Une nouvelle responsabilité pour les chercheurs

Au-delà de permettre à des chercheurs de valoriser leurs innovations dans la deep tech en créant une entreprise, le concours i-Lab vise à renforcer un nouvel état d'esprit.
(Crédits : DR)

« L'an dernier, sur une bonne douzaine de dossiers de candidature au concours i-Lab, nous avons eu six nominés au niveau national, deux lauréats, et parmi les lauréats, un grand prix », se réjouit Dominique Rebière, délégué régional à la recherche et à la technologie (D.R.R.T.) Nouvelle-Aquitaine pour le Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (MESRI). Pour l'édition 2019 d'i-Lab, alors que les candidats viennent de finir de déposer leur dossier, Dominique Rebière espère une belle moisson pour la Nouvelle-Aquitaine. Mais au-delà des résultats, c'est surtout une évolution de l'état d'esprit que ce spécialiste a noté avec satisfaction ces dernières années. « Il y a une réelle prise de conscience, dans le monde universitaire, de l'intérêt de valoriser la recherche », se réjouit-il.

Écosystème

Signe des changements qui s'opèrent en profondeur dans la société française, mais aussi de la création d'un véritable écosystème autour de la création d'entreprises, par le biais d'initiatives de l'Etat comme la création des SATT, ces Sociétés d'Accélération du Transfert de Technologies, mais aussi des laboratoires, des incubateurs, des pôles de compétitivité... pour renforcer les liens entre le monde de la recherche publique et celui de l'économie et de l'entreprise. D'autant que Dominique Rebière considère « que cela fait partie de la responsabilité des chercheurs de faire profiter la société des fruits de leurs activités de recherche ». L'idée est non seulement de se concentrer sur les innovations de rupture, mais aussi, et peut-être surtout, d'explorer d'autres ruptures possibles, en particulier en termes de marchés. Il s'agit donc de détecter les projets et les chercheurs qui les portent, mais aussi de les accompagner dans la dimension entrepreneuriale.

Comme le chemin peut être long et risqué, le passage dans une SATT est l'un des moyens de garantir la meilleure trajectoire à un projet. « Notre rôle est d'accélérer les résultats de la recherche publique vers la société civile, explique de son côté Maylis Chusseau, Présidente de la SATT Aquitaine Science Transfert, et à ce titre, nous épaulons les chercheurs dans les preuves de concept, de même que nous les aidons à déposer des brevets pour les protéger sur le marché, et enfin, nous les accompagnons dans la préparation de leur dossier pour le concours i-Lab, en travaillant avec eux les enjeux, l'impact économique, la proposition de valeur et le pitch qu'ils doivent faire devant le jury ». Le tout avec l'objectif ultime de séduire des investisseurs avec un projet viable.

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Les SATT en première ligne

Dominique Rebière note d'ailleurs que de plus en plus de candidats au concours i-Lab sont issus de ces dispositifs de valorisation au sein des établissements de la recherche publique, avec de beaux résultats à la clé. Le délégué régional à la recherche et à la technologie a de nombreux exemples. Comme Amplitude Systèmes. Fondée en 2001 après avoir réussi le concours i-Lab, la société, basée à Pessac, est spécialisée dans les lasers qui produisent des impulsions extrêmement courtes, pour des utilisations dans des domaines de haute précision allant de la chirurgie de l'œil aux écrans de smartphones en passant par l'industrie des semi-conducteurs. « C'est maintenant une ETI », s'enorgueillit Dominique Rebière. De fait, en quelques années, Amplitude Systèmes s'est déployée à travers le monde, des Etats-Unis à la Chine, de l'Allemagne à la Corée du Sud, tant son innovation a su séduire de nouveaux clients, dans de nombreux secteurs. Elle emploie plus de 300 salariés, dont près de 200 à Pessac, a emménagé dans de nouveaux locaux en mai dernier et espère atteindre les 100 millions d'euros de chiffre d'affaires à horizon 2023 - de même qu'elle pense doubler ses effectifs d'ici là....

Succès plus récent, mais tout aussi prometteur, celui de TreeFrog Therapeutics, dont les fondateurs, Kevin Alessandri et Maxime Feyeux, ont reçu le grand prix du concours i-Lab de l'an dernier. Spécialisée dans la production de cellules souches pour « réparer » les organes, en remplaçant des cellules défectueuses chez des patients souffrant de maladies chroniques comme la maladie de Parkinson, le diabète ou l'insuffisance cardiaque, la start-up bordelaise a développé C-Stem™, une plateforme technologique fondée sur la culture cellulaire en 3D. Le but ? Permettre à des millions de patients d'accéder à la révolution médicale des thérapies cellulaires.

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Et cette solution industrielle devrait permettre de résoudre les problèmes de fabrication de cette filière tout en réduisant le coût des traitements pour les patients. S'il reste encore du chemin à faire, TreeFrog Therapeutics est sur la bonne voie. La start-up vient de boucler, en janvier, un premier tour d'amorçage de 600 000 euros, afin de lancer l'industrialisation de sa technologie de rupture. Et elle a effectué sa levée de fonds en un mois seulement ! C'est que, comme le souligne Maxime Feyeux, la réussite au concours i-Lab a crédibilisé le projet et incité des investisseurs régionaux à soutenir financièrement les ambitions des deux jeunes entrepreneurs. La SATT Aquitaine Science Transfert, qui a incubé le projet d'entreprise et aidé à sa structuration pendant près d'un an, fait également partie du tour de table.

Plus de 10 ans de recherche valorisés

A l'instar de Dominique Rebière, Maylis Chusseau met elle aussi en avant des projets de recherche qui se sont transformés en entreprises commerciales, comme Irisiôme. Lauréate du concours i-Lab en 2015, la start-up, fondée dans la foulée, fabrique et vend des machines lasers pour des applications en dermato-esthétique : détatouage et traitement de taches de vieillesse, entre autres, valorisant ainsi plus de 10 ans de recherche. Enfin, un autre projet, porté par Fabien Guillemot, lauréat du concours i-Lab en 2014 et fondateur, en 2015, de Poietis, retient l'attention.

La jeune pousse biotech est spécialisée dans la conception de thérapies de médecine régénérative issues de la bio-impression 4D par Laser. Autrement dit, elle permet, en déposant des cellules et des substrats, d'arriver, grâce à la technique développée par Fabien Guillemot, à un tissu très proche de la peau humaine. « Et depuis le concours i-Lab, Poietis a également été lauréate du concours mondial de l'innovation, dans la catégorie médecine individualisée, se réjouit la présidente de la SATT Aquitaine Science Transfert. Les projets que nous aimons sont ceux qui comportent à la fois une technologie de rupture et une ambition économique ». Poietis a connu un succès encore plus grand que TreeFrog Therapeutics auprès des investisseurs, puisqu'elle a levé, en mars 2018, un montant total de cinq millions d'euros. Par ailleurs, elle a noué des partenariats avec des industriels tels que BASF et L'Oréal et prévoit les premières implantations de tissus bio-imprimés chez un patient dès 2021. « Fabien Guillemot apporte des solutions alternatives sur le marché, pour résoudre des besoins jusqu'à présent non-satisfaits. Nous sommes vraiment fiers de l'avoir aidé », précise Maylis Chusseau.

« Stimuler l'innovation de rupture, en particulier l'innovation intensive en technologie dite DeepTech, en facilitant l'aventure entrepreneuriale de nos chercheurs, constitue l'une des priorités de notre gouvernement », conclut Dominique Rebière.

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Autant dire que les SATT, en amont, puis le concours i-Lab, participent, aux côtés des forces de la recherche publique (universités, établissements et organismes de recherche) à l'objectif fixé par le Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, celui de mettre la recherche à disposition du public, par le biais d'entreprises à succès.

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