L‘enjeu de la mobilité quand l’économie vacille

OPINION. En termes de mobilités, les collectivités et les entreprises font aujourd'hui face à plusieurs défis majeurs, alors que le contexte économique est très compliqué. Par Olivier Koch, Directeur EasyPark France ; Emile Roger Lombertie, Maire de Limoges et Julien Ducoulombier, Directeur Spl Stationnement Valenciennes
(Crédits : Charles Platiau)

Entre les directives imposées par l'état, notamment autour de la loi LOM, et les attentes des administrés pour intégrer plus de mobilités et rendre les villes plus agréables à vivre, nous arrivons à un carrefour décisif pour les territoires Français. Alors que le Salon des Maires s'ouvre le 22 novembre prochain, tour d'horizon des trois grands sujets majeurs qui vont changer la donne pour les mobilités dans la décennie à venir.

Réduire les émissions carbone en améliorant les mobilités

Les objectifs de la loi LOM, promulguée le 24 décembre 2019, sont clairs : les déplacements à destination des citoyens doivent être optimisés et être conjugués aux enjeux environnementaux. Parmi les directives énoncées, nous pouvons citer la mise en place de Zones à Faible Emissions (ZFE) pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants, la régularisation des deux-roues, réglementation des VTC ou encore le soutien à l'acquisition des véhicules propres. Les mesures phares sont ambitieuses et nécessitent des moyens considérables. La somme de 13,4 milliards d'euros a d'ailleurs été investie à cet effet, mais elle semble assez dérisoire lorsque l'on sait que la France compte près de 35 000 communes. Ce budget courant jusqu'en 2024 sera-t-il suffisant ?

Aujourd'hui, les ménages français vivent une situation délicate. L'inflation et les prix des carburants ne sont pas propices à pousser à des investissements sur des véhicules dits propres. Le prix d'un véhicule électrique neuf se situant en entrée de gamme à 20 000 euros, il faut également regarder du côté du nombre des bornes de recharge présentes sur le territoire. En août 2022, L'Avere (Association nationale pour le développement de la mobilité électrique) comptabilisait un total de 66 960 bornes publiques, tout en soulignant une hausse de 49 % en comparaison à 2021. C'est encore trop peu pour motiver à l'achat de véhicules électriques. Avec un parc automobile comprenant près de 40 millions de véhicules sur l'ensemble du pays, il y aurait embouteillage, et une forte interrogation sur la manière dont la France pourrait subvenir à ce besoin énergétique considérable. Rien n'est véritablement spécifié concernant cette partie ; la filière nucléaire française étant actuellement perturbée sur plusieurs niveaux. Pourtant, cette question de l'approvisionnement énergétique englobe bien des sujets de la vie de tous les jours, en plus de celle des mobilités.

Pour la poursuite de ce projet qui redéfinira des pans essentiels de notre économie, des zones d'ombre restent à éclaircir. Les objectifs de la loi LOM à l'horizon 2024 semblent difficiles à atteindre au vu du contexte géopolitique mondial, économique et social de la France et des moyens alloués aux municipalités. Cependant, il est important de souligner la bonne volonté de nombre de municipalités, mettant en œuvre des initiatives pour s'aligner à cet objectif du gouvernement, notamment à travers les budgets participatifs, la mise en place de pistes cyclables, de solutions de stationnement et à la mobilité en règle générale. Cela sera-t-il suffisant ?

La difficile attractivité des territoires ruraux au XXIe siècle

Selon l'INSEE, en 2017, 30 775 communes françaises (soit 88 % des communes) étaient rurales, représentant seulement 32,8 % de la population française. Si à l'échelle européenne, la France reste le pays le plus rural, derrière la Pologne avec une ruralité à 45 %, toujours est-il que ces territoires se vident de plus en plus au profit des zones urbaines et péri-urbaines. Le manque d'infrastructures et de services pousse d'ailleurs de plus en plus de communes à se réunir en groupements intercommunaux. Cela ne résout en rien les problèmes inhérents de ces petites communes où le temps semble s'être arrêté au profit de zones plus denses qui concentrent les activités.

Sur le terrain des mobilités, l'enjeu est tout autre puisqu'il demeure très compliqué de se déplacer sans véhicule motorisé. Cela ne motive que très peu de personnes à s'y installer. Et même si la crise du covid et la démocratisation du télétravail a pu redonner vie à certains territoires avec l'arrivée de nouveaux ménages, cela reste dérisoire. En effet, l'urbanisation continue d'augmenter, et vient accroître la concentration des problèmes de mobilité sur des zones déjà extrêmement tendues. De fait, offrir un cadre de vie plus agréable pour les habitants de ces zones de population très denses devient un défi considérable, sans que les populations rurales ne soient plus avantagées sur ces sujets, bien au contraire. Aujourd'hui, il convient de réfléchir à des moyens de relier ces territoires ensemble pour détendre plusieurs secteurs comme l'immobilier et les mobilités. L'un des moyens les plus efficaces reste les lignes de chemin de fer en France, et toutes ces petites gares de proximité qui se sont vues déconnectées des réseaux depuis plusieurs décennies. Elles représentaient ce lien précieux entre la ville et la campagne et tout ce qui les entoure (emplois, culture,...). Si cette richesse des mobilités entre les territoires s'est perdue au fil du temps, rien ne dit qu'elle doit être totalement enterrée.

La réouverture de nombreuses gares de campagne, l'offre de services plus décentralisée et bien d'autres éléments doivent faire partie de la volonté de l'état sur les questions de mobilités. Elles ne doivent pas être uniquement centrées sur un type de problématique, des innovations trop imposantes bien que nécessaires, mais s'appuyer sur l'existant afin de préparer au monde de demain sans laisser de côté une partie importante de la population.

Les bénéfices de la Smart City made in France demeurent encore incertains

La Smart City, cela fait longtemps que nous en entendons parler. Les promesses sont grandes et les exemples nombreux pour montrer à quel point les bénéfices seront réels. Des capteurs mesurant le taux d'ensoleillement et d'humidité pour ajuster l'arrosage des jardins publics ou encore la signalisation visant à fluidifier le trafic routier, tant d'innovations qui auront toute leur utilité dans nos territoires.

Cependant, si les promesses sont tangibles, d'autres menaces guettent les villes. L'hyper-connexion laisse planer le doute sur le bienfondé de la smart city en général. En premier lieu, les risques liés à la cybersécurité, ou la peur d'une surveillance à grande échelle, voire des capteurs qui pourraient potentiellement poser certains problèmes de santé publique pour les populations. Si ces questions trouveront certainement des réponses, il en est une qui est cruciale aujourd'hui, celle de la monétisation de l'espace public et particulièrement des trottoirs. En effet, la smart city s'est longtemps concentrée sur les mobilités, la donnée et toutes sortes d'innovation, et a longtemps laissé de côté le trottoir dans l'équation. Sauf qu'aujourd'hui, cet espace concentre toutes les convoitises, et pour cause, c'est l'endroit où les bornes de recharges sont installées, les offres de mobilités douces (trottinettes, vélos,...) sont mises à disposition des usagers. Elles coûtent moins chère que des bâtiments dédiés et permettent d'optimiser l'espace utilement.

Les municipalités y trouvent un avantage considérable puisqu'elles permettent de louer ces espaces et financer d'autres projets sans avoir à procéder à des hausses d'imposition sur les entreprises et les particuliers. Est-ce que cela signifie que le trottoir sera un jour divisé entre une partie sur laquelle nous pourrons marcher et l'autre où son développement commercial sera si grand qu'il faudra y consacrer des parcelles significatives ? Seul l'avenir nous le dira.

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