L'ouvrage de ce médecin et statisticien suédois, décédé en 2017, à 76 ans, est une référence majeure des « Nouveaux optimistes » (Johan Norberg, Steven Pinker, Matt Ridley, Bjorn Lomborg, Peter Singer... mais aussi des personnalités comme Bill Gates). Ces derniers analysent le monde à partir d'une « saine habitude de fonder son opinion sur les faits » (la définition de « factfulness »), qui aboutit à constater, comme le montre Hans Rosling, statistiques à l'appui, que notre monde est meilleur que celui d'hier en matière de sécurité, d'alimentation, d'éducation ou encore d'égalité.
Pourtant, ces faits retiennent rarement l'attention. Pour analyser ce phénomène, Hans Rosling propose une série de questions factuelles. Exemples. « Dans les pays à faible revenu, combien de petites filles finissent l'école primaire ? » 60% et non 20% comme la majorité répond. « Comment a évolué le nombre de morts par catastrophe naturelle ces cent dernières années ? » La majorité pense qu'il a doublé alors qu'il a diminué de moitié...
Un biais pessimiste
Pourquoi la plupart des gens - quels que soient leur niveau d'éducation et leur rang social, les plus éduqués pouvant faire pire que la moyenne échouent à ces tests, à tel point que des chimpanzés fournissant des réponses au hasard feraient mieux ? Le niveau d'intelligence n'est pas en cause. En fait, cette « vision du monde systématiquement fausse » a davantage à voir avec des connaissances qui ne sont pas actualisées : on se trompe parce que l'on croit savoir.
C'est pourquoi Hans Rosling a créé Gaspermind, un « fact tank » plutôt qu'un think tank, qui met à jour de nombreuses données sur le développement mondial. Et comme les statistiques sont arides et ennuyeuses, l'accent est mis sur leur présentation pédagogique.
Pourtant, c'est encore insuffisant. Dans ses conférences, Hans Rosling constatait que le public, pourtant enthousiaste devant ses démonstrations, revenait rapidement à la vision pessimiste du monde. Pour expliquer ce paradoxe, le médecin suédois s'est intéressé, à la lumière de la théorie de l'évolution, à la façon dont notre cerveau fonctionne. Si nos comportements ont changé depuis des milliers d'années, nous avons conservé des instincts - des biais, disent les psychologues - qui nous poussent par exemple à nous nourrir de gras et de sucré car nos aïeux avaient faim.
De même, envisager sans cesse le pire leur a permis de survivre dans un milieu hostile, où le cerveau « évite de trop penser et se hâte de conclure ». Or, comme nous sommes souvent dominés par nos émotions, « nous avons encore besoin de ces instincts dramatiques pour donner sens à notre monde et tenir au quotidien », remarque Hans Rosling.
Dans son livre, Hans Rosling répertorie 10 de ces instincts, consacrant un chapitre à chacun d'eux : l'instinct négatif, celui du fossé, de la ligne droite, de la peur, de la taille, de la généralisation, de la destinée, de la perspective unique, du blâme et de l'urgence. Le lecteur découvre ainsi ce qui le pousse à voir le monde en noir, et peut modifier son regard pour prendre en compte les bienfaits du progrès et ainsi prendre les bonnes décisions.
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Hans Rosling (avec Ola Rosling et Anna Rosling Rönnlund), Factfulfness, éditions Flammarion, traduit de l'anglais par Pierre Vesperini, 408 pages, 23,90 euros.
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