Rentrée des entreprises : cap sur la sauvegarde de l’emploi et la relance

ANALYSE. La rentrée risque d'amener une nouvelle vague de suppressions d'emploi dans les entreprises qui n'ont pas pu, ou su, rebondir comme espéré après le confinement. Pourtant, des solutions existent pour élaborer des plans de redressement susceptibles de préserver à la fois l'activité et l'emploi. Par Bertrand Biette, Laïd Estelle Laurent et Hubert de Frémont, Avocats Associés, Fidal (*)
(Crédits : ERIC GAILLARD)

En six mois d'une crise intense, les réductions d'effectifs sont devenues la norme dans certains secteurs, en particulier l'automobile, l'aéronautique, l'habillement ou le tourisme. Parfois, la mesure de chômage partiel ou l'octroi d'un prêt garanti par l'Etat (PGE) a permis de repousser à plus tard ces décisions difficiles, qui reviennent désormais au cœur des discussions stratégiques. Face au réflexe des « coupes budgétaires », il est pourtant essentiel d'analyser la situation de chaque entreprise afin de faire naître d'autres solutions. Le but : éviter d'entrer dans un cycle de repli souvent préjudiciable à court terme et plus nocif encore à long terme.

Diversification, externalisation, internalisation :
des virages stratégiques à considérer

Lorsqu'une entreprise est en difficultés, il est primordial d'analyser les causes exactes de son déclin pour y remédier en profondeur. La preuve par l'exemple. Fragilisé depuis longtemps par la digitalisation et durement frappé par la crise du Covid-19, le Groupe Presstalis a dû être placé en liquidation judiciaire le 1er juillet 2020, donnant lieu à des centaines de suppressions de postes.

À l'inverse, le Groupe MLP (les Messageries Lyonnaises de Presse), concurrent de Presstalis, a fait un choix stratégique ambitieux de longue date : face au déclin de la presse papier, la société avait décidé de diversifier son activité et d'en externaliser une partie. Les structures externalisées ont trouvé d'autres canaux commerciaux pour dynamiser leur activité tout en restant mobilisées au service de la distribution de la presse. Bilan des courses : le modèle économique du groupe a été redimensionné avec une gestion des coûts ciblée vers le long terme, l'activité est rentable et des centaines d'emplois ont pu être conservés.

On comprend donc que l'endettement sans création de valeur (PGE) ne permettra pas le redressement des entreprises sans une réflexion sur leur modèle économique. Il est donc nécessaire de réfléchir très en amont afin que ce type de solution alternative puisse permettre d'éviter des suppressions de postes massives. Chaque cas est toutefois unique : si l'externalisation et la diversification représentent parfois les meilleures solutions, d'autres entreprises ont besoin d'une thérapie inverse, par exemple en internalisant des sous-traitants. Le but est alors de s'approprier un savoir-faire pour ne pas le voir disparaître, ou reformer une chaîne de production en interne pour gagner en efficacité.

La formation des salariés, un point central de l'équation

Les solutions pour pérenniser l'activité d'une entreprise peuvent être simples à identifier, mais leur mise en œuvre est plus complexe. Ces virages stratégiques buttent souvent sur la formation des salariés. En France, le recours à la formation reste insuffisant, en particulier dans l'industrie où les routines sont parfois très ancrées.

En effet, dans l'industrie, de nombreux secteurs sont largement mécanisés et il n'est plus nécessaire d'avoir recours à des centaines d'ouvriers. Dès lors, les chaînes de production délocalisées peuvent être réintégrées en France, mais leur supervision, créatrice de nouveaux emplois, nécessite un personnel qualifié. Le recours à la formation doit donc être favorisé y compris par un mécanisme de suspension du contrat de travail le temps de la formation.

Un levier intéressant : conserver certains acquis législatifs du confinement

Pour préserver l'activité des entreprises et leurs emplois, les pouvoirs publics vont également avoir un rôle à jouer. Pendant le confinement, l'Etat a eu recours à plusieurs assouplissements « législatifs » temporaires sous forme d'ordonnances, décrets ou arrêtés, par exemple pour simplifier le recours au chômage partiel.

De même, les procédures collectives ont évolué pour rendre plus accessible la reprise d'une société par la même équipe dirigeante ou ses actionnaires actuels après l'apurement des dettes, si la condition du maintien de l'emploi est remplie. Cette mesure, mériterait d'être conservée sous réserve de quelques gardes fous.

Naturellement, préserver l'emploi n'implique pas de sauver « tous » les emplois. Néanmoins, les restructurations d'entreprises vont inévitablement s'accroître dans les mois à venir. Toutes ces mesures mériteront alors d'être considérées avec la plus grande attention pour parvenir à trouver des solutions adéquates, atténuant les effets économiques et sociaux de la crise que nous traversons.

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(*) Par Bertrand Biette, Laïd Estelle Laurent et Hubert de Frémont, Avocats Associés, Mutations et retournement des entreprises, chez Fidal.

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