Équitation : au Saut Hermès, la star c’est aussi la selle

Visite des ateliers historiques de la marque de luxe, qui équipe trois cavaliers du top 10 mondial en lice à partir de vendredi au Grand Palais éphémère, à Paris.
Solen Cherrier
Charly Palmieri, maître sellier MOF et le cavalier belge Jérôme Guéry lors de l’édition 2023.
Charly Palmieri, maître sellier MOF et le cavalier belge Jérôme Guéry lors de l’édition 2023. (Crédits : © Christophe Taniere)

D'une armoire vitrée, le sellier Clément Fortier sort un registre relié en cuir. À l'intérieur, impeccablement calligraphiés sur du papier jauni, sont répertoriés les numéros d'identification de selles, le nom du client, celui de l'artisan et les spécificités demandées pour un éventuel service après-vente. Ici, il n'y a que des chiffres impairs, et la numérotation a dépassé 55 000, contre 7 900 pour les pairs. Ceux-ci sortaient des ateliers de Saumur (Maine-et-Loire) avant la Première Guerre mondiale, et leur fabrication a repris depuis un an dans les nouveaux locaux de Louviers (Eure) pour faire face à la demande croissante. Il y a dix ans, la production annuelle était de 200 unités. Elle est passée à 500 et va encore s'étoffer.

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Ici, c'est l'emblématique 24, rue du Faubourg-Saint-Honoré (Paris 8e), où les ateliers Hermès ont déménagé en 1880. Au 6e étage sous les toits pour partie, mais aussi deux étages labyrinthiques plus bas. Un lieu hors du temps d'où la confection de selles sur mesure n'a jamais bougé. Le cœur du métier du groupe de luxe, désormais réputé pour ses sacs et ses carrés. Autour des établis en bois, des artisans - en majorité des femmes - s'affairent. Il faut entre trente et quarante heures pour une selle et deux ans de pratique avant d'être autonome. La temporalité d'un travail de sensations. Une trentaine de pièces à assembler, des matériaux nobles, dont quatre peaux complètes, selon une extravagance de technicité et de détails que masque le classicisme apparent.

Disséqué à l'œil

Depuis la première selle, les évolutions techniques restent mesurées. Les matières sont plus légères (le poids va de 4 à 8 kilos) mais la fibre de carbone n'a pas délogé le mélange bois lamellé-métal de l'arçon. Le latex a fait place au néoprène. Le cuir de veau, plus confortable et moins glissant, a remplacé le porc. Le travail de l'ostéopathe sur les points de compression du cheval prend mieux en compte le bien-être animal. Hors selles particulières, des fantaisies sont possibles à la marge. Comme ce dessous qui donne à voir les entrailles du produit. « On essaie de casser les codes sans aller trop loin », dit le maître sellier meilleur ouvrier de France (MOF) Charly Palmieri, qui dose entre mise en valeur du savoir-faire et adaptation aux innovations. Entre quête de proximité et sécurité.

Cet ancien fauconnier est le responsable du développement. Il crée ou fait évoluer les quatre modèles avec l'aide et les retours des quinze cavaliers partenaires de la marque. Quatre années entre la genèse et la mise en vente (de 7 300 à 8 300 euros). La double championne olympique allemande Jessica von Bredow-Werndl a ainsi collaboré à la selle de dressage. Le Belge Jérôme Guéry, vice-champion du monde 2022, à une d'obstacles. Le Français Simon Delestre, ancien numéro 1 mondial, à une autre. Parmi les athlètes sous contrat, il y a aussi l'Anglais Ben Maher et le Suisse Steve Guerdat, actuels deuxième et troisième mondiaux. Tous seront à Paris cette semaine et participeront à une réunion en marge du 14e Saut Hermès (du 15 au 17 mars au Grand Palais éphémère), CSI 5*. Les quatorze experts-selle internationaux du groupe seront aussi présents.

Charly Fauchard est l'un d'entre eux. Avant de passer entre les mains émérites des artisans du Faubourg, c'est par son intermédiaire que le processus de fabrication prend une tournure décisive. Lors d'un rendez-vous de deux à quatre heures, il prend les notes qui nourriront le sur-mesure. Le dos du cheval est moulé à l'Equiscan pour l'analyse statique, mais le mouvement est disséqué à l'œil. À la recherche du juste équilibre. Le service est le même pour le client lambda que pour le cavalier professionnel, mais le contrôle est plus régulier pour ce dernier. Il le devient encore davantage à l'approche des JO. C'est que, aux altitudes olympiques comme à celles de concours 5 étoiles, cela se joue à une fraction de seconde. « Une compétition ne se gagne pas sur la selle, mais elle peut se perdre », juge Charly Fauchard. En piste comme en atelier, une histoire de détails.

Solen Cherrier

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