La justice prédictive, avancée ou danger ?

ENQUÊTE 3/3. Les algorithmes d'IA permettraient d'évaluer les chances de succès d'une procédure et de trouver la meilleure stratégie.
(Crédits : Pixabay / CC)

L'IA va-t-elle créer un Minority Report de la justice ? Dans le roman de Philip K. Dick qui a inspiré le film, des « Precogs » prédisent les crimes avant qu'ils aient été commis, permettant d'arrêter le coupable qui n'a encore rien fait... Certains le craignent au vu des progrès des algorithmes d'intelligence artificielle nourris par les masses de données disponibles avec l'open data, qui offre une ouverture massive et gratuite des bases de jurisprudence.

Ces logiciels proposés par des startups comme Predictice - dont la solution d'aide à la décision pour les professionnels du droit permet de calculer la probabilité de succès d'un contentieux ou le montant des indemnités susceptibles d'être obtenues devant une juridiction - seraient capables d'accélérer le règlement des litiges en analysant les décisions de justice pour en améliorer la prévisibilité.

« Par leur utilisation, les juges connaîtront mieux les pratiques juridictionnelles de leurs collègues et les parties pourront déterminer plus précisément les chances de succès d'une procédure juridictionnelle, ainsi que les moyens les plus pertinents à soulever », estimait Jean-Marc Sauvé, alors vice-président du Conseil d'État, lors d'un colloque sur le sujet le 12 février 2018.

Les algorithmes favoriseraient la médiation et la conciliation en amont de la décision du juge, qui se verrait ainsi déchargé de tâches chronophages à faible valeur ajoutée. Une bonne nouvelle pour les justiciables qui attendent de plus en plus longtemps avant d'être jugés. À la cour d'appel de Rennes, par exemple, il faut compter parfois quatre ans ! En moyenne, ces délais sont plus courts : de 5,7 à 12,7 mois en 2017 selon la juridiction pour obtenir une décision de justice d'après le ministère de la Justice, ce qui reste bien trop long quand on est soi-même justiciable.

Les juges bridés ?

Le risque de cette « algorithmisation » de la justice, c'est la perte d'autonomie des juges, encouragés, pour gagner du temps, à reproduire les décisions de leurs collègues indexées par les logiciels.

« Le développement des algorithmes prédictifs ne doit pas aboutir à ce que l'intelligence artificielle se substitue, à terme, à l'analyse juridique et au raisonnement personnel du juge. Ce dernier doit continuer à exercer ses fonctions en toute indépendance en appliquant au litige dont il est saisi les textes et la jurisprudence pertinents », analyse Jean-Marc Sauvé.

La justice prédictive « version moderne de la boule de cristal », selon François Rouvière, professeur à l'université d'Aix-Marseille, ou solution aux lenteurs de la justice ? Le débat ne fait que commencer.

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ENQUÊTE LEGALTECH

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Commentaires 3
à écrit le 03/05/2019 à 11:32
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cf. article Financial Times du 26 avril : les outils IA utilisés par la Justice US ne sont pas fiables (AI tools in US criminal justice branded unreliable by researchers, Financial Times, 26/04/2019).

à écrit le 03/05/2019 à 9:00
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Montesquieu, reviens ils sont devenus fous.. " Celui qui possède des pouvoirs finira un jour par en abuser".

à écrit le 03/05/2019 à 8:43
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Impossible qu'une véritable IA déjà puisse prendre en compte les arrangements entre avocats, alors les placebos dont on dispose... laissez tomber les gars hein mais vraiment et tout de suite. L'astrologie reste plus sûre !

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