Elon Musk et Mark Zuckerberg se provoquent en duel : derrière le coup de com', une vraie rivalité

Les deux patrons les plus controversés de la tech ont convenu de s'affronter physiquement, dans une cage, à Las Vegas, à la manière des combats d'arts martiaux. Derrière le coup de com', cette joute illustre la forte inimitié entre Elon Musk et Mark Zuckerberg, et surtout leur rivalité économique à l'heure où Meta, comme Twitter, tous deux sur le déclin, font face à des menaces existentielles. Décryptage.
Sylvain Rolland
Âgé de 39 ans, le célèbre fondateur de Facebook pratique lui-même le ju-jitsu et ne craindrait pas d'affronter le patron de 52 ans de Tesla, SpaceX et Twitter.
Âgé de 39 ans, le célèbre fondateur de Facebook pratique lui-même le ju-jitsu et ne craindrait pas d'affronter le patron de 52 ans de Tesla, SpaceX et Twitter. (Crédits : Reuters)

« Je suis prêt pour un combat en cage lol », lance Elon Musk, le 21 juin sur Twitter. « Envoie-moi le lieu », rétorque Mark Zuckerberg le lendemain sur Instagram, tel un caïd de cour de récréation. « A l'Octogone [salle de combat de l'organisation d'arts martiaux mixtes Ultimate Fighting Championship, ndlr] de Las Vegas », tranche Musk dans un tweet. Et voilà comment, par réseaux sociaux interposés - Musk et Zuckerberg n'utilisent jamais les services de l'autre -, deux des patrons les plus riches et puissants au monde ont décidé de s'affronter, à une date encore indéterminée, dans un combat à mains nues dans une cage.

Ce n'était pas une blague ou une erreur : Elon Musk pilote lui-même son compte Twitter et y déverse tous les jours un flot ininterrompu de provocations. De son côté, Meta a confirmé l'authenticité du message de Mark Zuckerberg, ainsi que le sérieux du propos. Âgé de 39 ans, le célèbre fondateur de Facebook pratique lui-même le ju-jitsu et ne craindrait pas d'affronter le patron de 52 ans de Tesla, SpaceX et Twitter. Enfin, Dana White, la présidente de l'UFC, a déclaré que « les deux hommes sont totalement sérieux » pour cet affrontement, et qu'elle se tient prête pour l'organiser.

Un coup de com' qui profite surtout à Mark Zuckerberg

Le combat promis se tiendra-t-il vraiment ? Il est sérieusement permis d'en douter tant Elon Musk a l'habitude d'oublier ses promesses, à commencer par celle de lâcher les rênes de Twitter ou de respecter les obligations de modération des contenus. De plus, un combat à mains nues entre deux milliardaires amateurs en train d'haleter et de transpirer à grosses gouttes sur un ring - même si Zuckerberg revendique une certaine technique - serait sûrement très gênant à regarder et dévastateur pour l'image de chacun. Et surtout, pour celle du perdant, qui serait probablement Elon Musk d'après les paris et les analyses des experts, en raison de son âge, de sa condition physique et de son inexpérience des sports de combat.

D'ailleurs, peu importe si l'affrontement se tient ou pas, car c'est d'image qu'il s'agit. A l'heure de la guerre de l'attention menée par les réseaux sociaux - leur modèle économique repose sur l'engagement des utilisateurs -, les deux entrepreneurs les plus controversés de la tech ont réussi un énième coup de com'. Avec un double bénéfice : améliorer leur image auprès du grand public et détourner l'attention des nombreux autres sujets délicats les concernant dans l'actualité.

Cette mise en scène permet ainsi à Elon Musk de mobiliser à nouveau ses hordes de fans à travers le monde. Ce défi insolite le rend par ailleurs plus sympathique, d'autant plus qu'il invoque la culture du risque et de l'audace historiquement associée à Musk, ainsi que la virilité d'un affrontement à l'ancienne entre deux rois soutenus par leur peuple. Or, l'image d'Elon Musk s'assombrit depuis qu'il a licencié brutalement plus de 8.000 personnes chez Twitter et qu'il se sert de son influence pour afficher sans retenue son agenda politique ultra-conservateur. Sa réputation s'est nettement dégradée auprès des adultes américains, au point d'entacher sérieusement l'image de sa poule aux œufs d'or, Tesla, et d'entraîner le courroux du Congrès américain et de l'Union européenne suite à l'explosion de la désinformation et du harcèlement sur Twitter.

De son côté, Mark Zuckerberg semble avoir saisi une occasion en or d'améliorer son image désastreuse à peu de frais. Contrairement à Elon Musk, Zuckerberg ne dispose pas d'une fanbase bruyante et toute dévouée à sa cause. En cause, sa personnalité plus discrète et son image froide, associée au business controversé des données personnelles et à des scandales majeurs comme Cambridge Analytica (manipulation à grande échelle de Facebook en 2016 pour servir les intérêts de Donald Trump puis des partisans du Brexit) ou encore les Facebook Files (qui révèlent l'ampleur de la désinformation et du harcèlement sur Facebook et Instagram). Meta est régulièrement attaqué par les régulateurs, condamné pour ses pratiques abusives dans la publicité, et a récemment menacé de quitter l'Europe, puis le Canada en cas de législation défavorable. La proposition d'Elon Musk permet donc à « Zuck » de faire diversion de l'actualité chargée de Meta, du flop de son métavers, et de présenter au grand public une facette plus « fun », humaine et accessible, de sa personnalité.

Lire aussiMeta (Facebook) : après le flop du métavers, Mark Zuckerberg est-il toujours l'homme de la situation ?

Une vraie rivalité économique

Cette joute verbale révèle surtout la rivalité réelle et ancienne entre Mark Zuckerberg et Elon Musk. Au-delà de leurs personnalités publiques radicalement opposées - la discrétion et la froideur pour Zuckerberg, l'exubérance et l'outrance pour Musk -, les deux hommes s'affrontent depuis des années sur leurs conceptions opposées du monde, de la politique à l'intelligence artificielle. Leur première dispute publique remonte ainsi à 2017. Mark Zuckerberg avait qualifié d'« assez irresponsables » ceux qui considèrent l'IA comme une menace pour l'humanité et invoquent un futur apocalyptique. Visé par l'attaque, Elon Musk avait alors répondu : « J'ai parlé à Mark. Sa compréhension du sujet est assez limitée ». Ambiance...

Surtout, chacun rêve de détruire l'autre. Avec son projet lointain baptisé « X » d'application universelle qui réunirait sur la même plateforme un réseau social aux fonctionnalités étendues à la vidéo, à l'image, à la messagerie instantanée et à des services tels que les achats en ligne ou des abonnements numériques à des médias, Elon Musk ambitionne de créer une « super app », sur le modèle du chinois WeChat. Celle-ci ringardiserait à terme l'empire Meta en devenant la porte d'entrée de la sociabilité sur Internet.

De son côté, dès les premiers déboires de Twitter sous Elon Musk, Mark Zuckerberg a fait le pari de son déclin. Il a lancé chez Meta le projet de construire un nouveau Twitter, c'est-à-dire un réseau social basé sur le texte, à la différence près qu'il sera décentralisé. Selon le site Platformer, cette future appli serait accessible grâce aux identifiants Instagram et interopérable avec les autres réseaux du même type, tels que Mastodon. Dans un tacle direct à Elon Musk, Mark Zuckerberg a déclaré que cette future appli sera « dirigée de manière saine ». Ce qui a engendré ce commentaire lapidaire du patron de l'oiseau bleu : « Je suis sûr que la Terre s'impatiente d'être exclusivement sous la coupe de Zuckerberg, avec aucune autre option ».

La bataille des futurs seconds couteaux des réseaux sociaux ?

Pour l'instant, Meta est largement devant Twitter : sa valorisation boursière est de 738 milliards de dollars au 26 juin 2023, alors que Twitter valait 44 milliards de dollars lors de son rachat par Musk - et au moins moitié moins aujourd'hui. Près de 3 milliards de personnes dans le monde utilisent Facebook tous les mois, quand Twitter plafonne à 368 millions. En revanche, Elon Musk jouit d'une stature entrepreneuriale bien plus importante grâce à ses succès passés, notamment Tesla et SpaceX. Il est aujourd'hui l'homme le plus riche du monde selon Bloomberg, avec une fortune estimée à 230 milliards de dollars, loin devant le numéro 2 Bernard Arnault (193 milliards) et très largement devant Mark Zuckerberg, à la dixième place avec 105 milliards de dollars.

La rivalité des réseaux sociaux est donc aussi une bataille d'ego entre deux entrepreneurs-stars qui ne s'apprécient pas. Et qui savent également que l'évolution du paysage des réseaux sociaux ne leur est pas favorable. Car l'empire de Mark Zuckerberg est en train de vaciller : Meta a de plus en plus de mal à maintenir son chiffre d'affaires à mesure que le business publicitaire devient plus difficile et plus régulé, et que les nouvelles générations désertent Facebook et délaissent Instagram au profit de TikTok, YouTube et Snapchat. De son côté, Elon Musk a fait fuir en masse les annonceurs historiques de Twitter, ce qui a divisé son chiffre d'affaires par deux, et la transformation de son modèle économique vers l'abonnement s'est révélée un échec. Il faudra bien plus qu'un combat de coqs pour régler les problèmes profonds des deux entrepreneurs.

Sylvain Rolland

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Commentaires 7
à écrit le 28/06/2023 à 9:20
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Pitoyable.

à écrit le 28/06/2023 à 0:20
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Article à charge contre Elon Musk. Toutes les excuses -même les boutades -sont bonnes pour critiquer ceux qui devient de la bienpensance journalistique de gôche.

à écrit le 27/06/2023 à 18:50
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En fait, ils ont l'intention de vendre 1 millions de dollars par cm de barreau de la cage. Et ils trouveront des gens pour en acheter. Surtout quand on paye 250 000 dollars pour avoir le droit d'aller mourir près du TITANIC..

à écrit le 27/06/2023 à 7:22
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"Acquérir de la puissance cela se paie cher, la puissance abêtit" Nietzsche

à écrit le 26/06/2023 à 22:39
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Ils en sont encore là ? Une question de q…… pathétique, je sais pourquoi je ne suis sur aucun de leur réseaux sociaux …

à écrit le 26/06/2023 à 17:14
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zukerberg est taillé dans un coton tige

à écrit le 26/06/2023 à 17:02
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Quel niveau pour des gens qui veulent révolutionner la planète!. Une claque dur leur nez peut être?

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