Transition énergétique : quelle place pour le gaz de schiste ?

Remplacer le charbon par du gaz de schiste peut permettre de limiter les émissions de CO2. Mais, sans accord international sur le climat, l'utilisation de gaz de schiste pourrait ne faire que déplacer les émissions de CO2: le charbon qui n'est pas utilisé en Europe ou aux États-Unis le serait ailleurs. Par Fanny Henriet et Katheline Schubert* . Dans le cadre du Printemps de l'économie

 Les positions diamétralement opposées de la France et des Etats-Unis quant à l'exploitation du gaz de schiste laissent perplexes. La première interdit non seulement l'exploitation mais aussi l'exploration des réserves de gaz de schiste potentiellement présentes dans son sous-sol. Les seconds ont connu un boom économique fondé sur l'extraction massive du gaz de schiste, qui a permis de réduire considérablement le prix domestique du gaz naturel, entraînant une substitution massive du gaz au charbon pour la génération d'électricité, une relocalisation sur le sol américain de certaines activités industrielles fortement consommatrices d'énergie, et une baisse des émissions de CO2 des Etats-Unis.

Des arguments d'ordre environnemental

Les arguments défendus par la France sont d'ordre environnemental. Le premier est que la technologie d'extraction du gaz de schiste (la fracturation hydraulique) provoque d'importants dommages environnementaux (pollution des eaux de surface, des eaux souterraines, risques sismiques, altération des paysages...). Le second est que, dans la perspective d'une lutte efficace contre le réchauffement climatique, il faut diminuer de façon drastique notre utilisation des énergies fossiles et non pas se mettre à exploiter de nouvelles réserves d'hydrocarbures non conventionnels, ce qui aura comme effet de repousser le passage à une énergie propre produite à l'aide de sources renouvelables. Les partisans de l'exploitation du gaz de schiste font quant à eux valoir que le gaz naturel est moins émetteur de CO2 que les autres énergies fossiles, et qu'il n'est pas possible de lutter efficacement contre le changement climatique sans évincer le charbon, ce que seul le gaz naturel peut faire en attendant le passage généralisé aux énergies renouvelables.

 Remplacer le charbon par du gaz de schiste, pour limiter les émissions de CO2

Alors quelle est la bonne stratégie ? Limiter les émissions de CO2, en remplaçant le charbon par du gaz de schiste dans la production d'électricité, pourrait permettre de gagner du temps pour développer de nouvelles technologies de production d'énergie, propres et performantes.

Mais, avant de se lancer dans l'extraction massive de gaz, deux choses sont à étudier particulièrement. D'abord, une meilleure évaluation des dommages liés à la technologie d'extraction est indispensable. Négliger, ou même sous-estimer ces dommages, conduirait à extraire trop de gaz de schiste. Ensuite, sans accord international sur le climat, l'utilisation de gaz de schiste pourrait ne faire que déplacer les émissions de CO2: le charbon qui n'est pas utilisé en Europe ou aux États-Unis le serait ailleurs, et extraire le gaz de schiste conduirait simplement à accroître la quantité totale d'hydrocarbures disponible, et donc les émissions.

*Fanny Henriet est chargé de recherche au CNRS et membre de l'Ecole d'Economie de Paris depuis 2013. Elle est docteur en économie de l'EHESS (2012), diplômée de l'Ecole Polytechnique et de la London School of Economics. Ses recherches portent sur l'économie de l'environnement, en particulier sur l'interaction entre politiques climatiques et extraction des ressources fossiles, ainsi que sur la fiscalité environnementale.

Katheline Schubert est docteur en économie de l'université Paris 1 (1986) et professeur d'économie depuis 1988. Ses domaines de recherché sont l'économie de l'environnement et des ressources naturelles, la macroéconomie dynamique.et la théorie de la croissance.

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Pour sa 3° édition le Printemps de l'économie propose d'explorer les défis du 2I°siècle autour du thème mais où va donc la planète ? Développement durable/climat ; croissance et bien-être ; innovation et entreprises ; mondialisation ; développement du numérique seront les thématiques abordées à l'occasion des nombreuses conférences organisées du 13 au 17 avril à Paris. L'ambition est d'offrir au grand public la possibilité de réfléchir et d'échanger pour mieux saisir les enjeux et agir... chaque jour un auteur vous livre son point de vue...

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Commentaire 1
à écrit le 10/04/2015 à 13:55
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"Et extraire le gaz de schiste conduirait simplement à accroître la quantité totale d'hydrocarbures disponible, et donc les émissions." On a l’impression que certaines gens ne vivent pas dans le monde des vrais problèmes. Extraire le gaz de schiste ...

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