Semestre exceptionnel pour la French Tech : 4,7 milliards d'euros levés, presque autant que toute l'année 2020 !

EXCLUSIF. D'après le baromètre du capital-risque réalisé par La Tribune, les startups françaises ont levé au premier semestre 2021 4,73 milliards d'euros (contre 2,72 milliards d'euros au premier semestre 2020 soit +74% sur un an), pour 400 opérations (+24%). Une performance record, tirée par l'explosion des très gros tours de table, avec 9 méga-levées de fonds de plus de 100 millions d'euros et dix opérations entre 50 et 100 millions d'euros. Le record de 2020 (5 milliards d'euros sur l'année) est déjà quasiment atteint et sera explosé en 2021. Décryptage.
Sylvain Rolland
Le premier semestre 2021 a battu tous les records de levées de fonds pour la French Tech.
Le premier semestre 2021 a battu tous les records de levées de fonds pour la French Tech. (Crédits : LT)

Une crise, quelle crise ? D'après le baromètre du capital-risque de La Tribune, le premier semestre 2021 explose tous les records de la French Tech. Les startups françaises ont levé 4,73 milliards d'euros de janvier à juin 2021, soit une progression gigantesque et inédite de 74% sur un an, pour 400 opérations (+24% sur un an). Mieux, les six premiers mois de 2021 font quasiment autant que toute l'année 2020 (5 milliards d'euros), ce qui signifie que le record de fin d'année sera lui aussi sans aucun doute largement battu d'ici à fin décembre, signe de la vitalité de la French Tech, de la maturité de l'écosystème du capital-risque français, et de son attrait auprès des investisseurs étrangers.

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Explosion des tours de table supérieurs à 50 millions d'euros

A cause de la crise de la Covid-19, 2020 a été une année anormale pour la French Tech. Certes, l'écosystème a bien résisté en réalisant une performance stable par rapport à 2019. Mais cette stagnation révélait surtout une absence notable de croissance, alors que c'était justement la marque de fabrique des années précédentes. Voyez plutôt : de 2015 à 2019, les montants levés par les startups françaises progressaient chaque année en moyenne de 40%, soit une croissance très soutenue, et 2020 a mis un net coup d'arrêt à cette dynamique, alors même que la crise a rendu les solutions technologiques encore plus nécessaires et attractives.

Bonne nouvelle : le premier semestre 2021 renoue avec l'euphorie de la période pré-Covid. Et de belle manière puisque cette fois, la croissance sur un an atteint 74%, soit largement plus que les 40% habituels. En valeur, les 4,73 milliards d'euros levés sont évidemment un record absolu sur un semestre. En volume, la progression est moins spectaculaire : 400 opérations en 2021 contre 321 au premier semestre 2020, soit une croissance de 24%. Mais elle marque tout de même encore un record, puisque c'est la première fois que la French Tech franchit la barre des 400 opérations sur un semestre.

L'explosion des montants levés traduit donc surtout des levées de fonds plus conséquentes. Le ticket moyen au premier semestre 2021 bondit à 14,6 millions d'euros, contre 8,5 millions un an plus tôt. Mais ce sont les levées de fonds de late-stage -les gros tours de table finançant la phase d'hyper-croissance- qui gonflent le total. Au premier semestre 2021, la French Tech comptabilise 9 méga-levées -les tours supérieurs à 100 millions d'euros- et 10 opérations entre 50 et 100 millions d'euros, soit 19 très gros tickets contre 14 l'an dernier.

Le segment des opérations entre 20 et 50 millions d'euros est également en nette progression sur un an : 32 tours de table au premier semestre 2021 contre moitié moins (15) au premier semestre 2020, marqué par le premier confinement. De manière générale, 2021 fait mieux que 2020 dans tous les autres segments (voir le graphique), mais de manière moins marquée que sur les plus gros tours de table.

Cela révèle la maturité de l'écosystème du capital-risque, l'afflux de liquidités pour financer les startups, grâce en partie aux plans de soutien du gouvernement et à l'effort mis sur le financement de l'hyper-croissance, et aussi l'attrait de la French Tech auprès des investisseurs étrangers, qui regardent le marché français avec de plus en plus d'appétit. Les fonds étrangers ont même mené 8 des 9 méga-levées du semestre, dont 5 par des Américains. Parmi ces méga-levées, seule Vestiaire Collective a choisi un investisseur principal français, en l'occurence le groupe de luxe Kering.

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Six nouvelles licornes en six mois

En six mois, l'écosystème a vu naître six nouvelles licornes : le site de vente de produits de luxe de seconde main Vestiaire Collective en mars (suite à une méga-levée de 178 millions d'euros), les assurtech Alan (en avril après un tour de table de 220 millions d'euros) et Shift Technology (en mai après une levée de 185 millions d'euros), le champion de l'électronique reconditionnée Back Market en mai (levée de 276 millions d'euros), le spécialiste de la sécurisation des cryptomonnaies Ledger en juin (levée de 312 millions d'euros) et enfin le trublion des télécoms professionnelles Aircall (levée de 101 millions d'euros fin juin). Au total, la France compte désormais 16 licornes, dont 40% sont atteint ce statut en 2021.

Les autres méga-levées sont à mettre au crédit de la déjà-licorne du marketing ContentSquare (408 millions d'euros en mai), de la proptech Edgar Suites (104 millions d'euros en mai) et de l'auto-école en ligne Ornikar (100 millions d'euros en avril).

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Le logiciel, les fintech et les medtech tirent leur épingle du jeu

Au niveau des secteurs, trois tirent leur épingle du jeu au premier semestre : le logiciel (83 opérations), les fintech (48 opérations) et la medtech/e-santé (42 opérations). Ils sont suivis par les deeptech et le e-commerce (22 opérations chacun), puis par la proptech et les services (21 opérations chacun).

Dans le détail, les solutions logicielles s'affirment comme une force française. Les martech (solutions pour le marketing) se taillent la part du lion avec 22 opérations, dont la plus grosse opération du semestre, ContentSquare (408 millions d'euros), mais aussi les 42 millions d'euros levés par ArturIn ou les 20 millions d'euros d'Ocus.

Les logiciels dédiés aux ressources humaines (22 opérations) ont également le vent en poupe, à l'image de la plateforme d'emploi des freelance Malt (80 millions d'euros) ou la plateforme CSE Happypal qui a levé 2 millions d'euros. Enfin, les investisseurs se sont aussi portés sur les outils de gestion de l'entreprise (14 levées) comme OnePilot ou Shippeo, cruciaux pour la transformation numérique.

Les autres sous-secteurs de la tech totalisent entre cinq et vingt opérations. Comme les proptech et les deeptech, le secteur des mobilités progresse bien en 2021 avec 19 opérations, dont deux méga-levées (l'auto-école en ligne Ornikar et BlaBlaCar) et une flopée d'opérations conséquentes (55 millions d'euros pour le spécialiste de la voiture autonome EasyMile, 50 millions pour le loueur de voitures Virtuo ou encore 26 millions d'euros pour le champion des technologies de mobilités Vulog).

Le semestre a également été marqué par le financement de 14 startups qui réinventent l'agriculture et l'alimentation, 12 dans l'énergie, 11 dans les foodtech et les biotech. En ces temps troublés par la crise sanitaire, cinq startups dans le domaine du tourisme ont réussi à trouver des financements, souvent en proposant des solutions de tourisme éthique et de proximité, à l'image de Fairmoove, qui a levé 3 millions d'euros en juin.

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Un deuxième trimestre exceptionnel qui place 17 levées dans le top 20 du semestre

Il y a clairement eu deux phases dans le premier semestre 2021 : un premier trimestre faiblard, en retrait par rapport à 2020. Puis un rattrapage spectaculaire au deuxième trimestre, qui a battu tous les records de la French Tech, notamment aux mois de mai et de juin, les premiers à dépasser la barre symbolique du milliard d'euros levés en un mois. Au total, les startups françaises ont levé au deuxième trimestre 3,45 milliards d'euros, contre 1,28 milliard d'euros au premier trimestre.

Qu'en déduire pour le deuxième semestre ? La prévision est incertaine car le montant global dépend fortement du nombre de très grosses levées de fonds. Au premier semestre par exemple, les 9 opérations de plus de 100 millions d'euros pèsent 1,85 milliard d'euros, et les dix opérations entre 50 et 100 millions d'euros cumulent 747 millions d'euros, ce qui signifie que les 19 plus grosses opérations du semestre (sur 400) totalisent à elles seules 2,6 milliards d'euros, soit 55% du montant global.

Toutefois, le premier semestre 2021 confirme que la French Tech a cassé le dernier verrou, celui du financement des très grosses levées de fonds, celles qui fabriquent les licornes et créent des leaders technologiques. C'était la principale faiblesse de l'écosystème français par rapport à ses voisins britannique et allemand. Le plafond de verre a explosé pour la première fois en 2020, et les vannes semblent désormais ouvertes.

Il n'y a donc aucune raison que le phénomène des méga-levées de fonds connaisse un coup d'arrêt au deuxième semestre. Etant donné que le deuxième semestre est souvent moins performant que le premier, si la dynamique se poursuit, il est permis d'anticiper une année 2021 entre 8 milliards et 9 milliards d'euros.

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Montants levés par mois, nombre d"opérations au premier semestre 2021 et variations sur un an (chiffres La Tribune) :

  • Janvier : 446,89 millions d'euros pour 60 opérations (-80% en valeur, -20% en volume sur un an)
  • Février : 282,89 millions d'euros pour 55 opérations (-35% en valeur, -2% en volume)
  • Mars : 554,35 millions d'euros pour 65 opérations (+206% en valeur, +62,5% en volume)
  • Avril : 905,18 millions d'euros pour 75 opérations (+155% en valeur, +103% en volume)
  • Mai : 1528,86 millions d'euros pour 69 opérations (+166% en valeur, +40% en volume)
  • Juin : 1013,08 millions d'euros pour 76 opérations (+138% en valeur, +13% en volume).

Le Top 20 du premier semestre 2021 :

  • 1. ContentSquare - 408 millions d'euros - logiciel/marketing (mai)
  • 2. Ledger - 312,4 millions d'euros - cybersécurité (juin)
  • 3. Back Market - 276 millions d'euros - e-commerce/greentech (mai)
  • 4. Alan - 185 millions d'euros - assurtech (avril)
  • 5. Shift Technology - 183,2 millions d'euros - assurtech (mai)
  • 6. Vestiaire Collective - 178 millions d'euros - e-commerce (mars)
  • 7. Edgar Suites - 104 millions d'euros - proptech (mai)
  • 8. Aircall - 100,8 millions d'euros - télécoms (juin)
  • 9. Ornikar - 100 millions d'euros - mobilités (avril)
  • 10. BlaBlaCar - 97 millions d'euros - mobilités (avril)
  • 11. Payfit - 90 millions d'euros - fintech (mars)
  • 12. AnkorStore - 84 millions d'euros - e-commerce (mai)
  • 13. Agicap - 81,9 millions d'euros - fintech (mai)
  • 14. Malt - 80 millions d'euros - logiciel/RH (juin)
  • 15. Mnemo Therapeutics - 75 millions d'euros - biotech (juin)
  • 16. Ultra Premium Direct - 68 millions d'euros - foodtech (avril)
  • 17. OpenClassrooms - 66 millions d'euros - edtech (avril)
  • 18. EasyMile - 55 millions d'euros - mobilités (avril)
  • 19. Virtuo - 50 millions d'euros - mobilités (mai)
  • 20. Alma - 49 millions d'euros - fintech (janvier)

(Graphiques réalisés par Julia Blancheton)

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Sylvain Rolland

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Commentaires 4
à écrit le 02/07/2021 à 17:50
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Quel charabia ,je n'ai rien capté, à part que comme danette tout le monde se lève ! J'espère que cela va rapporter à l'économie réel ? Pas comme la bulle internet à une certaine époque ! On lit beaucoup de choses sur les licornes ,les chimères ,le p...

à écrit le 02/07/2021 à 10:07
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Un scandale d'avoir gaspillé autant d'argent public dans la Fake Tech (cf. Qwant, le site web de fishing pour Bing) tout cela pour enrichir les coquins de la république... qui ne marche pas (ou plutôt roule le contribuable dans la farine).

à écrit le 01/07/2021 à 9:47
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Les usa demandent l’arrêt de la taxe GAFA à l’Europe. L’Europe va arrêter ce projet pour permettre l’exportation des capitaux et investissements numériques.

à écrit le 01/07/2021 à 9:03
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Une économie qui s’exporte pour augmenter les quote parts . Qu’en pensent les exclus de cette économie stratégique mis en place par les élites de France depuis plus de 40 ans ? Comment rééquilibrer l’économie dans une France fracturée en deux ? ...

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