Décrochage scolaire : la réponse singulière des écoles de production

A mi-chemin entre le CFA et le lycée professionnel, le modèle « Faire pour apprendre » des écoles de production, parfois appelées écoles/entreprises, suscite un intérêt croissant. Le gouvernement en voudrait au moins une dans chaque région d’ici 2023. La Normandie a pris de l’avance avec cinq créations dans les dernières années.
Un élève se fait la main sur un tour à commande numérique dans l'atelier de l'école de production Usin'Eure située à Evreux.
Un élève se fait la main sur un tour à commande numérique dans l'atelier de l'école de production Usin'Eure située à Evreux. (Crédits : DR)

Longtemps regardée avec méfiance par l'Education Nationale, l'approche pédagogique originale des écoles de production imaginée à la fin du 19ème siècle en Rhône Alpes par un centralien, l'abbé Boisard, retrouve du crédit depuis que la  loi « Choisir son avenir professionnel » de 2018 les a reconnues. Pour rappel, les écoles de production sont des établissements d'enseignement technique basés sur l'apprentissage.

En mai dernier, la ministre de l'industrie, Agnès Pannier Runacher, vantait « cette troisième voie » et annonçait le déblocage de cinq millions d'euros, dans le cadre du plan de relance, dans l'intention de doubler leur nombre (aujourd'hui de 35) en deux ans.

La Normandie montre l'exemple. En quatre ans, cinq nouvelles écoles de production y ont été créées autour des métiers du bois, de la métallurgie, de l'usinage et du maraîchage. Elles ont rejoint celle centrée sur la restauration inaugurée six ans auparavant dans la banlieue rouennaise. A l'origine de cette accélération, la promesse de la Région de leur consacrer 1,5 million d'euros par an. « Le modèle nous a totalement séduit parce qu'il offre une alternative pédagogique à des jeunes en rupture avec l'enseignement académique et qu'il apporte une réponse pour des métiers en tension », justifie David Margueritte, vice-président en charge de la formation.

Le cocktail : un tiers de théorie, deux tiers de pratique

Reconnus par l'Etat, ces six établissements techniques privés accueillent chaque année des promotions de dix à vingt jeunes « décrocheurs » à qui sont proposées des formations diplômantes du CAP au BAC Pro. Particularité, les élèves consacrent les deux tiers de leur temps à honorer de « vraies » commandes pour de « vrais » clients. Dans celle d'Evreux, par exemple, ils se font la main sur un parc de machines professionnelles et dans un atelier auquel Schneider, Zalkin ou Collins Aerospace passent régulièrement commande « au prix du marché » insiste son directeur, Roger Harel. « L'avantage, c'est qu'ici l'usine se trouve dans les murs à côté des salles de cours », résume t-il.

Cette approche dite du « faire pour apprendre » parvient à sortir de l'ornière des adolescents déboussolés par l'enseignement traditionnel. « Se trouver face à des clients responsabilise ces jeunes qui ont eu  des parcours scolaires compliqués. Il arrive souvent qu'ils soient recrutés par ceux pour qui ils ont travaillé », constate Michel Chourin, président de l'Union régionale des écoles de production. « Les clients sont généralement des sociétés qui ont des besoins de main d'œuvre », confirme le directeur de l'école de production du Cotentin (Valognes), Thomas Blin qui, elle, livre des pièces en acier, inox ou plastique à Orano ou Naval Group.

Des taux de réussite ébouriffants mais....

Quant au taux de réussite aux examens, il est proprement ébouriffant, de l'ordre de 95%. Les débouchés sont garantis, assure Michel Chourin. « Quand ils ne poursuivent pas leurs études, les diplômés ont au moins deux ou trois offres d'emploi à leur sortie ».

Reste un frein au développement des écoles de production, les difficultés à recruter des enseignants appelés ici « maîtres professionnels ». « C'est un écueil, concède David Margueritte. Ce sont des profils compliqués à trouver parce qu'ils doivent allier une bonne connaissance des métiers à une appétence pour la pédagogie ». Les établissements doivent aussi composer avec la méfiance persistante de certains responsables académiques. « On rencontre encore quelques résistances dans les CFA et les lycées professionnels  qui redoutent qu'on ne leur siphonne leurs stagiaires alors que nous ne visons pas le même public », se désole Roger Harel.

Pas suffisant toutefois pour décourager les plus convaincus. En Normandie, deux autres projets sont à l'étude à Argentan et Vernon, preuve que le concept commence à faire école.

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Commentaires 6
à écrit le 02/07/2021 à 5:38
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On redecouvre l'appretissage ! Drole de pays.

à écrit le 01/07/2021 à 19:38
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Encore de la propagande pour le formatage professionnel... pour financer des écoles fictives (cf. Supinfo, 42, etc) des coquins de la république.

à écrit le 01/07/2021 à 18:11
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De toute façon, dans dix ans, la moitié des métiers proposés seront exécutés par des IA et des robots ... ça tourne en rond, les gars .

à écrit le 01/07/2021 à 17:11
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En gros, c'est la même chose qu'un lycée professionnel entre exercices pratiques et cours théoriques sur un même site qui donnent ensuite le CAP etc...,sauf que la,ce sont des établissements privés hors contrat reconnus par l’État français qui va don...

le 03/08/2021 à 14:03
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La principale différence : dans un établissement privé, les élèves apprennent un métier et à se servir des outils nécessaires à l'exercice de ce métier pour être opérationnel rapidement. Dans un lycée public, les enseignants leur apprennent à utilise...

à écrit le 01/07/2021 à 10:38
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