Pourquoi Threads de Mark Zuckerberg est une vraie menace pour le Twitter d'Elon Musk

Concurrent frontal de Twitter, Threads se démarque par son interopérabilité avec d'autres services, notamment Instagram qui va lui servir de puissante rampe de lancement. Dans le viseur de Mark Zuckerberg : les utilisateurs déçus de Twitter depuis sa reprise par Elon Musk, mais aussi les nombreux annonceurs qui ont fui la plateforme, dans ce qui apparaît comme une réponse presque idéologique à Elon Musk.
Sylvain Rolland
Mark Zuckerberg, le patron de Meta.
Mark Zuckerberg, le patron de Meta. (Crédits : Reuters)

On ne sait toujours pas quand Elon Musk et Mark Zuckerberg se combattront à mains nues dans une arène comme ils se le sont promis, mais le patron de Meta (Facebook, Instagram) a décidé de frapper le premier en lançant Threads, un nouveau réseau social, concurrent frontal de Twitter. À la surprise générale, quelques mois à peine après avoir annoncé que ses équipes travaillaient à créer ce « Twitter qui fonctionne » (en référence aux multiples bugs et pannes depuis que l'oiseau bleu est passé sous la direction d'Elon Musk fin 2022), la nouvelle application du groupe Meta sera disponible pour le grand public dans les prochains jours.

Lire aussiElon Musk et Mark Zuckerberg se provoquent en duel : derrière le coup de com', une vraie rivalité

Association fatale avec Instagram

En nommant son nouveau réseau social « Threads », ou « fil » en français, Mark Zuckerberg ne cache pas son ambition de mettre Twitter à terre. Car aucun autre mot ne symbolise plus Twitter que les threads, ces suites de messages qui ont contribué à la renommée du service.

Pour conquérir rapidement des utilisateurs, Meta associe donc Threads à son réseau social fétiche, Instagram (près de 2,5 milliards d'utilisateurs actifs par mois) en jouant sur la complémentarité. Threads est ainsi présenté comme « une appli Instagram » et non pas du groupe Meta ou de Facebook, devenu ringard pour les nouvelles générations. Surtout, Meta reprend pour Threads la notion de communauté au cœur d'Instagram.

L'appli est ainsi décrite comme « le lieu où les communautés se rassemblent pour discuter de tout, qu'il s'agisse des sujets qui vous intéressent ou des tendances de demain », précise la description de l'application sur les magasins d'applications. Elle doit permettre de « vous connecter directement avec vos créateurs favoris et ceux qui aiment la même chose ou pour construire votre propre base afin de partager vos idées, opinions et créativité avec le monde entier ».

Contrairement aux multiples clones de Twitter qui ont émergé ces derniers mois pour tenter de surfer sur le rejet provoqué par Elon Musk, l'initiative de Meta s'impose d'emblée comme une menace sérieuse. Car les réseaux sociaux obéissent à ce qu'on appelle l'« effet de réseau », qui est une barrière à l'entrée redoutable, quasi-infranchissable pour la plupart des nouvelles applis. Le défi pour réussir à percer est d'attirer en masse des nouveaux utilisateurs pour créer un engouement sur la durée, comme l'ont fait TikTok ou Snapchat grâce à des usages innovants. En affiliant Threads à Instagram, Meta va clairement utiliser la puissance d'Instagram pour faire connaître son nouveau réseau et encourager ses utilisateurs à s'y inscrire, ce qui pourrait être un avantage non négligeable pour garantir une utilisation importante dès le début. Il restera ensuite à Threads de convaincre sur ses propres mérites pour perdurer.

Lire aussiPourquoi Elon Musk pénalise Twitter en limitant son utilisation

Une alternative interopérable et stable à Twitter pour les utilisateurs et les annonceurs

S'il ne fait aucun doute que Threads a pour but de récupérer des utilisateurs de Twitter en proposant un concept similaire, les équipes de Mark Zuckerberg ont également travaillé à proposer des éléments de différenciation pour capitaliser sur les faiblesses de Twitter.

Ainsi, selon le site Platformer, l'application serait pensée afin d'être interopérable avec les autres réseaux du même type, ce qui serait une rupture majeure avec la stratégie jusqu'ici employée par les géants de la tech, qui ont toujours préféré les environnements fermés avec leurs propres règles d'utilisation. Elon Musk lui-même ambitionne de faire de Twitter l'épicentre d'une app universelle qui fonctionnerait également dans un écosystème fermé. En décembre dernier, le milliardaire avait même brièvement bloqué les comptes de certains utilisateurs qui partageaient des liens vers d'autres réseaux sociaux, dont Facebook, Instagram ou encore Mastodon.

Threads pourrait ainsi récupérer les utilisateurs qui ne supportent pas la personnalité très clivante et droitière d'Elon Musk, comme ceux qui sont juste fatigués des bugs et pannes à répétition liés à la boucherie sociale pratiquée par Musk dès son arrivée (il a renvoyé 80% des employés).

Mark Zuckerberg vise également les nombreux annonceurs qui ont été déserté le réseau social, soit la moitié des grands comptes, d'après Twitter. Parmi eux, beaucoup ont été effrayés par la suppression d'une grande partie de la modération des contenus, par l'instabilité technique du site, par l'affirmation des opinions politiques d'Elon Musk, et par l'augmentation importante des fake news, du racisme et du harcèlement en ligne depuis fin 2022.

Une contre-offensive politique ?

Du coup, difficile de voir uniquement dans le lancement de Threads une simple opportunité économique et stratégique pour Meta, un groupe qui cherche cruellement de nouveaux relais de croissance.

L'offensive de Mark Zuckerberg peut aussi se lire comme une réponse politique et idéologique aux changements de Twitter sous Elon Musk. Après avoir juré sa neutralité, Elon Musk a tombé le masque depuis qu'il a racheté Twitter et s'affiche sans retenue du côté de la frange la plus conservatrice du parti Républicain. De son côté, Mark Zuckerberg a toujours financé à la fois le parti démocrate et le parti républicain -dans la lignée des autres milliardaires de la tech- mais est réputé plus proche des « libéraux » du parti démocrate. Etant donné qu'Elon Musk a fait de Twitter un instrument assumé de la « guerre culturelle » qui se joue aux Etats-Unis entre deux camps politiques presque irréconciliables, Threads peut être perçu, à bien des égards, comme la réponse de Mark Zuckerberg à son ennemi Elon Musk, avec lequel il partage une rivalité ancienne et profonde à tous les niveaux.

Lire aussiMeta (Facebook) : après le flop du métavers, Mark Zuckerberg est-il toujours l'homme de la situation ?

Sylvain Rolland

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 04/07/2023 à 19:58
Signaler
Quid du problème de la censure qui a été mise en place par tous les réseaux sociaux et qui a pris fin pour twitter suite à son rachat par E. Musk. Threads risque d'appliquer la même politique que Facebook/Méta en termes de contrôle de la liberté d'ex...

à écrit le 04/07/2023 à 19:08
Signaler
Il a déjà pris 7ne claque avec son metavers, il veut recommencer ? Twitter est le réseau parfait des haineux de gauche dans la tolérance bienveillante, alors vu comme fb te bloque ton compte à la moindre remarque, son sort est plié

à écrit le 04/07/2023 à 19:00
Signaler
Reste à savoir si les utilisateurs seront séduits par « Threads » qui a un bien vilain nom.

le 05/07/2023 à 6:30
Signaler
@Jy2m. Un fil n'a rien de pejoratif.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.