Le lancement chaotique de X, symbole des ambitions illusoires d'Elon Musk pour Twitter

Ce lundi, Twitter est devenu X, dans un chaos symptomatique de l'ère Musk. Avec ce changement d'identité, l'entreprise compte mettre le réseau social sur les rails d'une transformation en app à tout faire, à l'instar de WeChat en Chine. Problème : depuis la prise de pouvoir d'Elon Musk en novembre 2022, Twitter se dégrade à vue d'œil. De quoi s'interroger sur la crédibilité des ambitions d'Elon Musk.
François Manens
Le logo X, affiché sur le bâtiment de Twitter.
Le logo X, affiché sur le bâtiment de Twitter. (Crédits : DR)

Adieu, petit oiseau bleu. Dans la nuit de dimanche à lundi, Elon Musk a changé l'identité graphique de Twitter, 17 ans après sa création. Cette décision acte le début de l'effacement d'une marque forte, qui avait imposé dans le langage courant tout un chant lexical autour de l'oiseau [le tweet se traduit par gazouillement en anglais, ndlr] : tweet, tweeter, retweet...

Pour remplacer le logo iconique, le milliardaire a choisi la marque X, une lettre au centre de ses obsessions depuis sa première aventure entrepreneuriale avec la banque en ligne x.com, devenue PayPal en 2000. Dès la signature du rachat à 43 milliards de dollars, Twitter semblait destiné à devenir X. Le changement de nom devait marquer un virage ambitieux de l'entreprise pour devenir une « everything app », une app tout-en-un, à tout faire, universelle, qui s'appuierait sur le réseau social comme socle à l'instar de WeChat en Chine. Le problème ?  9 mois après le rachat, ce socle tangue plus que jamais. De quoi s'interroger sur la décision de changer l'identité de Twitter dès maintenant, qui plus est dans une confusion symptomatique de l'ère Musk.

Un logo officiel, mais temporaire

Comme la plupart des décisions d'Elon Musk à la tête de Twitter, le changement d'identité s'est fait brutalement. Si l'entreprise a engagé depuis des semaines les démarches administratives pour le changement de nom, sa mise en œuvre a été chaotique. Elon Musk a commencé par écrire plusieurs tweets pour y faire allusion. Puis Linda Yaccarino, la dirigeante du réseau social depuis mai, a officialisé la décision à son tour.

En dehors de ces déclarations, tout s'est déroulé dans la désorganisation la plus totale. Pour commencer, X s'est lancé avec un logo... temporaire. Le milliardaire a même écrit sur son profil dans la soirée de dimanche que « si un logo suffisamment bon de X était publié ce soir, il sera déployé à l'échelle mondiale demain ». Dans la foulée, il a récupéré le logo d'une série de podcast annulée, sur la suggestion d'un de ses créateurs. Mais il s'avère que ce logo n'est que la lettre X dans une police d'écriture commune, ce qui empêche tout dépôt de marque. Cette situation hasardeuse n'a pas empêché l'entreprise de remplacer le petit oiseau par le logo temporaire sur la version desktop [sur ordinateur, ndlr] de son site dès le lundi après-midi. Un avant-goût de la suite : « Bientôt nous dirons adieu à la marque Twitter, et progressivement, à tous les oiseaux », prévient Elon Musk.

X, comme les sites pornographiques

Mais l'histoire du logo « par interim » n'est qu'un aperçu du fiasco du lancement. Lorsque les deux dirigeants ont annoncé en grande pompes que x.com redirigeait désormais vers Twitter, ce n'était pas encore le cas. Et pour cause : les serveurs DNS -les machines chargées de diriger les navigateurs des internautes vers la bonne destination - n'avaient pas encore pris le changement en compte. Résultat : x.com renvoyait vers une page de vente de nom de domaine. En parallèle, lorsque l'entreprise s'est renommée en X sur son propre réseau social, elle a été contrainte de garder le nom de compte @Twitter car... @x est déjà pris. Autrement dit, elle n'a pas pris de précaution élémentaire avant d'acter le changement.

La cerise sur le gâteau ? Bon nombre d'entreprises bannissent par défaut les sites en « x » de leur réseau, à cause de l'association de la lettre au monde de la pornographie, ce qui devrait causer son lot de problèmes à l'entreprise. Par ailleurs, elle n'aurait pas déposé les noms de domaine annexe au sien, à l'instar de « xx.com », comme le convient la bonne pratique. Quant à xxx.com... il s'agit d'un site pornographique.

X, une « everything app » cantonnée à un réseau social défectueux

Malgré ce lancement chaotique, Linda Yaccarino s'est fendue d'un discours ambitieux : « est le futur domaine de l'interactivité illimitée -centrée sur l'audio, la vidéo, la messagerie, les paiements et la banque- créant un marché mondial pour les idées, les biens, les services et les opportunités. Il n'y a absolument aucune limite à cette transformation. X sera la plateforme qui pourra fournir... tout  ». Cette vision, déjà évoquée par Elon Musk, semble pourtant très lointaine. 

La saignée des effectifs - réduction de 80% du nombre d'employés en deux mois, licenciements répétés de différents responsables -, se voit. Certes, l'entreprise travaille sur des nouvelles fonctionnalités, comme la possibilité de publier des articles entiers, mais elle ne parvient pas à maintenir convenablement le fonctionnement de son réseau social, qui rencontre un nombre record de bugs et de pannes. Côté finances, Twitter se taille une réputation de mauvais payeur, avec des retards de plusieurs mois auprès du bailleur de ses locaux californiens, et auprès de son pourvoyeur d'infrastructure informatique, Google Cloud.

Pour l'instant, X ne fait que se transformer de plus en plus en réseau social à deux vitesses. Avec d'un côté les comptes certifiés, une population composée de célébrités, de personnalités publiques et d'utilisateurs lambda qui paient un abonnement mensuel à 9,60 euros par mois. Et de l'autre, l'écrasante majorité des plus de 350 millions d'utilisateurs mensuels du réseau social. Si la certification offre certains avantages, elle permet surtout d'éviter la dégradation du service. En effet, sous couvert de lutte contre les spams, Twitter limite le nombre de publications affichées quotidiennement, ainsi que le nombre de messages envoyés pour les comptes non-certifiés.

Le résultat de cette stratégie ? La valeur de Twitter fond comme neige au soleil, à l'instar de ses revenus publicitaires. Avec peu d'employés et sans capacité d'investissement, l'image de génie parfois attachée à Elon Musk suffira-t-elle à faire croire au projet X comme app à tout faire ?

Lire aussixAI, la réponse sous-dimensionnée d'Elon Musk à OpenAI

François Manens

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Commentaires 5
à écrit le 25/07/2023 à 8:29
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Derrière Musk se cache la finance américaine, massivement soutenu par celle-ci tandis que Twitter était également massivement soutenu par elle aussi car a perdu des milliards pendant au moins dix ans, que les deux se retrouvent de la sorte ne doit pa...

à écrit le 25/07/2023 à 3:14
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ambitions illusoires? inventer sa propre banque était illusoire et paypal est né, construire sa propre marque de voiture était illusoire tesla est arrivé, construire des fusée pour aller dans l'espace était illusoire mais spacex est la.

le 25/07/2023 à 13:51
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On a les idoles qu'on mérite... Pour Space X (au passage merci la NASA...), n'hésitez pas: soyez volontaire pour aller sur Mars..., et bon voyage... Juste une précision: Musk, lui, n'en sera pas !

le 25/07/2023 à 14:07
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Vous exagérez grandement, Musk n'a pas inventé PaylPal ou Tesla. Et il n'est pas le premier a construire des fusées pour aller dans l'espace. même dans le secteur privé.

à écrit le 24/07/2023 à 23:46
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Musk s’amuse avec le joujou des élites urbaines et branchées, qui s’offusquent qu’on les prive de leur moyen d’exprimer des opinions simplistes en 140 caractères. Petites élites psychorigides et réfractaires au changement ! Go Elon Musk !

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