Depuis l’Ariège, l’Eau Neuve se veut verte et universelle

La Compagnie des Pyrénées commercialise depuis 2021 une eau minérale naturelle qui nous vient de l’Ariège. Avec son impact environnemental réduit et son approche premium, la société séduit. Elle vise désormais le grand public. Reportage. (Cet article est issu de T La Revue n°16 - Réindustrialiser et décarboner la France)
(Crédits : Frédéric Scheiber)

Sur la célèbre route à destination du Pas de la Case, connue des Toulousains pour y acheter son lot de cigarettes et d'alcool fort beaucoup moins cher que dans l'Hexagone, un panneau interpelle : « Entrée d'usine ». Nous sommes à plus de 1 300 mètres d'altitude, sur une route étroite entre deux versants de la chaîne montagneuse des Pyrénées, à proximité du village ariégeois de Mérens-les-Vals. Le panneau indique la direction d'une chaussée plutôt récente et nous amène tout droit vers un bâtiment de couleur sombre qui se fond dans le paysage. C'est ici qu'ont été investis pas moins de 26 millions d'euros pour l'installation de La Compagnie des Pyrénées. Cette entreprise, fondée par Damien Chalret du Rieu et Sébastien Crussol, produit et commercialise depuis ce coin montagnard la marque « Ô9 », qui se dit aussi « Eau Neuve ». « C'est une eau minérale naturelle. Elle est embouteillée telle qu'elle sort du sol, nous ne la touchons pas », présente Sébastien Crussol. À proximité de la source de Pédourès, Eau Neuve est obtenue par les pluies et la fonte des neiges en haute altitude, avant une opération de filtration naturelle qui procure à cette eau - présentée comme premium - un pH neutre. Pour acheminer la ressource jusqu'à l'usine de 6 600 mètres carrés, un pipeline souterrain long de 1,2 kilomètre passe sous la rivière et puise dans la source située à 900 mètres à vol d'oiseau de l'usine. Dans une période où la ressource demande à être préservée au maximum, La Compagnie des Pyrénées veille à avoir un usage raisonné de sa source. « La préfecture nous autorise à prélever 17 % de l'étiage (sur une année), période où le niveau d'eau est au plus bas. Aujourd'hui, nous prélevons seulement 2 % de l'étiage. Nous avons donc de la marge », commente l'associé. Selon lui, un hydrologue a étudié l'implantation de l'entreprise sur site et a estimé qu'elle pourrait prélever jusqu'à 15 % de la ressource en eau, hors étiage, sans que cela ait de conséquence pour les 100 prochaines années. Or, les 17 % de prélèvement autorisés par la préfecture en période d'étiage ne représentent que 8 % de la ressource.

Industrie verte avant l'heure

La jeune entreprise ne désire pas ponctionner davantage à terme et met en avant sa volonté d'avoir « une eau à impact positif » sur tous les plans. Tout d'abord, l'implantation de ce site industriel a été pensée pour avoir le moins d'impact possible sur la faune et la flore locales. « Avant la construction, le terrain était occupé par deux vieilles granges abandonnées, mais occupées par les chauves-souris. Nous avons donc fait construire une maison pour elles afin de les perturber le moins possible et nous avons également fait des murs en pierres pour les lézards », raconte Sébastien Crussol. Côté énergies, en plus de bénéficier de contrats d'alimentation spécifiques avec EDF pour profiter de la puissance des centrales hydroélectriques de la région, La Compagnie des Pyrénées a adopté des technologies afin de récupérer la chaleur générée par les machines (la chaleur fatale) et chauffer ses bâtiments l'hiver. L'entreprise, qui a aussi mis en place un éclairage exclusivement LED, traite et recycle la totalité de ses déchets. « Nous souhaitions être le plus intégré possible à la vallée et son environnement. Nous avions ce projet en tête depuis 2013, nous faisions donc de l'industrie verte avant que tout le monde en parle », souligne le dirigeant opérationnel du projet. Cette démarche écoresponsable dicte aussi la politique commerciale de la jeune société ariégeoise.

La Compagnie des Pyrénées a débarqué sur le marché avec une petite bouteille d'eau en carton, en 33 et 50 centilitres, grâce à un contrat d'exclusivité pour la France signé avec la société Tetra Pak à l'origine de ce contenant à base de 90 % de matières renouvelables. L'entreprise distribue déjà aujourd'hui près de 32 millions d'unités de cette petite bouteille qui fait sensation notamment à bord des trains SNCF, entité avec laquelle un contrat de distribution est sur les rails, mais pas seulement. Le groupe Elior s'approvisionne avec cette eau minérale naturelle pour les restaurants du groupe Airbus. Le groupe Barrière, pour ses golfs et hôtels, est aussi un adepte de l'Eau Neuve. La chaîne B&B Hôtels est aussi cliente, tout comme plusieurs grands hôtels et palaces français, comme le Negresco à Nice, chacun avec un emballage particulier. L'industriel de l'agroalimentaire propose aussi des canettes en aluminium et surtout des gourdes en aluminium depuis la fin de l'année 2022. « L'avantage de l'aluminium, c'est qu'il est recyclable à l'infini. Son principal défaut, c'est qu'il est un peu cher », commente Sébastien Crussol. Ces bouteilles en aluminium, personnalisées pour chaque client et nouvelles dans le catalogue de l'entité, ont encore une belle marge de croissance devant elles. « Nous ne sommes qu'à 15 % de nos capacités de production sur ce produit », précise le dirigeant, qui dispose au total de deux lignes d'embouteillage pour l'ensemble de ses produits.

Un bout d'Ariège dans le monde entier ?

En quelques mois, ce produit premium a déjà conquis de très nombreux clients comme le club de football du Paris-Saint-Germain, l'Inter Milan, ou encore des franchises américaines de baseball pour ne citer que ces exemples. Une grande multinationale américaine a également fait appel à La Compagnie des Pyrénées pour avoir sa propre bouteille aluminium afin de marquer le coup pour son anniversaire. Mais le rêve ultime du dirigeant serait de travailler pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 et, pourquoi pas, produire une bouteille collector pour chaque nation. Même sans ce contrat, Eau Neuve parvient déjà à exporter un petit bout de l'Ariège partout à travers la France et même au-delà des frontières de l'Hexagone. Des entités ont approché l'entreprise pour débarquer sur d'autres marchés à l'international, comme l'Asie, mais en gardant toujours en toile de fond ce souci d'une empreinte carbone faible et maîtrisée. De quoi lui offrir de belles perspectives, elle qui réalise déjà ses premiers objectifs financiers. « Nous avons réalisé 6 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022 et nous tablons sur 12 millions en 2023 » dévoile Sébastien Crussol. Ces performances permettent à La Compagnie des Pyrénées d'employer 44 salariés aujourd'hui, dont la très grande majorité provient du bassin d'emploi local. Depuis son implantation, le distributeur d'eau minérale s'attache à recruter au maximum dans un rayon de 25 kilomètres autour de l'usine. « Mon rêve, c'est d'avoir un jour ici 150 personnes qui travaillent pour distribuer notre eau minérale », confie le dirigeant. Pour toucher du doigt ce rêve industriel, cela passera sans aucun doute par la levée d'un blocage sur le plan commercial, celui d'accéder au marché de la grande distribution. « Nous n'arrivons pas à rentrer dans la GMS (grande et moyenne surface), ou que très localement. Il nous faudrait 70 commerciaux qui sillonnent en permanence la France. Pour l'instant, nous n'avons pas les moyens », regrette Sébastien Crussol qui dispose déjà tout de même des moyens techniques pour faire de la grande distribution, ainsi que de l'espace nécessaire pour accueillir une troisième ligne d'embouteillage. Dans les mois à venir, un choix sera arrêté pour définir à quel produit cette ligne sera dédiée, en fonction des commandes et des perspectives de croissance. Quelle que soit l'évolution de ses flux, La Compagnie des Pyrénées travaille activement avec le conseil régional d'Occitanie et la SNCF pour mettre en place, avec d'autres entreprises locales, du ferroutage afin de faire de cet or bleu aussi un or vert.

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Commentaires 2
à écrit le 25/09/2023 à 9:31
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C'est de l'eau pure qui va être polluée par le transport et la publicité. Autant boire l'eau du robinet.

le 25/09/2023 à 10:16
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Privatisation des gains et socialisation des pertes, et ils continuent ce qui aura anéanti notre planète.

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