Brevets européens : quelles sont les régions et filières françaises qui tirent l’innovation ?

Avec plus de 199.200 demandes enregistrées, le nombre de brevets a atteint un record en 2023, selon le palmarès dévoilé par l’Office européen des brevets. Preuve du caractère innovant et attractif de l'Union européenne. La France conserve son dynamisme et son positionnement malgré une légère inflexion du nombre de demandes et de grandes disparités tant sectorielles que régionales.
Les entreprises françaises ont déposé plus de 10 800 demandes de brevets auprès de l'Office européen des brevets l'an dernier. Les régions Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes se sont montrées particulièrement actives.
Les entreprises françaises ont déposé plus de 10 800 demandes de brevets auprès de l'Office européen des brevets l'an dernier. Les régions Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes se sont montrées particulièrement actives. (Crédits : YVES HERMAN)

199.275 demandes de dépôts de brevet, c'est le chiffre record enregistré par l'Office européen des brevets en 2023. Un résultat encourageant et rassurant dans un contexte économique et géopolitique marqué par une grande morosité. Et surtout, un chiffre en hausse de 2,9 % par rapport à 2022 qui montre que l'Union européenne reste un marché incontournable pour commercer et pour innover.

Sur cet échiquier, la France tient sa position avec une honorable sixième place au niveau mondial, devancée cette année par la montée en flèche de la République de Corée, et une deuxième place à l'échelle européenne. Le tout avec 10.814 demandes de brevets, soit 1,5 % de moins qu'en 2022. Un léger tassement qui doit faire l'objet d'une interprétation prudente pour Yann Ménière, chef économique de l'Office européen des brevets (OEB).

« Nous avons eu une baisse cette année, mais des hausses significatives en 2020 et 2021. Nous sommes sur une tendance générale à la croissance. »

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Pour mieux comprendre le phénomène, le chef économiste appelle surtout à observer les variations par secteur et la dynamique des dépôts de brevets dans les territoires.

La technologie informatique et l'IA, des moteurs essentiels

Contrairement à la tendance globale, largement tournée vers la communication numérique (wifi, 5G, etc), les secteurs les plus actifs en termes de dépôts de brevets en France sont :  le transport (1.010), les technologies informatiques (871), les technologies médicales (729) et les machines, les appareils et l'énergie électriques (725). Un constat qui s'explique par une histoire industrielle française tournée vers l'automobile et l'aéronautique.

« On observe une stagnation dans le secteur des transports, parce qu'une grande partie de ces brevets sont liés aux voitures thermiques. La R&D a tendance à se redéployer vers le numérique et l'électrique qui ne sont pas dans ce poste de transport. En réalité, nous avons surtout un redéploiement des investissements vers les batteries par exemple, qui constituent une sous-partie du domaine des appareils électriques », développe Yann Ménière.

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L'an dernier, les dépôts de brevets dans les batteries ont progressé de 7% en France. Autre tendance notable et réjouissante : la progression de 18,1% des dépôts liés aux technologies informatiques en France.

« Ce n'est pas le point fort traditionnel de la France, concède l'économiste. Mais c'est intéressant, car c'est la transformation numérique de l'industrie, cela ne concerne pas seulement les pure players mais plus généralement toutes les industries qui innovent pour digitaliser leurs produits et leurs procédés. »

L'intelligence artificielle n'est pas en reste sur le sujet. Cette technologie est un facteur important d'innovation qui s'est traduit par le dépôt de plusieurs brevets sur des briques technologiques ou des applications dans divers domaines industriels.

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Le développement des technologies informatiques constitue, plus que jamais, un enjeu majeur à l'échelle mondiale. « Nous sommes dans une économie mondiale en concurrence du point de vue de la technologie », reconnaît Yann Ménière, « et l'Union européenne reste un marché incontournable pour commercer des technologies ». Qui rappelle qu'elles tirent les demandes mondiales de brevets et ont permis l'émergence fulgurante de la Chine et la République de Corée dans le top cinq de ce classement mondial. Parmi les sociétés ayant déposé le plus de brevets auprès de l'OEB, on compte d'ailleurs Huawei, Samsung et LG.

L'Ile-de-France, un pôle de classe mondiale

Sur le plan géographique, sans grande surprise, l'Île-de-France, domine pour ne pas dire écrase, le classement des régions les plus actives en termes de dépôts de brevets. Elle compte, en effet, 6.911 dépôts à son actif, contre 1.293 pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, en deuxième position et 483 en Occitanie. Trois autres territoires, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Grand-Est et Nouvelle-Aquitaine dépassent les 300 demandes de brevets.

Graphique dépôts brevets (OEB) par régions

La répartition par régions françaises des demandes de brevets européens (crédits : OEB).

« L'Ile-de-France boxe dans la catégorie mondiale », reconnaît le chef économiste de l'OEB. Première région en Europe, 4e au niveau mondial, elle affiche une croissance des demandes de brevets de 2,1% en 2023, une position qu'elle tient grâce à un écosystème extrêmement riche et complet.

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« La région parisienne possède des champions dans beaucoup d'industries dans divers domaines, des universités, des centres de recherches, une dynamique dans l'intelligence artificielle et un écosystème de startups, y compris en deeptech, qui se développe rapidement. Tous les ingrédients sont là pour avoir un pôle de classe mondiale ! », poursuit-il.

Faut-il reléguer les régions au second plan ? Non, car on observe la présence de certains pôles majeurs d'innovations en région, notamment en Auvergne Rhône-Alpes.

L'Auvergne-Rhône-Alpes portée par le CEA

« On ne peut pas les comparer à la Californie comme l'Île-de-France, mais elles excellent dans leurs domaines de spécialisation », souligne le chef économiste.

Dans cette logique, il n'est pas surprenant de voir la région Auvergne-Rhône-Alpes prendre la deuxième place du classement. Et ce, grâce à la « forte présence des industries pharmaceutiques et chimiques à Lyon et l'électronique à Grenoble », pointe Yann Ménière. Ainsi qu'au « poids très important du CEA (commissariat à l'énergie atomique) et de la recherche universitaire dans ce domaine-là. »

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Et c'est peu dire. À lui seul, le CEA se positionne comme le deuxième dépositaire de brevets en France avec 523 demandes. Le nombre de dépôts de brevets en chimie organique fine a également connu une augmentation significative de 21,7 % en 2023 sur le territoire français. En Occitanie, troisième région la plus active, c'est l'industrie aéronautique, portée notamment par la présence de grands industriels du secteur comme Airbus, Atos ou encore Dassault Systèmes, qui marque le territoire.

On observe, a contrario, un nombre très faible de demandes dans les outre-mer français. « Il y a une tendance générale, quasiment fractale, à la concentration des capacités d'innovations. Il y a des effets boules de neige qui tendent à concentrer les ressources et les investissements autour de certains pôles. »

Les startups et les PME, particulièrement actives

Le classement des entreprises les plus prolifiques en matière de dépôts de brevets se compose essentiellement de sociétés cotées en bourse et de centres de recherche comme le CEA, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'IFP Energies nouvelles (IFPEN) et le centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ce qui s'explique par les moyens dont ils disposent pour financer leur R&D, le dépôt de brevets et par un besoin croissant de se protéger contre la concurrence.

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Pour autant, les PME constituent la majorité des déposants, met en exergue le chef économiste de l'OEB. A elles seules, elles ont déposé 23% des brevets totaux recensés en 2023. Une catégorie se montre particulièrement dynamique, celle des startups. L'office européen des brevets a même développé en novembre dernier un outil, Deep Tech Finder, pour recenser celles qui ont déposé des brevets auprès de celui-ci. Environ 8.000 ont été détectés dont 568 en Ile-de-France.

« Ces sociétés ont des besoins en financement plus élevés que les startups et les PME qui ne déposent pas de brevets car ils font de la R&D. Ils ont besoin d'amener leur technologie sur le marché, ce qui est plus gourmand en investissement et plus long également », développe Yann Ménière.

Ce dynamisme des PME est d'autant plus marquant que, contrairement à son voisin allemand, la France ne possède pas une forte culture du brevet, constate l'économiste.

Le brevet européen unitaire, véritable facilitateur

« Il y a également des difficultés liées à la mise à l'échelle, à la croissance au niveau du marché européen pour ces sociétés car elles doivent entrer dans différents pays », débute Yann Ménière. « Lorsque l'OEB vous délivre un brevet européen vous devez ensuite le faire valider en un brevet français, belge, et le maintenir séparément avec des avocats différents dans chaque pays. » Un système complexe et coûteux pour des entreprises en développement.

Pour réduire ces freins, l'OEB a introduit, en juin dernier, le brevet européen unitaire, c'est à dire, « un brevet unique pour 17 pays membres de l'Union européenne avec un tribunal dédié, un seul avocat et une seule redevance à payer ». Ce qui simplifie profondément l'ancien processus.

« Le brevet unitaire a l'air de bien prendre au niveau des PME. Pour la demande de brevet unitaire, les PME représentent 34 % des demandes. Et la part de PME demandant des brevets européens est passée de 20 à 23 %, on peut y voir un effet du brevet unitaire à confirmer », se réjouit l'économiste.

En France, près de 1.300 demandes d'effet unitaire (transformation d'un brevet européen classique en un brevet européen unitaire) ont été déposées en 2023 par des détenteurs français de brevets européens. Cet outil s'ajoute à une baisse des redevance pour les très petites entreprises, poussant ainsi à un changement culturel et encourageant au dépôt de brevet et donc à la sécurisation et la protection des innovations.

Autre changement apporté par l'OEB cette année, la prise en compte du nombre de femmes parmi les inventeurs de ces innovations. Ce nouvel indicateur montre que 27 % des demandes de brevets en provenance de l'Europe citent au moins une femme comme inventeur.

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Commentaires 7
à écrit le 20/03/2024 à 9:37
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"Preuve du caractère innovant et attractif de l'Union européenne." Non l'UE est attractive pour les riches du monde grâce à son marché riche en dumping social et fiscal. Sinon l'UE, cette soit disant puissance économique qui ne repose en fait que sur...

à écrit le 19/03/2024 à 21:18
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"199.275 *demandes* de dépôts de brevet, c'est le chiffre record enregistré par l'Office européen des brevets en 2023." Nombre sans intérêt qui ne présage en rien la quantité de brevets accordés et réellement valides pour être défendu en justice...

à écrit le 19/03/2024 à 14:59
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Vaste mécanisme de vampirisation des innovations et de la recherche. L'Europe n'est rien mais elle se permets de voler et de prétendre à des choses qu'elle n'est pas . Elle vide les nations de ses forces vives . L'Europe est un danger pour les int...

à écrit le 19/03/2024 à 8:53
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"Preuve du caractère innovant et attractif de l'Union européenne." Non l'UE est attractive pour les riches du monde grâce à son marché riche en dumping social et fiscal. Sinon l'UE, cette soit disant puissance économique qui ne repose en fait que sur...

le 19/03/2024 à 10:51
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Au contraire, l'UE est attractive pour les pauvres du monde. Bien plus que le Japon, la Corée du Sud, l'Australie, la Chine et presque comme les USA (mais eux ils attirent seulement les pauvres qui veulent travailler)

à écrit le 19/03/2024 à 8:53
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"Preuve du caractère innovant et attractif de l'Union européenne." Non l'UE est attractive pour les riches du monde grâce à son marché riche en dumping social et fiscal. Sinon l'UE, cette soit disant puissance économique qui ne repose en fait que sur...

à écrit le 19/03/2024 à 8:52
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"Preuve du caractère innovant et attractif de l'Union européenne." Non l'UE est attractive pour les riches du monde grâce à son marché riche en dumping social et fiscal. Sinon l'UE, cette soit disant puissance économique qui ne repose en fait que sur...

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