Les promesses de la smart city se font toujours attendre

OPINION. Malgré de nombreux projets et des investissements conséquents, la ville intelligente rencontre des difficultés pour apporter des solutions concrètes à ses habitants. Il faut aujourd'hui promouvoir des solutions interopérables et réplicables pour déployer une smart city au bénéfice de la population. Par Pierre-Eric Perrin, Associé fondateur de Mawenzi Partners.
(Crédits : DR)

La smart city fait figure d'horizon indépassable de la ville connectée au service de ses citoyens. La ville 3.0 s'équipe de capteurs et d'intelligence artificielle pour récolter puis analyser les données de terrain.  Elle peut aussi plus modestement consister à garantir la résilience des territoires par une exploitation intelligente de ses ressources, surtout dans une phase de recherche de sobriété.

Des projets ambitieux...

Depuis 2008, plus de 40 métropoles françaises se sont lancées dans des projets aux ambitions variables pour un budget total de 8 milliards d'euros. Dijon, Lyon, Le Havre ou encore Angers ont inauguré des concepts innovants avec la volonté de changer le quotidien de leurs habitants. Eclairage, transports, réseaux de chauffage, vidéosurveillance... le pilotage des équipements est ainsi optimisé, l'investissement dans les infrastructures dimensionné au plus près des besoins présents et futurs afin de garantir le développement durable de la ville. La ville intelligente permet donc d'épouser les évolutions technologiques, environnementales et sociétales en cours, et elle permet de le faire à une maille suffisamment fine pour répondre aux enjeux de sécurité, de bien-être, d'économie et de sobriété.

... Mais trop hétérogènes

Malgré ces expérimentations et des perspectives intéressantes, la smart city semble pourtant aujourd'hui marquer un temps d'arrêt. Les élus deviennent prudents, certains industriels abandonnent ce marché. Il faut bien déplorer un décalage entre les ambitions affichées et les résultats des actions déployées sur le quotidien des habitants, avec très peu de nouveaux services implémentés. Ceci s'explique par des politiques innovantes dans leur conception mais qui n'arrivent pas à essaimer au-delà d'expérimentations menées dans des quartiers ciblés. La taille critique nécessaire à leur visibilité et à leur efficacité n'est dès lors pas atteinte. Il parait difficile de transposer des modèles reflétant la sensibilité d'élus qui conçoivent des actions conçues pour une réalité locale précise, dans un contexte politique particulier. Ceci génère des projets disparates, peu interopérables les uns avec les autres, qui ne parviennent pas à forger une dynamique nationale.

Un retour sur investissement délicat à mesurer

L'autre conséquence de la multiplication de programmes hétérogènes et souvent limités dans le temps se traduit par un coût d'autant plus lourdement ressenti qu'il s'avère difficile d'évaluer le retour sur investissement. Circonstance aggravante, l'horizon temporel des industriels fournissant matériel et logiciels et celui des collectivités publiques ne coïncide pas. Les premiers doivent s'inscrire dans un temps long pour amortir des investissements importants quand les secondes restent dans une logique d'expérimentation limitée dans l'espace et le temps, soumise aux aléas des alternances politiques, et ceci malgré un financement largement assuré par l'État. Des industriels rendus logiquement de plus en plus frileux d'un côté, des projets qui restent conçus pour des problématiques locales : les limites de la smart city telle qu'elle se construit aujourd'hui reposent sur ce constat. L'environnement technologique et juridique encore incertain ne fait dès lors que complexifier l'équation.

Si la recherche actuelle d'économie et de sobriété permet aux collectivités d'apporter un bénéfice immédiat sur ces projets, les investissements dans les solutions fondées sur la nature et dans la biodiversité s'inscrivent bien évidemment dans un temps plus long où le ROI ne constitue pas le premier critère.

Promouvoir des solutions réplicables à des coûts maitrisés

Pour sortir de cette impasse, un certain nombre de mesures doivent être adoptées. Il parait indispensable de recenser dans une base partagée par l'ensemble des acteurs de la smart city tous les projets exécutés ou en cours avec un inventaire des difficultés rencontrées et une évaluation des objectifs fixés. Une structure avec des financements fléchés rassemblant à l'échelle nationale l'ensemble des collectivités œuvrant ou souhaitant investir dans la smart city semble tout aussi nécessaire. Les industriels doivent être invités à la rejoindre avec de possibles partenariats public-privé qui pourraient garantir des financements pérennes. Ceci permettra aux collectivités d'opter pour les projets les plus porteurs, réplicables, avec des budgets maitrisés ou a minima d'exploiter de manière intelligente et concertée leurs ressources naturelles. Et au final de monter en compétences en matière de ville intelligente au bénéfice de l'ensemble des citoyens, des territoires et de la biodiversité.

Les solutions existent aujourd'hui, les cas d'usage aussi, l'enjeu réside donc désormais dans l'industrialisation et la capacité des collectivités à travailler ensemble.

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