Recherche en ligne : comment Perplexity compte bousculer Google grâce à l’IA

La startup américaine Perplexity a levé jeudi 74 millions de dollars, avec l'objectif de s'attaquer frontalement à Google. L'entreprise développe un moteur de recherche dont les réponses sont générées par l'intelligence artificielle. Or, il attire déjà plus de dix millions d'utilisateurs mensuels. La route promet toutefois d'être longue avant d'inquiéter l'ogre de la recherche en ligne.
François Manens
Perplexity s'attaque au golgoth Google.
Perplexity s'attaque au golgoth Google. (Crédits : PerplexityAI)

L'intelligence artificielle générative est-elle une arme suffisante pour s'attaquer au monopole de Google dans la recherche en ligne ? C'est du moins ce que pense la startup américaine Perplexity AI. Son moteur de recherche répond aux recherches des utilisateurs par un texte généré par l'IA générative, plutôt que par une série de liens comme sur Google.

C'est la raison pour laquelle l'entreprise le désigne plutôt comme un « moteur de réponses », qui intègre tout de même des liens vers les sources qui lui ont permis de rédiger sa réponse. Déjà utilisé par près de dix millions d'utilisateurs par mois, l'outil a suffisamment convaincu pour permettre à la startup d'effectuer une levée de fonds de 74 millions de dollars, un record pour un moteur de recherche, qui la valorise à 520 millions de dollars.

Ce tour de table, mené par Institutional Venture Partners, a été suivi par toute une liste de personnalités et entreprises reconnues, comme Jeff Bezos (fondateur d'Amazon), Nat Friedman (ancien PDG de GitHub et serial investisseur dans l'IA) ou encore Nvidia (l'incontournable géant des processeurs d'IA). Autant de signes du potentiel de la technologie. Perplexity s'attaque toutefois à un colosse que personne n'a jamais réussi à faire flancher. Google écrase le marché de la recherche en ligne avec plus de 93% de parts. Même son dauphin (avec 3% des parts) Microsoft Bing, armé de nouvelles fonctionnalités d'IA générative en 2023, a échoué à égratigner sa domination. La startup peut-elle être celle qui va enfin réussir l'exploit ?

Déjà 500 millions de recherches effectuées

Quoiqu'il en soit, la route sera longue. Après tout, Perplexity AI, fondée en août 2022, n'en est qu'à ses débuts. La startup n'a qu'une trentaine d'employés, et elle n'a même pas ses propres bureaux. Elle a réalisé un chiffre d'affaires entre cinq millions et dix millions de dollars depuis sa création, et reste très loin de la rentabilité. La levée va lui permettre de recruter une vingtaine de personnes supplémentaires d'ici la fin de l'année et d'accélérer le développement de ses produits.

A sa tête, on retrouve le profil typique, dont les investisseurs de l'IA sont friands. Le PDG et cofondateur de la startup, Aravind Srinivas a fait ses armes chez Google et OpenAI, deux des noms les plus respectés du secteur de l'intelligence artificielle. Exubérant, il affiche constamment sa confiance et multiplie les saillies contre son ancien employeur, à qui il veut coller une image de has-been.

« Si vous pouvez répondre directement aux questions de l'utilisateur, il n'aura plus besoin d'une liste de dix liens bleus », assène-t-il.

Alors que l'entreprise n'a pas encore lancé de campagne publicitaire, son moteur attire déjà plus de dix millions d'utilisateurs mensuel, et a passé la barre des 500 millions de recherches effectuées. Ces chiffres exposent un véritable intérêt pour la technologie, bien qu'évidemment infime par rapport aux milliards de recherches quotidiennes sur Google. Certes, l'entreprise ne se débarrasse pas complètement de l'écueil des hallucinations, ces situations où l'IA présente comme une vérité une information qu'elle invente.

Toutefois, son système de référence aux sources permet à l'utilisateur de vérifier les informations. Le problème ? Si l'utilisateur doit régulièrement se référer aux liens, alors le « moteur de réponses » perd sa raison d'être. A l'heure actuelle, l'outil peut répondre en français - puisqu'il s'appuie sur des modèles de langages capables de le faire -, mais l'interface reste, quant à elle, en anglais.

Perplexity amène les informations, OpenAI rédige la réponse

Pour remplir sa promesse, la startup ne s'épuise pas à créer le meilleur modèle de langage possible, une tâche extrêmement vorace en capitaux. Même si elle a créé un petit modèle de langage, elle s'est plutôt concentrée sur le développement de ses propres outils de recherche et d'indexation. Concrètement, ses robots vont chercher les informations les plus pertinentes, puis les confient à une grande variété de modèles déjà existants pour générer les réponses. Elle propose d'ailleurs à ses abonnés payants, qui déboursent 20 dollars par mois, de choisir parmi un large choix de modèles, dont font partie ceux OpenAI (GPT-4), Anthropic (Claude-2), Meta (Llama-2) ou encore Mistral.

Pour l'instant, le modèle économique de Perplexity ne s'appuie que sur cet abonnement, même s'il n'exclut pas d'introduire des publicités à l'avenir. Car s'appuyer autant sur l'IA a un coût significatif : pour chaque appel aux modèles d'IA, Perplexity doit passer à la caisse. Mais heureusement pour l'entreprise, ce coût dégringole à grande vitesse grâce à l'amélioration des processeurs, à l'évolution des modèles et à l'optimisation de différentes couches logicielles.

Google ne se laisse pas faire

Même si Perplexity développe un moteur performant, s'attaquer à Google reste presque impossible. Bing n'est d'ailleurs pas le seul à s'être cassé les dents en s'y essayant. Comme le relève le Wall Street Journal, la startup Neeva, qui développait un moteur similaire à celui de Perplexity, a mis la clé sous la porte à peine un an après son lancement. Son PDG, Sridhar Ramaswamy avait alors été invité à témoigner dans le gigantesque procès sur les pratiques anticoncurrentielles de Google dans la recherche en ligne.

De plus, Google ne se laisse pas faire face à la menace sur son cœur d'activité amenée par les capacités de l'IA générative. Il s'est donc lui-même approprié la technologie. En mai, l'ogre de la recherche en ligne a présenté une nouvelle version de son moteur de recherche, qui affiche un résumé écrit par l'IA avant la liste habituelle de liens. Cette présentation a semé un vent de panique parmi les éditeurs de sites qui dépendent du moteur de recherche pour leur audience et ont désormais peur d'être ignorés. Encore en phase de test auprès d'un public restreint, ce nouveau Google n'a plus fait l'objet de commentaires de la part de l'entreprise et n'a pas de date de déploiement publique.

Sur LinkedIn, Aravind Srinivas rappelle à juste titre qu'avant d'investir dans Perplexity, Jeff Bezos avait investi dans Google en 1998, alors que l'entreprise n'était encore qu'une startup sans modèle économique : un signe prémonitoire pour le succès de la startup ?

François Manens

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Commentaires 2
à écrit le 06/01/2024 à 8:52
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Bref ! Rien de mieux... pour nous "enfermer mentalement", en pensant recevoir une récompense ! ;-)

à écrit le 06/01/2024 à 8:50
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Le problème avec la quête d'argent public c'est que ce sont en général les premiers arrivés les premiers servis se servant de l'argent public pour agrandir les tuyaux qui les relient aux caisses publiques. C'est leur raison de vivre !

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