Qui est Nat Friedman, le nouveau golden boy de l'IA générative ?

L'entrepreneur et investisseur est à la tête du fonds d'investissement le plus en vue de la Silicon Valley dans l'intelligence artificielle, C2 Investments. Ancien de GitHub, où il avait participé à la création de Copilot, le très courtisé Nat Friedman a déjà investi dans des dizaines de startups d'intelligence artificielle générative et se lance des défis fous, comme construire une ville utopique près de San Francisco ou déchiffrer grâce à l'IA des rouleaux de parchemin de l'Egypte antique.
François Manens
Nat Friedman, interviewé par une des pépites dans lesquels il a investi, Scale AI.
Nat Friedman, interviewé par une des pépites dans lesquels il a investi, Scale AI. (Crédits : Scale AI, sur YouTube)

Ce n'est pas un hasard si OpenAI l'a approché à deux reprises au cours des trois derniers mois. Dans le petit monde de la Silicon Valley, Nat Friedman s'est imposé comme une figure incontournable de l'intelligence artificielle. Avant tout réputé pour son rôle de dirigeant de la plateforme pour développeurs GitHub entre 2018 et 2021, le quadragénaire a repris sa casquette de business angel juste à temps pour le big bang de l'intelligence artificielle générative.

Alors que tout le milieu du capital risque s'est rué sur la technologie, son fonds d'investissement spécialisé dans l'IA, nommé C2 Investments et cofondé avec Daniel Gross (ancien investisseur au prestigieux Y Combinator), s'est très vite démarqué du lot. En juin 2023, les deux hommes d'affaires ont pris la décision, radicale, de se doter de leur propre supercalculateur, Andromeda. L'idée ? Attirer les startups les plus prometteuses en leur offrant une ressource encore plus rare que le financement : l'accès aux très recherchés processeurs de Nvidia, incontournables pour entraîner les plus puissants modèles d'intelligence artificielle. Avec cet atout inédit et plus d'un milliard de dollars de fonds sous gestion, l'entreprise joue désormais un rôle clé dans l'émergence de l'écosystème de l'IA générative.

Andromeda, la machine à draguer les startups

Pour réussir leur pari, Friedman et Gross n'ont pas fait dans la demi-mesure. Andromeda est une véritable machine de guerre, dotée de 2.512 processeurs H100, les plus convoités de Nvidia. Soit presque cinq tonnes de matériaux, s'amusent à préciser les investisseurs. Facture estimée ? Plus de 100 millions de dollars, précise The InformationUne somme à laquelle il faut ajouter tout le logiciel et le matériel pour mettre en musique ces processeurs, ainsi que le coût de fonctionnement.

Dès le début 2023, Nvidia a annoncé qu'il ne pourrait pas tenir un rythme de production des H100 suffisant pour suivre la demande. Son processeur a été introduit sur le marché en octobre 2022, un mois avant la sortie de ChatGPT et donc sans prendre en compte le pic de demandes qui allait venir. Cependant, malgré les délais, les grandes entreprises et les Etats parviennent à s'équiper, contrairement aux petites entreprises, à commencer par les startups. Ces dernières n'ont ni la puissance financière ni les entrées commerciales pour obtenir les précieux processeurs. Résultat : elles se retrouvent souvent contraintes de louer de la puissance de calcul auprès des opérateurs de cloud, à grands frais et selon des conditions de disponibilité parfois peu accommodantes. Ou alors, elles se contentent d'entraîner leurs modèles sur la génération précédente de processeurs, jusqu'à neuf fois moins rapide.

Alors forcément, l'accès à Andromeda est un atout inédit dans les discussions pour signer les startups les plus convoitées par les investisseurs. A leur échelle, Friedman et Gross reproduisent le modèle de l'investissement de Microsoft dans OpenAI, qui comprend à la fois des capitaux, et l'accès à de la puissance de calcul difficile à obtenir. Un modèle a priori très avantageux : le géant de la tech s'est appuyé sur ce levier en 2019, puis début 2023, pour négocier 49% du capital d'OpenAI, une exclusivité sur la distribution indirecte de ses modèles d'IA, et des commissions sur ses ventes directes...

Les investisseurs rivaux observent de près l'évolution de C2 Investments, et se posent la question de se doter eux aussi en processeurs. Capable de mener des tours de table avec des tickets de 1 à 100 millions de dollars, le fonds a déjà investi dans des dizaines de startups, sur différentes branches de l'IA générative. Parmi les noms les plus connus de son portfolio se trouvent :

  • Character.ai, un service de création de chatbot sur-mesure, avec une personnalité pré-définie.
  • Eleven Labs, un service de génération de voix par IA, capable également de convertir la parole en texte.
  • Keen Technologies, une startup portée par John Carmack (ancien directeur technique d'Oculus) qui ambitionne de développer l'AGI, cette intelligence artificielle générale capable de raisonner comme un cerveau humain.
  • Perplexity AI, un moteur de recherche dopé à l'IA générative, qui affiche la très haute ambition de renverser Google. Nat Friedman affirme d'ailleurs l'utiliser tous les jours.
  • Pika Labs, une plateforme de génération de vidéo par IA.
  • Scale AI, une plateforme qui prépare, grâce à l'IA, les données utilisées pour entraîner les IA.

Précurseur de l'IA générative

Bien qu'il soit entré dans la lumière récemment, Nat Friedman n'a pas forgé sa réputation actuelle dans l'IA uniquement sur son carnet de chèque et son supercalculateur. Son dernier chantier à la tête de GitHub n'était autre que le lancement de GitHub Copilot, un assistant d'IA capable d'écrire du code informatique dans plusieurs langages, nourri avec Codex, le modèle de OpenAI spécialisé dans l'écriture de code [Github Copilot a basculé sur GPT-3.5 en 2023, ndlr]. Autrement dit, il a participé à la création du premier assistant d'IA générative déployé à grande échelle, plusieurs mois avant que ChatGPT n'expose la technologie aux yeux du monde entier.

Non seulement Copilot était précurseur, mais il s'est aussi converti en succès immédiat. Microsoft (la maison-mère de GitHub) se targue d'avoir plus d'un million d'utilisateurs payants abonnés à l'outil, et surtout, il a décliné le concept pour toutes ses suites logicielles (365, Dynamics, Security), sous le même nom. Nat Friedman a donc joué un rôle central dans l'émergence du modèle de l'assistant, essentiel dans la stratégie de Microsoft dans l'intelligence artificielle. Il avait rejoint l'entreprise de Seattle en 2016, après que cette dernière a racheté Xamarin, la plateforme de développement qu'il avait fondée cinq ans plus tôt.

Convoité par OpenAI

Désormais détaché du rôle de dirigeant d'une grande entreprise, il colle au profil type de l'entrepreneur de la Silicon Valley, qui affiche fièrement ses principes : l'enthousiasme au travail ; la rapidité dans les prises de décision--« une semaine, c'est 2% de l'année ! »-- ; ou encore, plus étonnant, le micro-management --« les individus brillants devraient avoir tout le pouvoir nécessaire pour exercer leur jugement ». Plus généralement, il se présente en grand convaincu du modèle startup. Pour lui, les petites équipes sont plus performantes car il n'y a « pas de place pour les personnes médiocres », alors que beaucoup d'entreprises de la tech emploieraient « deux à dix fois trop » d'employés. Un discours qui sera apprécié par les travailleurs touchés par les récentes vagues de licenciements de Google et Amazon.

Grâce à son expertise d'entrepreneur, de dirigeant de grande entreprise et d'investisseur, Nat Friedman est très courtisé. D'après The Information, OpenAI l'a contacté pour lui proposer un siège à son nouveau conseil d'administration, reconstruit de zéro après l'affaire Sam Altman début décembre. L'homme d'affaires pencherait vers un refus, à nouveau, croit savoir The Information. En effet, il avait déjà décliné une première proposition d'OpenAI, pour le poste de CEO, proposé en plein cœur de l'affaire. C'était finalement l'ancien dirigeant de Twitch Emmet Shear qui avait pris les rênes de l'entreprise... pour un intérim de trois jours avant d'être mis de côté avec le retour triomphal d'Altman.

Mais comme jouer les premiers rôles dans la course à l'IA ne semble pas suffisant pour Nat Friedman, l'entrepreneur mène en parallèle deux projets hors du commun. Le premier, le Vesuvius challenge, a pour objectif de déchiffrer le contenu de plus de 600 rouleaux de parchemins, découverts au XVIIIe siècle. Le problème ? Ces rouleaux ont été carbonisés lors de l'éruption du Vésuve en l'an 79, et ne peuvent plus être ouverts. Il faut donc déchiffrer leur contenu à partir d'images en 3D des parchemins, obtenus grâce à un accélérateur de particules. C'est ici qu'entre en action l'IA, qui pourrait permettre de déchiffrer le rouleau, même fermé, grâce à la détection des traces d'encre.

Le second projet de Friedman, encore plus fou, est partagé avec d'autres grands noms de la Silicon Valley, qui alimentent une entreprise, Flannery Associates. Cette dernière, qui a déjà acheté 520 hectares de terrain à proximité de San Francisco, ambitionne d'y construire une ville ex-nihilo avec des dizaines de milliers de maison, une ferme à énergie solaire, des vergers avec plus d'un million d'arbres, ou encore plus de 100 hectares de parcs. Alors forcément, Nat Friedman n'a pas fini de faire parler de lui...

François Manens

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 13/01/2024 à 8:19
Signaler
Ils ont l'air trop ridicule les riches du numérique, franchement ils pourraient faire des efforts de présentation, la gonflette, les coups de cheveux approximatives, les grands gestes, mais c'est toujours mieux que les riches canal historiques qui eu...

à écrit le 12/01/2024 à 21:12
Signaler
ca sent bon l'histoire de famille......quand les gens verront ce que ca leur apporte vraiment, ca risque de retomber encore bcp plus vite que le datamining...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.