Les incohérences du libéralisme non assumé de l’ère Macron

Le gouvernement a consacré beaucoup d'énergie à démontrer qu'il avait compris l'importance de l'entreprise et de la liberté d'entreprendre. La première réforme phare du gouvernement était la réforme du code du travail avec une volonté affichée de libérer l'entreprise d'un carcan de lois qui l'oppressait. Même si la montagne a accouché d'une souris, l'intention affichée montrait un libéralisme bien plus déterminé que celui des gouvernements précédents. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l’ESSEC

D'autres réformes avaient également cet emballage de restauration de la liberté d'entreprendre et de la confiance du gouvernement dans l'entreprise.

En revanche, la volonté de réforme de l'objet social de l'entreprise semble montrer la voie d'un libéralisme non plus assumé, mais contraint par la version actualisée de la vieille morale progressiste traditionnelle. Le gouvernement semble indiquer que oui il est favorable à la liberté d'entreprendre, oui il est favorable à l'individualisme économique et à la propriété privée, mais c'est un libéralisme « moral » dans lequel le profit ne saurait être l'objectif unique de l'entreprise. Il faut en quelque sorte le justifier et le purifier par des considérations morales permettant de le rendre plus vendable à la clientèle électorale censée être le soutien du gouvernement. Rajouter ainsi des considérations morales laisse donc à penser que dans le libéralisme classique, l'entreprise en manquerait et que le profit demeure un objectif amoral, voire immoral.

Une offensive à deux visages

L'un, joué par le député Guerini, en charge de la réflexion, est chargé de rassurer sur la pureté libérale des intentions du gouvernement. L'objectif serait juste de proposer aux entreprises qui le souhaitent d'intégrer des objectifs autres que le profit. L'autre visage, joué par le ministre Hulot, envoie les grandes orgues progressistes du profit acceptable seulement s'il est subordonné à des préoccupations environnementales, à des préoccupations de prise en compte de « l'intérêt général », de l'intérêt des travailleurs et tant qu'on y est des fournisseurs et autres parties prenantes. Cela reviendrait à un droit de contrôle opposable en justice sur l'activité économique de l'entreprise par tous ceux qui de près ou de loin sont liés à cette entreprise : employés, consommateurs, fournisseurs, collectivités, et, pourquoi pas les passants dans la rue qui respirent l'air qui circule par les locaux de l'entreprise.

L'une et l'autre façon de vendre la réforme vise à rendre le libéralisme acceptable aux yeux des électeurs, mais ne vise en rien à résoudre un problème qui serait clairement identifié, tels que le mauvais traitement des employés, la pollution, ou la mise en danger de l'intérêt général. L'entreprise exerce déjà ses activités dans un cadre légal strict, cadre légal qui reflète la culture et les choix majeurs de notre société. Les abus contre les travailleurs sont traités par le droit du travail qui spécifie clairement les obligations des entreprises par rapport aux employés qui peuvent saisir les tribunaux de prud'hommes. Les problèmes de pollution sont traités par l'adoption de normes de pollution claires, et la mise en œuvre stricte de ces normes. Le code du commerce règlemente les échanges marchands et le respect des contrats avec leurs fournisseurs.

Par ailleurs, la RSE fait déjà l'objet d'une grande unanimité, et les entreprises cotées sont déjà tenues à un certain nombre d'obligations auquel elles se prêtent déjà de bonne grâce, et auquel elles rajoutent d'elles-mêmes un grand nombre d'actions de « green washing » de toutes sortes en faveur d'un grand nombre de causes sociales. Il ne semble pas qu'il y ait matière à en rajouter par rapport à l'objectif sans perturber leur bon fonctionnement.

En revanche cette réforme montre clairement que ce gouvernement ne comprend pas plus l'entreprise et le profit que les précédents. Ce qui rend le profit moral et l'activité de l'entreprise morale est qu'ils s'exercent dans un cadre de concurrence. En effet, la concurrence conditionne le profit à la mise en œuvre d'une efficacité supérieure et à l'innovation dans la production de biens à destination des consommateurs et non à l'exploitation de rentes de monopole. En ce sens ils servent l'intérêt général en se battant pour mettre à la disposition de la société des biens et services au meilleur rapport qualité-prix. Ce faisant elles sont la source continue et unique du progrès économique et de l'innovation et génèrent emplois et revenus du travail pour les citoyens de ce pays.

La confusion vient en premier lieu, outre la méconnaissance de la nature de l'entreprise et du profit, d'une vision rétrograde de la morale et de l'intérêt général. Il n'y a pas d'opposition entre la recherche de l'intérêt particulier, tant qu'il s'exerce dans le cadre de la loi, et l'intérêt général. Pour les progressistes, une action particulière ne peut pas servir l'intérêt général si elle ne l'affiche pas comme son objectif. Or il n'est pas besoin qu'une action prétende servir l'intérêt général pour qu'elle le serve effectivement. Une firme de biotechnologie, qui dans le cadre d'un objectif de profit, innove et met sur le marché un nouveau médicament permettant de mieux soigner une maladie, sert l'intérêt général alors même que son objectif et son action servent son objectif de profit dans l'intérêt affiché de faire au mieux pour ses actionnaires. Il est donc inutile de rajouter des objectifs moraux à cette entreprise. Ce qu'on attend d'elle, ce qui servira au mieux les intérêts du pays, est que cette entreprise fasse le plus grand profit possible et que ses actionnaires s'enrichissent le plus possible, grâce à une bonne gestion et des innovations réussies.

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Commentaires 3
à écrit le 19/01/2018 à 16:28
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Qu3lques doutes sur ce raisonnement au vu de scandales recurrents dans l agro alimentaire, l agriculture... L industrie des medicaments... Ou l on s apercoit que sans reels controle.... Le sur profit ne repond plus a l interet general mais bien a l ...

à écrit le 19/01/2018 à 9:06
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" Il n'y a pas d'opposition entre la recherche de l'intérêt particulier, tant qu'il s'exerce dans le cadre de la loi, et l'intérêt général" Or vu que multinationales et actionnaires milliardaires ne payent pas d'impôts, on ne peut donc pas affirm...

à écrit le 19/01/2018 à 8:11
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Les entreprises tiennent compte du prix de l'énergie et le gouvernement (les économistes) n'en tiennent pas compte. Voir la note n°6 du CAE.

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