La mission principale de la Banque Centrale européenne (BCE) est d'assurer la stabilité des prix, avec une cible d'inflation à 2%, afin d'éviter les périodes d'inflation trop marquées (hausse des prix), ou a contrario, des déflations trop prolongées ( baisse des prix). Cette stabilité des prix est censée permettre un fonctionnement normal de l'économie. Or, nous n'y sommes pas, même en sortie de crise avec une relance à prévoir de la demande, l'inflation devrait être selon la BCE de 1,5% en 2022. Pour autant, la BCE à travers ses politiques expansionnistes de "Quantitative Easing" a déversé depuis 2015 des montants astronomiques dans les circuits économiques.
Aujourd'hui, la Banque Centrale européenne est indépendante politiquement. Elle se doit d'agir dans l'intérêt des citoyens de la zone euro en leur garantissant une zone monétaire qui soit optimale. Bien qu'elle ne soit pas autorisée à acheter des dettes d'États sur le marché primaire, elle les finance sur le marché secondaire. La part de la dette publique détenue par la BCE par exemple concernant la France est de 23% actuellement, contre 5% environ en 2015 (Note CAE-Juin 2021).
On peut donc dire que la Banque Centrale européenne finance indirectement les États. Depuis plusieurs années, le taux d'intérêt des obligations de dette publique, qui correspond aux conditions auxquelles les États empruntent auprès de la BCE, est quasiment nul, voire négatif dans certains cas ! En France, la charge d'intérêts de la dette publique a baissé de 4,6 milliards d'euros en 2021, quand la dette publique continuait d'augmenter ! Traduction : grâce à ces politiques monétaires accommodantes, plus la France emprunte, moins elle paie d'intérêts !
La monnaie hélicoptère
Depuis quelques mois, une petite musique laisse penser que la Banque Centrale européenne pourrait aller encore plus loin dans ses prérogatives, en finançant directement les citoyens européens. Concrètement, chacun d'entre nous recevrait tous les mois un virement de la part de la BCE. L'objectif serait de stimuler directement la demande, pour relancer la machine économique et ainsi se rapprocher de la cible d'inflation, une des priorités de la Banque Centrale européenne : c'est la monnaie hélicoptère.
Cette proposition, si elle n'est pas à écarter d'un revers de main, a tout d'une fausse bonne idée, et cela pour deux raisons principales :
- La première, c'est que nous l'avons rappelé, la Banque Centrale européenne a un rôle monétaire. En finançant directement les États ou pire encore les citoyens Européens, elle sortirait de ses prérogatives pour endosser un rôle budgétaire, qui par définition relève de la souveraineté de chaque État. Après les mutualisations de dettes européennes en cours, ce serait un passage en force non assumé vers une intégration européenne non souhaitée démocratiquement par les peuples.
- La seconde, c'est que la monnaie hélicoptère existe déjà ! En effet, rappelons que la France réalise chaque année des déficits records, notamment budgétaires, mais aussi commerciaux. Nous finançons en partie notre modèle social par du déficit, déficit lui-même financé par...la Banque Centrale européenne à des taux d'intérêt nuls. On pourrait simplifier et illustrer en disant que c'est la BCE qui a financé le chômage partiel que certains de nos concitoyens ont touché ces mois durant.
Ces deux raisons invalident la pertinence d'un tel dispositif.
Si nous rentrons dans de nouveaux paradigmes économiques, les débats sur les outils monétaires ne doivent pas nous faire oublier deux choses.
La première, c'est qu'une conjoncture évolue, et qu'avec des fondamentaux fragiles, n'importe quel pays est à la merci d'un retournement de cycle. Peut-être que les taux d'intérêt faibles se maintiendront des décennies durant, mais on le voit bien en sortie de crise, ce sont les économies robustes, préparées, qui reviennent le plus vite à la vie normale.
La seconde, c'est que sans confiance, quels que soient les montants ou les circuits monétaires, les citoyens préfèreront toujours thésauriser, par crainte de l'avenir. C'est d'ailleurs précisément ce que nous avons observé d'un point de vue macro-économique pendant cette crise de la Covid, avec 20% de surcroît d'épargne en France.
Assainir les fondamentaux, redonner confiance, voilà un programme, voilà une ambition ! Edgar Faure disait que « la France est toujours en retard d'une réforme, mais en avance d'une révolution ». Les Français sauront-il lui donner tort, et choisir, enfin, le courage de la vérité ?
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