effet mais ils ne ofnt que ça que parler dans les médias afin de laver le cerveau des électeurs qui n'ont plus que le vote d'extrême droite pour sortir du vote de droite, parce q...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.