Hervé Morin : "La transformation du pays passera par les territoires"

Le président de la Région Normandie et de Régions de France est aussi président-fondateur du parti Les Centristes. Il fait le point sur l’avenir de l’opposition et sur la politique gouvernementale.
« Y’a pas que d’la pomme » (Les Tontons flingueurs). Hervé Morin a organisé le 1er septembre la Fête de la pomme à Epreville-en-Lieuvin (Eure).
« Y’a pas que d’la pomme » (Les Tontons flingueurs). Hervé Morin a organisé le 1er septembre la Fête de la pomme à Epreville-en-Lieuvin (Eure). (Crédits : [LOU BENOIST / AFP])

LA TRIBUNE - Valérie Pécresse à Brives, Christian Estrosi à Nice, Xavier Bertrand au Touquet... Vous dans l'Eure. La droite effectue sa rentrée en rang dispersé. Votre famille politique ne sait-elle plus à quel saint se vouer ?

HERVÉ MORIN - Ceux qui stigmatisent nos prétendues divisions oublient qu'il n'existe aucun parti où tout le monde soit sur la même ligne, à commencer par En Marche. Mon ancien mentor, François Bayrou, avait coutume de dire que si nous pensions tous la même chose, nous ne penserions plus rien. Il avait raison. En vint-cinq ans, j'ai entendu beaucoup d'expressions différentes au sein de ma famille politique, ce qui ne nous a jamais empêchés de bâtir des majorités de gouvernement.

Je ne vois rien de scandaleux dans le fait qu'il existe un débat d'idées entre Valérie Pécresse, François Baroin et Xavier Bertrand par exemple. L'important est que le moment venu, nous nous donnions les moyens de la sélection. C'est pourquoi je suis favorable à des primaires pour la présidentielle.

D'ici là, la droite devra avoir trouvé la boussole qu'elle semble chercher depuis l'élection d'Emmanuel Macron. Quelle direction pourrait-elle prendre ?

La reconstruction, à laquelle travaille Gérard Larcher avec une énergie remarquable, ne sera possible que si nous nous inscrivons dans la modernité, que si nous arrêtons de recycler ad vitam les sujets de l'immigration ou de l'identité nationale. Je vois trois thèmes qui pourraient incarner cette nouvelle ligne. Le premier, c'est la décentralisation. Nous sommes les seuls à défendre l'idée que la transformation du pays passera par les territoires. On ne peut pas continuer à être le seul pays d'Europe à croire que le quotidien des habitants se règle depuis les ministères.

Notre candidat à l'élection présidentielle devra avoir sinon la modestie au moins la lucidité de dire qu'une partie de la réussite du pays reposera non pas sur le pouvoir central mais sur le pouvoir local. Il en va de même sur le réchauffement climatique. Notre discours ne peut pas se limiter à railler Greta Thunberg. Nous devons nous rappeler que le Grenelle de l'environnement a été porté par Jean-Louis Borloo. Par nous ! Là encore, une partie des problèmes devraient être traités au niveau local et régional. Quand j'entends un ministre affirmer qu'il veut lutter contre le gâchis alimentaire dans les cantines, j'ai envie de lui rappeler que les collectivités ne l'ont pas attendu.

Enfin sur les grands sujets de société, il faut que la famille de Simone Veil cesse d'avoir un train de retard. Sur la procréation médicale assistée par exemple, je ne serais pas le porte-parole d'une famille qui oublie que la société a évolué. C'est en nageant contre ces courants que nous nous coupons de la France des métropoles.

Mais sur ces sujets, la majorité présidentielle ne vous court-circuite-t-elle pas ?

C'est en partie vrai. C'est pourquoi je plaide aussi pour un changement de posture. On ne regagnera la confiance des électeurs qu'en admettant que ce gouvernement a réalisé des avancées que nous-même aurions pu porter en étant au pouvoir. Je suis heureux de constater qu'Emmanuel Macron a évolué sur le Mercosur, de même sur la réforme du droit du travail, qui est saluée par les entrepreneurs que je croise en Normandie. Comme dans nos collectivités, on doit être capable aussi à l'échelle nationale d'avoir une expression de rassemblement quand des sujets le méritent... tout en continuant d'exercer un oeil critique sur la dérive budgétaire par exemple.

Pourriez-vous avoir des convergences sur la décentralisation ? Après tout, le gouvernement n'a t-il pas répondu à vos doléances en promettant un Acte III ?

Ce que je constate surtout dans ce domaine, c'est que rien n'avance, ni sur la politique de l'emploi, qui devrait être confiée aux Régions, ni sur le renoncement à la recentralisation du second pilier de la PAC [politique agricole commune, ndlr], qui est une demande majeure de Régions de France, ni sur l'environnement pour lequel nous faisons des propositions précises. Tout cela nous donne le sentiment que les collectivités doivent être de simples opérateurs de l'État. On a l'impression d'un pouvoir qui se referme sur lui-même. On nous promet une nouvelle concertation avant le vote de la loi mais à quoi bon ? Tous les ministres sont aux abonnés absents, à l'exception de Bruno Le Maire qui est décidé à apporter de la clarification dans les compétences économiques, mais qui doit se battre contre son administration.

Néanmoins, êtes-vous prêt à vous asseoir à la table des négociations ?

Bien entendu, mais le gouvernement doit savoir qu'il aura face à lui le pack soudé que nous formons au sein de Territoires unis. François Baroin pour l'Association des maires de France (AMF), Dominique Bussereau pour l'Association des départements de France (ADF) et moi-même avons fait le serment d'être solidaires. Même si les points de crispations concernent surtout les communes et les Départements, Régions de France quittera la table si Édouard Philippe ne donne pas de garantie sur la progressivité de la part de TVA qui doit être transférée aux Départements en remplacement de la taxe sur le foncier bâti. Le premier ministre ne nous divisera pas.

A la fête de la pomme, les mousquetaires de territoires unis prêts à croiser le fer

Réunis dimanche 8 septembre à Epreville-en-Lieuvin (Eure) à l'initiative du président de la Normandie, les présidents des associations des grandes collectivités ont plaidé unanimement pour une réimplantation du pouvoir dans les territoires. Ils se qualifient eux-mêmes de « mousquetaires » en nous laissant le soin de trouver lequel des quatre incarne d'Artagnan. Pour leur rentrée politique, Hervé Morin (Régions de France), Dominique Bussereau (ADF), François Baroin (AMF) et Gérard Larcher (Sénat) se sont retrouvés lors de la traditionnelle Fête de la pomme, avec en toile de fond l'ouverture des débats sur la révision de loi NOTRe et la future loi de décentralisation. Le ton était combatif mais mesuré.

« Nous ne sommes pas des talibans mais des élus violemment modérés qui veulent aider l'État à être plus efficace au coin de la rue », a théorisé le maire de Troyes. Leur message ? D'accord pour se réasseoir à la table des négociations, à condition que le gouvernement ne procède pas à des aménagements cosmétiques mais consente à déléguer de nouveaux pouvoirs aux territoires. Ils ont toutefois prévenu qu'il y aurait des lignes rouges à ne pas franchir, sur la fiscalité locale notamment. Comprendre : un nouveau clash reste possible.

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Commentaires 2
à écrit le 12/09/2019 à 15:35
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Mr Morin par ce message je vous demande de bien vouloir me donner une explication sur votre point de vue sur le sujet les bornes d incendie ce qui est bon pour le Calvados ne l l'est pas pour le l Eure et il faut prendre le temps de voir les choses q...

à écrit le 11/09/2019 à 12:53
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Afin de développer les territoire européens Normandie qui chute en population ne détruisez pas les petites lignes de trains je suis. Pas Normande je lis la presse et peux lire beaucoup critiques à ce sujet.

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