Pourquoi la contraception masculine a du mal à s’imposer

La contraception masculine a bien du mal à s’imposer dans les secteurs médicaux et pharmaceutiques où les quinquas sont encore très nombreux. Mais les jeunes générations s’y intéressent et des méthodes alternatives apparaissent au-delà des préservatifs et du « coïtus interruptus ».
(Crédits : DR)

Après des années de pilules pour les filles, une étude vient de montrer une piste intéressante pour un traitement contraceptif masculin. Mis au point par le laboratoire académique du Weill Cornell Medicine aux États-Unis, le principe n'est pas basé sur des hormones, mais sur l'inhibition d'une enzyme essentielle à la motilité des spermatozoïdes. En bloquant leur maturité et leurs mouvements, elle réduit la fertilité de monsieur pendant quelques heures. Une nouvelle piste qui a donné des résultats très positifs... sur des souris. Des recherches méritoires car, depuis cinquante ans, les projets de contraception masculine n'arrivent pas à décoller. Cependant, les mentalités sont peut-être en train de changer : certains hommes ne veulent plus laisser l'unique responsabilité à leur compagne.

Frilosités médicales

Depuis une dizaine d'années en tout cas, l'idée d'une contraception partagée revient avec insistance sur le devant de la scène, sous l'effet du mouvement #MeToo et de la crise des pilules femmes de 3ème et 4ème génération (2012/2013). Une idée qui se heurte aux freins culturels, aux frilosités médicales et aux doutes quant aux performances de la contraception masculine. Les hommes n'ont aujourd'hui que trois solutions contraceptives bien identifiées : le retrait précoce (assez aléatoire), le préservatif - parfois un peu frustrant - et la vasectomie, relativement définitive. Sans parler de la concurrence du business des pilules féminines et des stérilets qui fonctionnent bien, alors pourquoi chercher plus loin ?

En France, la vasectomie est la seule alternative au préservatif et au retrait reconnue par les autorités de santé. Cette opération consiste à sectionner les canaux qui transportent les spermatozoïdes des testicules jusqu'à la prostate où ils se mélangent au liquide séminal (le sperme). Les spermatozoïdes ne représentent que 2 % de ce liquide mais sans eux, pas de fertilité. Selon l'Assurance maladie, les demandes de vasectomie ont été multipliées par 10 en dix ans. On en comptait 23.000 en 2021. Mais si c'est imparable en matière de contraception, il est difficile de revenir en arrière. L'intervention consistant à réformer les canaux sectionnés pour retrouver un sperme fertile n'est efficace que dans une partie des cas.

La méthode thermique ou slip contraceptif

Il existe bien d'autres méthodes de contraception masculine temporaire développées depuis les années 1980, mais aucune n'est vraiment parvenue jusqu'au marché. La contraception thermique est une innovation française, 100 % bio et conçue dans un cadre médical. Mise au point par un andrologue du CHU de Toulouse dans les années 1980, elle consiste à plaquer les testicules contre le bas ventre, autour de la verge. Objectif : monter leur température des 33 à 34°C habituels à 36 ou 37°C. Et ce réchauffement fait chuter la production de spermatozoïdes.

À l'époque, le Dr Roger Mieusset avait adapté un modèle de slip assurant cette fonction, une sorte de soutien-gorge pour testicules qui maintient les parties intimes contre la peau avec des bandes élastiques. Un genre de « wonderboules » après le modèle « wonderbra » des années 80. Le médecin avait fait assembler quelques-uns de ces slips thermiques, il les avait confiés à des patients pour suivre leur efficacité. Une forme d'étude clinique en milieu médical financée par l'Inserm. Le résultat avait estimé l'efficacité du principe : un spermogramme montrait un taux de spermatozoïdes assez bas pour assurer une infertilité provisoire : 73% de taux contraceptif atteint à 3 mois de port, 98% à 6 mois. Mais le slip devait être porté 15 heures par jour et la fertilité revenait quand on cessait de l'utiliser.

Freins culturels

Malgré l'intérêt de quelques industries textiles à l'époque, aucun fabricant ne s'est jamais lancé dans la production de ces slips contraceptifs. Le marché militant masculin leur semblait trop étroit et, entre-temps, les années Sida ont poussé à tout miser sur les préservatifs. Trente ans plus tard, cette contraception thermique continue d'intéresser des réseaux qui animent des ateliers de couture de son propre modèle, parfois avec le planning familial. Erwan Taverne milite pour faire connaître ce mode de contraception. Il a fondé l'association GARCON : Groupe d'action et de recherche pour la contraception, et participe à faire émerger le sujet en médiatisant notamment les dispositifs thermiques sous forme de jockstrap (slips réputés plus confortables) ou d'anneau.

Il déplore les freins culturels persistants, alors que la demande augmente dans les jeunes générations. « Les professionnels de santé et les autorités sanitaires sont nombreux à estimer que la contraception des hommes est une contraception de confort. Alors que celle des femmes est envisagée comme une nécessité. Cette position ignore l'évolution des mentalités avec des hommes qui veulent participer à l'effort de contraception autant que leurs compagnes. Des compagnes qu'on a trop longtemps laissées seules assumer cette contraception. »

Anneau de silicone

Sur ce principe thermique, d'autres modèles sont également apparus depuis. L'infirmier Maxime Labrit a ainsi créé l'andro-switch, un anneau de silicone qui plaque aussi les testicules à la base de la verge. Entre 2019 et 2021, son entreprise Theoreme a produit et commercialisé plus de 10.000 anneaux, via la vente en ligne. Mais il a été retiré de la vente un an et demi après son lancement en décembre 2021, interdit de commercialisation par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au motif de « l'absence de données cliniques démontrant ses performances et sa sécurité d'emploi ».

Dans le même état d'esprit, l'ingénieur Olivier Nago, fondateur de JEMAYA Innovations, a conçu un modèle de "boxer chauffant". Le petit dispositif chauffant alimenté par des batteries est relié aux compresses dont la température peut monter de 38 à 41°C. D'abord appelé SpermaPause, le sous-vêtement a dû renoncer à son nom comme le souligne Olivier Nago : « Je ne le présente pas comme un moyen de contraception, car je ne dispose pas du label CE nécessaire pour lui attribuer cette fonction. J'ai calculé qu'une certification CE me coûterait deux millions d'euros et je n'en ai pas les moyens. » Récemment, une jeune pousse, Cobalt Contraception (Brest), s'est lancée sur le slip contraceptif dans l'incubateur de l'école d'ingénieurs IMT Atlantique. Une autre initiative thermique propose de réchauffer les testicules par un nuage d'ultra-sons. Vendus sans ordonnance et portés sans contrôle médical, ces dispositifs ne plaisent pas aux professionnels de santé. Ils doutent de leur innocuité et de leur efficacité en l'absence d'essais cliniques, au-delà des observations du Dr Mieusset. Pourtant, les États-Unis commenceraient à s'intéresser à cette méthode contraceptive.

Une piqûre par semaine

Autre solution, la méthode hormonale sur le modèle de la pilule féminine. Le principe : prendre de la testostérone afin de tromper le cerveau. Puisque le taux hormonal du corps semble prouver qu'il y a bien assez de spermatozoïdes disponibles, le cerveau met la production au repos. Et comme avec le principe thermique, le sperme ne peut plus féconder d'ovule au bout de trois mois. Depuis 1980, cette méthode a connu divers essais sans grand succès, sous forme de pilule et de patch. Avec des risques d'effets secondaires propres à ce type de traitement : prise de poids, trouble de l'humeur, baisse de la libido, acné... la contraception hormonale n'emballe pas beaucoup les hommes. Même si le principe semble pratique, l'obligation de se faire piquer toutes les semaines est relativement contraignant.

Pourtant, ce type de contraception sous forme d'injections a été reconnu, comme le souligne le Pr Jeanne Perrin, membre de la société d'Andrologie de langue française et responsable du groupe de travail "Contraception masculine". « Dans les années 1990, rappelle-t-elle, l'OMS s'est impliquée dans ces injections d'énanthate de testostérone avec un protocole d'une piqûre  hebdomadaire. Elles présentaient une bonne innocuité et le principe est totalement réversible. Mais pour plus de 20 % des hommes, le niveau de fertilité n'avait pas suffisamment baissé pour assurer la contraception. En France, cette méthode n'est simplement pas reconnue. L'hormone à injecter ne possédant pas l'indication contraceptive dans son autorisation de mise sur le marché (AMM), les médecins qui prescrivent le font sous leur propre responsabilité (hors protocole sécu) et les patients ne sont pas  remboursés. »

La vasectomie par bouchon

Dernière méthode contraceptive déjà en phase d'essais cliniques, le gel RISUG (1). Développé en Inde, ce gel synthétique est injecté dans les canaux déférents (entre les testicules et la prostate), une intervention rapide et sous anesthésie locale. Une fois les canaux bouchés, les spermatozoïdes ne rejoignent plus la prostate et le sperme devient très rapidement stérile. Avantage de cette forme de vasectomie sans bistouri et par bouchon, on peut dissoudre le gel obstruant pour que le patient retrouve rapidement sa fertilité. Connu sous le nom de brevet Vasalgel, un produit très ressemblant est également développé par la fondation californienne Parsemus aux États-Unis.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 08/04/2023 à 9:54
Signaler
La pilule féminise le mâle... car le féminin ne veut plus subir les inconvénients de son plaisir ! ;-)

le 08/04/2023 à 11:22
Signaler
Mais aussi de son propre plaisir, il ne faut oublier personne ! ;-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.