
L'an prochain, les Google Cars auront dix ans. Depuis sa création, le projet a beaucoup évolué, comme l'illustre son changement de nom en décembre 2016. Il a alors été rebaptisé Waymo, pour « a new way forward mobility » (« une nouvelle approche de la mobilité »), devenant du même coup une succursale à part entière au sein de Google. Le programme faisait auparavant partie de Google X, division top secrète dédiée à la recherche de pointe. Un changement organisationnel qui marque son arrivée à maturité.
Google a également repensé son modèle économique. L'entreprise a décidé de ne pas construire ses propres véhicules, laissant cette tâche à ceux dont c'est le coeur de métier : les constructeurs automobiles. Google se concentre de son côté sur sa propre expertise, à savoir le logiciel de conduite autonome et les différents capteurs impliqués dans le processus. Auprès des constructeurs, le géant du Net s'est procuré des voitures spacieuses, adaptées au transport de passager.
Ainsi, Waymo a dans un premier temps constitué une flotte de 600 Pacifica Hybrid auprès de Fiat Chrysler. Au début de l'année, elle a décidé de passer à la vitesse supérieure, commandant 62000 minivans supplémentaires auprès du constructeur, auxquels viendront s'ajouter 20 000 SUV commandés à Jaguar Land Rover.
Des taxis autonomes, électriques et partagés
De projet de recherche pionnier, Waymo est également devenue une entreprise à visées hautement lucratives, avec de grandes ambitions et un modèle d'affaires bien défini, centré sur le déploiement de taxis autonomes, électriques et partagés. Le but de ces derniers est d'offrir une alternative non seulement aux taxis et aux services de mobilité à la demande comme Lyft et Uber, mais aussi au véhicule individuel. Pour mettre cette vision à l'épreuve, l'entreprise a, il y a un peu plus d'un an, mis en place un projet pilote à Phoenix, Arizona, un État dont la politique est particulièrement favorable au test des voitures autonomes.
Le dispositif consiste à offrir gratuitement des trajets à bord des minivans autonomes de Waymo à des individus volontaires pour en tester la technologie. Le projet progresse à son rythme de croisière, et procure une moyenne de 400 trajets par jour. Les utilisateurs y ont recours pour se rendre au travail, à l'aéroport, emmener leurs enfants à l'école, ou encore faire du tourisme.
Pour l'heure, le service est encore en phase de test, mais Waymo souhaite le lancer pour de bon, sous forme payante, d'ici à la fin de l'année, d'abord à Phoenix, puis dans d'autres villes américaines. En juin dernier, le CEO de Waymo, John Krafcik, a également affiché son intention de déployer un service similaire en Europe, sans donner de dates précises. Pour construire un écosystème de taxis partagés viables, Waymo compte s'appuyer sur le savoir-faire de ceux qui ont déjà fait la preuve de leur compétence dans ce domaine. Elle s'est ainsi associée avec Lyft en mai 2017, et, en juin dernier, Dara Khosrowshahi, le CEO d'Uber, a affirmé que son entreprise était actuellement en discussion avec Waymo pour intégrer les véhicules autonomes de l'entreprise à son application.
Insérer les Google Cars dans la vie quotidienne
Mais la vision de Waymo va encore plus loin. L'entreprise ne souhaite pas se contenter d'un système de taxis futuristes, elle veut repenser intégralement la mobilité urbaine, pour permettre aux citadins de se déplacer de la manière la plus efficace possible, en combinant les différents moyens à leur disposition. Dans cette optique, elle développe des liens avec les transports publics, afin de faire fonctionner son service en synergie avec eux. À Phoenix, Waymo a ainsi annoncé fin juillet travailler avec les pouvoirs publics pour connecter ses utilisateurs avec les bus et tramway locaux. L'entreprise collabore également avec RideChoice, un service de taxis à prix réduit permettant aux habitants vivant dans des zones mal desservies de prendre un véhicule pour rejoindre la ligne de transports en commun la plus proche.
Enfin, pour maximiser l'utilité de ses véhicules autonomes dans la vie de tous les jours, Waymo multiplie également les partenariats. Ainsi, un partenariat tissé avec le géant américain de la distribution Walmart permet aux clients qui feront leurs courses en ligne de bénéficier pour récupérer leurs achats d'un trajet jusqu'au magasin le plus proche à bord de l'un des véhicules de Waymo. La division de Google a également conclu un accord avec DDR Corp., un groupe immobilier américain, afin de permettre aux résidents de Phoenix de se rendre jusqu'au gigantesque centre commercial que possède le groupe à bord des véhicules sans chauffeurs de Waymo.
Un partenariat avec Avis donnera aux individus souhaitant louer une voiture la possibilité d'aller la récupérer à bord d'un minivan autonome. Enfin, un accord avec le concessionnaire automobile AutoNation offrira un service similaire aux personnes souhaitant faire réparer leurs véhicules - l'ensemble de ces options étant pour l'heure cantonnées à la ville de Phoenix. Google affirme cibler stratégiquement, afin de proposer une alternative viable au véhicule individuel, les différentes activités pour lesquelles les Américains ont le plus recours à leur voiture : faire des courses, se rendre au travail, dîner dehors et réparer leur voiture.
Dans un pays aussi accro à l'automobile individuelle que les États-Unis, proposer une alternative à celle-ci est un projet pour le moins ambitieux, à la mesure de Google. En transformant notre manière d'accéder à l'information, l'entreprise a déjà changé le monde une première fois. Waymo va-t-elle lui permettre d'opérer une nouvelle révolution, cette fois-ci dans nos modes de déplacements ?
___
| Où va Google ? Retrouvez les autres articles de notre Dossier spécial dans La Tribune Hebdo n°260 daté du 14 septembre 2018 :
- Google, un géant indestructible ?
- Alphabet, un empire tentaculaire
- La France, terreau d'expérimentation pour Google
- Abus de position dominante : "Google est un éléphant dans un magasin de porcelaine"
- Google : notre vie privée en voie de disparition ?
- Google, le nouvel ennemi public numéro un ?
- Google, roi du "sandwich néerlandais" et du "double irish"
- Les Google Cars seront-elles les taxis du futur ?
- Google Pay débarque bientôt en France
- Alphabet aux petits soins avec notre santé... et nos données
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !