L'offre, condition du succès de la « mobilité électrique »

OPINION. Innover, planifier, accélérer : voilà les trois maîtres mots du succès de l'électrification de la mobilité. Par Paulo Moura, Directeur adjoint innovation et partenariat - Université Côte d'Azur - IMREDD, cosignataire de l'Alliance pour la décarbonation de la route
(Crédits : DR)

Dans la planification écologique que le Président de la République a présentée le 25 septembre dernier, les transports sont le premier secteur mis à contribution, avec un objectif de -36 Mt eqCO2 à horizon 2030, soit une baisse de près de 30% des émissions. À elle seule, la mobilité routière électrique doit permettre d'atteindre 30% de cet objectif. Le gouvernement table ainsi sur 15% de véhicules 100% électriques en circulation en 2030, contre seulement 1% aujourd'hui.

Comment relever ce défi ? En assurant une offre adaptée aux besoins. Là est la condition première pour que les Français adoptent la mobilité électrique.

Une offre adaptée aux besoins doit reposer sur deux piliers, qui restent aujourd'hui en construction : les véhicules et les infrastructures de recharge.

Pour ce qui concerne les véhicules, il est indispensable que l'électrique couvre tous les segments du marché, des petites citadines aux berlines haut de gamme, afin de pouvoir répondre à l'ensemble des déplacements. La performance des véhicules électriques doit également s'améliorer. L'autonomie a connu une forte augmentation ces dernières années pour atteindre, en fonction des véhicules, entre 100 et 600 km en conditions réelles. Mais l'innovation dans les batteries (batteries à électrolyte solide notamment), les châssis, les roues ou autres équipements a vocation à augmenter encore l'autonomie, en améliorant l'efficacité énergétique des véhicules électriques. Plus complète, plus performante, la gamme des véhicules électriques doit aussi être plus vertueuse d'un point de vue environnemental. Il s'agit de promouvoir la fabrication et l'acquisition de véhicules plus compacts, plus légers et plus économes en carburant, en particulier dans le secteur des véhicules intermédiaires. Ceci est d'autant plus crucial que l'augmentation des véhicules lourds de type SUV est en grande partie responsable de l'augmentation des émissions dans le secteur du transport routier ces dernières années.

L'importance des infrastructures

À l'évidence, au-delà des véhicules, l'essor de la mobilité électrique dépend aussi des infrastructures de recharge. La peur de la panne, faute de bornes de recharge accessibles, est aujourd'hui le principal frein à l'adoption des véhicules électriques. Deux caps symboliques ont été franchis ces derniers mois : celui du million de points de charge privés et publics fin 2022, et celui des 100 000 bornes ouvertes au public, en mai 2023, avec quelques mois de retard par rapport aux objectifs du Gouvernement. Cette tendance doit se poursuivre : le président de la République a ainsi fixé un objectif intermédiaire de 400 000 bornes de recharge ouvertes au public à horizon 2030.

Cependant, il existe deux défis à relever. En premier lieu, il est impératif de mettre en place des infrastructures de recharge au sein des copropriétés. Actuellement, bien que 50% des Français vivent en copropriété, seules 2% d'entre elles sont équipées de bornes de recharge. Pour remédier à cette situation, il est essentiel de fournir un soutien accru aux syndicats de copropriété. Le déploiement de ces bornes implique des investissements, mais aussi la planification et l'optimisation de leur utilisation, l'amélioration de l'efficacité énergétique, ainsi que la réflexion sur la production et la consommation d'énergie à l'échelle locale, dans le cadre de communautés d'énergie.

Une mobilité longue distance

En second lieu, il faut offrir aux automobilistes, pour les trajets interurbains et longue distance, et notamment sur les autoroutes, un service de recharge équivalent à celui dont ils bénéficient pour leurs véhicules thermiques, soit une recharge de 20 à 30 minutes à un prix compétitif, lors d'une pause toutes les 2 heures environ.

Cette exigence a des implications très importantes, s'agissant du type de bornes (bornes rapides et surtout ultrarapides, d'une puissance supérieure à 150 kW), du dimensionnement et de la densité du réseau (qui doit permettre de répondre aux pointes de trafic, notamment pour les vacances), de fiabilité et d'accessibilité tarifaire des bornes. Il s'agit là de planifier, en tenant compte non pas des besoins d'aujourd'hui, mais de ceux à horizon 2030.

Si toutes les aires d'autoroutes sont équipées de stations de recharge d'ici la fin de l'année, un tel plan reste encore à écrire. Le gouvernement commence à se mobiliser avec l'annonce récente de l'élaboration d'un schéma national des sites de raccordement haute puissance des stations de recharge d'ici « la fin de l'année », mais le chemin à parcourir reste long.

La logistique des « premiers kilomètres »

Les enjeux pour le transport de marchandises sont tout aussi importants. Pour réduire les émissions des poids lourds, les poids lourds électriques avec une solution de recharge statique constituent aujourd'hui la technologie privilégiée et vont nécessiter des besoins en bornes de recharge complémentaires et spécifiques (avec des bornes d'une puissance supérieure à 350 kW).

Par ailleurs, les gestionnaires d'infrastructures travaillent sur des systèmes de recharge dynamique, appelés Electric Road System (ERS), permettant d'alimenter les poids lourds pendant qu'ils roulent, par caténaires, rail ou induction. Ces technologies prometteuses permettraient de réduire la taille et le coût des batteries. Mais elles doivent encore arriver à maturité et nécessiteront des aménagements importants, notamment pour le raccordement au réseau électrique.

Là encore, la planification, notamment au niveau européen, sera clé.

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Commentaires 2
à écrit le 02/11/2023 à 10:34
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Bref, remettre à l'ordre du jour la consommation pour "nourrir" des entreprises artificiellement par le biais de la publicité ! Alors qu'une autre organisation de la société permettrait de s'en passer !

à écrit le 02/11/2023 à 9:16
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En effet mais c'est pas la route qu'ils prennent ils veulent supprimer les bagnoles pour tous et que ceux qui peuvent se le permettre en payent trois fois le prix. Ils pourraient au moins faire des promos sur les chevaux et les chariots hein, ce sera...

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