Pour les projets Smart Grids, Smile raisonne international et cybersécurité dès l'amont

Avec désormais 17 projets homologués, l'association Smile (pour Smart Ideas to Link Energies) cherche aujourd'hui à aller plus loin dans la sécurisation des infrastructures et des données détenues et échangées par les distributeurs d'énergie. Une étape essentielle pour faire mûrir ses projets liés aux réseaux électriques intelligents dans le but de se développer à l'international.
Smile est un projet collaboratif bi-régional déployé sur les régions Bretagne et Pays de la Loire qui a pour but d'accompagner des programmes industriels en lien avec les systèmes énergétiques intelligents. Pour les initiés, en illustration, l'échelle des risques par activité dans l'énergie, notamment ici dans les réseaux électriques intelligents, selon l'organisme européen de standardisation CEN-Cenelec.
Smile est un projet collaboratif bi-régional déployé sur les régions Bretagne et Pays de la Loire qui a pour but d'accompagner des programmes industriels en lien avec les systèmes énergétiques intelligents. Pour les initiés, en illustration, l'échelle des risques par activité dans l'énergie, notamment ici dans les réseaux électriques intelligents, selon l'organisme européen de standardisation CEN-Cenelec. (Crédits : DR)

Avec cinq nouveaux projets homologués début 2018, l'association Smile, fondée il y a près de deux ans à Rennes pour promouvoir l'émergence de projets liés aux réseaux électriques intelligents sur les territoires bretons et ligériens, porte désormais 17 projets déployés en Loire-Atlantique, Vendée, Morbihan et Ille et Vilaine.

Les derniers venus concernent le couplage d'une installation photovoltaïque et d'une batterie pour stocker l'énergie à Chateaubriand (44), des dispositifs de production d'énergie renouvelable et d'autoconsommation à l'échelle d'un écoquartier à Carquefou, en banlieue de Nantes ou en Bretagne, autour d'une école et de logements, ainsi que d'un prototype de magasin du futur engagé par le groupe Gémo (Eram) autour des usages connectés ou comment recharger sa voiture électrique pendant que l'on fait du shopping... Ou encore, plus original, un démonstrateur de stockage de l'électricité par convection. L'énergie produite est stockée dans des matériaux réfractaires avant d'être retransformés en électricité de manière à pouvoir s'adapter à des besoins décalés.

Besoin d'aller chercher les financements européens

« Dix-sept projets, c'est bien, il serait compliqué d'en accompagner davantage », concède Laurent Gérault, vice-président de la région des Pays de La Loire en charge de la transition énergétique, l'environnement et la croissance verte, qui co-préside l'association Smile avec son homologue breton, André Crocq, conseiller régional de Bretagne en charge de la transition énergétique.

« Il s'agit maintenant de les rendre plus opérationnels dans le courant de l'année de manière à pouvoir ouvrir des showrooms en 2019 comme le prévoyait la feuille de route de la Nouvelle France Industrielle (1). On aura alors, en trois ans, fait émerger l'offre de services de l'association ».

Car si, en un peu plus d'un an, cette dernière a réuni quelque 182 adhérents pour un budget d'investissement de 310 millions d'euros, dont 50 millions apportés par Enedis et RTE, la structure et les projets manquent encore de visibilité à l'international. Aucun d'eux n'aurait pour l'heure déposé de dossier pour prétendre aux financements européens H2020 ou Interreg qui, pour ce dernier, nécessite une coopération avec d'autres régions européennes.

« Or, ces financements peuvent atteindre jusqu'à 60% des budgets d'investissement. Et certains des projets, comme celui de l'île d'Ouessant, qui vise à concevoir une boucle énergétique autonome pour atteindre une production d'énergie 100% renouvelable, peuvent être dupliqué en Inde, en Asie ou en Afrique », remarque Laurent Gérault.

C'est l'un des intérêts soulignés par l'association Think Smartgrid, chargée de promotion des projets à l'international, venue découvrir les solutions locales et motiver les troupes lors de l'assemblée générale de Smile, organisée à Nantes fin janvier. L'association va donc devoir accélérer. Même si le degré de maturité des projets est variable.

Il est temps de sécuriser les projets

Il faudra encore attendre quelques années pour parvenir à des résultats concrets. Tandis que se dessinent des projets lourds comme la plateforme de service Atlas qui, sur l'ensemble du territoire Smile, vise à agréger les données techniques de production et de consommation locale, ou la plateforme logicielle cyber sécurisée, Pride, pour mettre en réseau et partager les données entre les divers projets, Smile se prépare activement à la sécurisation des données.

Thierry Sens, spécialiste du développement industriel au sein du Pôle Excellence Cyber, créé l'an dernier à Rennes, explique pourquoi :

« Une étude américaine publiée en 2014 montrait que l'énergie était l'un des secteurs industriels les plus attaqués derrière la défense ou le pétrole. Il n'y a pas de raison de penser que la France échappe à ce phénomène. »

Pour lui, trois raisons à cela.

« D'abord, l'énergie est un secteur qui, depuis très longtemps, utilise le numérique et les nouvelles technologies. Ensuite, c'est un milieu où, si vous êtes cyber-attaquant, vous avez l'opportunité de faire de gros dégâts fortement médiatisés. Enfin, les distributeurs d'énergie disposent d'un grand nombre d'informations client... qui peuvent attirer. »

Pour Smile, qui ambitionne de rayonner à l'international, il est donc plus que temps de s'intéresser à ces questions, inscrites dans les axes de développement de la NFI mais jusque-là un peu laissées de côté.

Un catalogue pour y voir clair

À l'exception des projets soutenus par de grands groupes sensibilisés à cette problématique, rares sont les solutions à intégrer en amont la cybersécurité.

« Si elle a un coût, elle est aussi un véritable levier de croissance et un élément marquant de différenciation dans une compétition où sont présents les Américains, les Chinois, les Indiens... », affirme Thierry Sens. « Ce qu'on souhaiterait, c'est qu'au moment du dépôt du dossier technique et financier soit d'emblée intégrées les notions de cybersécurité. »

Pour cela, il a lancé un Appel à manifestation d'intérêt (AMI) en décembre dernier en vue de constituer un catalogue où figurent les points de vulnérabilité, les sources de menaces, les risques et les prestations de services (audit, conseil, formation, certification, tests...) nécessaires selon la typicité des projets, les prestataires susceptibles de les réaliser, leur coût et leur durée.

Sur une centaine d'entreprises spécialisées sollicitées, une trentaine a répondu. « 30% de retour, c'est le signe que le besoin existe », observe-t-il. Ce catalogue permettra, aux uns, de pré-budgéter la cybersécurité dans leur solution et, aux autres, de pouvoir rattraper le coup. « C'est un outil où les porteurs de projet vont pouvoir piocher. On adopte une approche verticale. Et, là, on s'adresse à des experts et spécialistes des réseaux d'énergie », explique Thierry Sens, qui devrait publier ce catalogue dans la semaine.

Ce premier ouvrage de référence devrait être suivi par des publications dédiées aux villes intelligentes et à la mobilité urbaine, à la demande de la ville de Rennes. La cybersécurité devrait d'ailleurs faire l'objet d'un focus lors du rendez-vous d'affaires Smile2Business, dédié aux Smart Grids, fin mars, à Lorient.

"La Marseillaise" pour devenir visible

Siège La Marseillaise

D'ores et déjà, l'association met les plus avancés sur le devant de la scène. À l'instar du Smart building nantais "la Marseillaise", l'ex-siège social de la société industrielle JJ Carnaud transformé en résidence pour jeunes actifs (39 logements de type 1, laverie, salle de travail et multimédia, etc) pour le compte du bailleur social la Nantaise d'Habitations (photo ci-dessus).

Menée par EDF et le promoteur immobilier Galeo, la réhabilitation de ce bâtiment de 1000 m² datant de 1927, surélevé d'un étage, intègre un dispositif de production d'électricité locale et se veut un modèle d'autoconsommation collective. Ce changement d'affectation a nécessité de faire entrer la lumière naturelle, de modifier les accès, les ouvertures... Et surtout d'habiller le toit de panneaux photovoltaïques. Une grande partie de l'électricité produite par le solaire sera consommée sur place par les locataires. « Le bâtiment permettra de piloter certains usages et d'accompagner les comportements des occupants », indique Guillaume Lelong, chef de projet innovation chez EDF.

Le surplus sera, lui, dispatché dans les parties communes de cinq bâtiments voisins. Sous quelles conditions ?

« C'est là que ça se complique », reconnait Guillaume Lelong. « Pour donner une dimension smart au bâtiment, nous sommes allés bien plus loin que ce que l'on fait classiquement dans la réduction des charges énergétiques. Au-delà des considérations techniques, le projet impose maintenant des décisions organisationnelles, juridiques et économiques qui contribueront aussi à alimenter la réflexion sur la future réglementation thermique des bâtiments. »

Pour les initiés, l'opération vise un niveau de performance BBC RENO avec un objectif inférieur à 80 KWhEP/m²/an - DPE niveau B. "La Marseillaise", dont le chantier a démarré en décembre dernier, pourrait être livrée en début d'année 2019. À logement comparable, les locataires devraient constater une diminution de leurs charges énergétiques de 15 à 20%.

Avec une enveloppe 180.000 € dont 55.000 € probablement financés par la Région Pays de la Loire, c'est l'un des plus petits budgets des 17 projets dont les investissements s'étalent en moyenne de 500.000 € à un ou voire plusieurs millions d'euros pour les plus conséquents. "La Marseillaise" sera « l'un des premiers projets faisant appel à la réalité des smartgrids », assure-t-on. En tout cas, le plus rapidement montrable.

___

(1) Initié par Arnaud Montebourg, les 34 plans du projet de Nouvelle France Industrielle, ont été revisités en mai 2015 par Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie en neuf solutions pour réindustrialiser la France.

Par Frédéric Thual, 
correspondant Pays de la Loire pour La Tribune

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Commentaires 2
à écrit le 09/02/2018 à 11:25
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La vrai cybersécurité en amont c'est de ne pas l'utiliser, c'est un piège a data et a neuneu!

à écrit le 08/02/2018 à 13:38
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A mon avis, c'est une bonne chose de se pencher sur la question : - Tout ce qui est informatique est piratable - Tout ce qui est stratégique est une cible Je ne vais pas dire que c'est plus important que la dissuasion nucléaire, qui paradoxale...

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