Le bon combo des marchés

CHRONIQUE. L'investisseur a un bon présentiment. Il semblerait que les conditions favorables à une hausse durable des marchés prennent forme : une inflation qui s'essouffle enfin, des politiques monétaires en fin de cycle, une activité plus résiliente que jamais. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby
(Crédits : KAI PFAFFENBACH)

Nous sommes le 1er janvier 2023. Le pire est promis aux marchés financiers dans un scénario où l'inflation refuse de fléchir, les Banques centrales durcissent davantage encore les conditions de financement, le pouvoir d'achat du consommateur chute, la confiance avec, et les marges des entreprises promettent d'en faire d'autant.

Nous sommes le 13 juin 2023. Le pire n'est jamais certain. Les marchés financiers sont en hausse, toutes classes d'actifs confondues : obligations, crédit, actions. La plus grande surprise concerne peut-être les marchés obligataires. Les hausses de taux directeurs des Banques centrales sont bien venues. Mais pas celles des taux d'intérêt à 10 ans. Depuis le début l'année, les taux à 10 ans européens ou américains sont stables ou en baisse. La deuxième grande surprise concerne les marchés d'actions, en hausse de plus 10 %, une hausse déjà entamée fin 2022 en vérité. Les marchés d'actions devaient souffrir d'une contraction des marges et d'une hausse des taux. Les deux ne sont jamais venues. En l'absence de contre - indication, le marché d'actions n'a qu'une direction : la hausse.

Les marchés de taux et d'actions ont donc déjoué les pronostics. Peut-être de manière péremptoire concernant les taux d'intérêt, les investisseurs obligataires anticipant aujourd'hui des Banques centrales bien moins restrictives que ce qu'elles continuent d'annoncer. Mais concernant les actions, il ne semble pas que la hausse manifeste quelque exubérance. En effet, la lecture de la prime de risque actions exigée par l'investisseur ne témoigne pas d'un excès d'optimisme des marchés : théoriquement, cette prime révèle le supplément de rendement exigé par l'investisseur afin d'acheter une action plutôt qu'un actif sans risque. On imagine alors que si l'investisseur devient méfiant, il exige une prime plus élevée. Les amateurs pourront consulter la bible, et même rafraichir la dernière mesure de la prime US.

Cette prime de risque actions s'est réduite depuis le début de l'année, mais ni trop ni trop peu ; juste en écho à l'éloignement du risque de catastrophe économique. On peut faire à peu près la même analyse concernant le marché des obligations d'entreprises, même si l'on sent bien que la prime de risque crédit est moins claironnante que la prime de risque actions. Probablement à cause de sa plus grande vulnérabilité dans un monde où les conditions de financement sont moins accommodantes.

Evidemment, on n'est jamais certain que le bus de la catastrophe ne finira pas par passer demain, ou après demain. Mais une chose est certaine, il n'est pas passé à l'heure annoncée au départ. Et cela, c'est déjà une très bonne surprise. Mais il y a mieux encore. Car nous assistons à une multiplication de petits signaux encourageants que semblent éclairer un horizon économique devenu moins hostile. Pas encore de quoi déclencher une tendance, mais vraisemblablement plus de quoi motiver une chute sévère.

Le poudroiement de l'horizon

Pour comprendre ce qu'il se produit sous nos yeux, il faut d'abord réaliser que les marchés ne sont pas à fleur de peau sur tous les sujets. Ils procèdent par ellipse. Pour eux, le mythe du déluge est entretenu par un nombre relativement limité de facteurs de risque. En l'occurrence, trois facteurs de risque : l'inflation, les taux directeurs, et les marges des entreprises. Quelques experts se risqueront à résumer ces 3 facteurs de risque en 1 : les salaires. Mais ce n'est pas important. Ce qui est important c'est que tous les facteurs de risque qui pourraient justifier encore de la survenue de la catastrophe semblent grippés, pour une durée indéterminée. Ils ne sont pas déchargés de leur pouvoir de nuisance, ils semblent juste mis en veille prolongée.

Il est encore trop tôt pour valider complètement ce diagnostic angélique. Une hirondelle fait souvent le printemps sur les marchés, mais pas en économie. Il faudra de nouveaux chiffres d'inflation confirmant la décrue, notamment du côté des prix hors énergie et alimentaires, les seuls véritablement à risque aujourd'hui. Et même s'ils sont très bons, les Banques centrales exigeront que ces chiffres soient accompagnés d'une détente des anticipations d'inflation de long terme et de moindres pressions salariales. Enfin, il faudra que les entreprises fassent preuve d'imagination : comment maintenir des marges élevées, alors qu'elles sont invitées à ne plus diffuser la hausse des prix des inputs sur les prix des outputs. (Auraient-elles trop tiré sur la corde ?)

Mais les marchés semblent prêt à payer pour voir. Ils adhèrent à un tel scénario. Une évidence lorsque l'on regarde la performance des marchés depuis le début de l'année. Mais une lecture plus fine nous éclaire bien davantage. Par exemple, il existe des stratégies consistant à sélectionner les titres plus ou moins sensibles à la réalisation de certains facteurs de risque. En l'occurrence, si l'on fait l'exercice sur les 3 facteurs de risque précités, on constate que tous les portefeuilles misant sur une détente des 3 facteurs de risque se comportent mieux que les autres. Cela ne dit évidemment pas que les investisseurs ont raison d'y croire, mais qu'ils y croient de plus en plus.

La bonne tenue des marchés semble donc reposer un faisceau d'indices concordants, qui ne constituent pas une preuve, mais en font un combo stimulant.

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Philippe Jaccottet

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Investisseur 2023

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