La Silicon Valley, pas si cool à l’égard des femmes et des minorités

Afro-Américains et Latinos sont sous-représentés dans l’industrie des nouvelles technologies. Et la parité est loin d’être généralisée. Mais les initiatives se multiplient pour changer les choses.
Le 1er novembre 2018, au siège de l'entreprise de Mountain View, en Californie, les employé.e.s de Google organisent un débrayage des femmes au pied de leur bureau (le Googleplex) pour protester contre le traitement de faveur réservé par la société à Andy Rubin, chef d'Android, qui a été licencié sur des accusations de harcèlement sexuel mais a reçu une très importante indemnité de départ, mais aussi contre les autres cas d'inconduite sexuelle d'autres cadres supérieurs de l'entreprise.
Le 1er novembre 2018, au siège de l'entreprise de Mountain View, en Californie, les employé.e.s de Google organisent un "débrayage des femmes" au pied de leur bureau (le Googleplex) pour protester contre le traitement de faveur réservé par la société à Andy Rubin, chef d'Android, qui a été licencié sur des accusations de harcèlement sexuel mais a reçu une très importante indemnité de départ, mais aussi contre les autres cas d'inconduite sexuelle d'autres cadres supérieurs de l'entreprise. (Crédits : Reuters)

La région de la Baie de San Francisco affiche une insolente bonne santé économique. Au cours du premier semestre 2019, 67 500 emplois y ont été créés, portant le nombre total de postes occupés à 4,1 millions, un record historique. Cette prospérité est notamment imputable à la forte croissance de l'industrie des nouvelles technologies, dont la taille a crû de 57 % au cours des dix dernières années. Elle emploie aujourd'hui 836 .000 personnes.

Mais cette opulence masque une économie à deux vitesses. La Californie est l'un des États américains les plus inégalitaires en matière de revenus, et la région de la Baie y est pour beaucoup. Les rues de San Francisco sont tristement célèbres pour les tentes de SDF qui côtoient les maisons cossues. Un tiers des résidents de la région de la Baie, soit près de 2 millions de personnes, souffre de difficultés financières. La ville de San Francisco, qui concentre davantage de milliardaires en proportion du nombre d'habitants que n'importe quelle autre ville américaine, compte également 10 .000 sans-abri.

Tous codeurs... ou presque

Différentes initiatives visent à mieux partager les fruits de la prospérité en assurant une formation adéquate à tous. Google a mis en place le Google Code Corps Program, qui enseigne les rudiments du code informatique dans des écoles défavorisées de la région. Apple équipe, quant à lui, les salles de classe des écoles les plus pauvres en iPad et ordinateurs portables.

Tout le monde n'ayant pas vocation à devenir codeur, d'autres formations visent les métiers manuels pourvoyeurs d'emplois. Le Green Energy Training Services Core Apprenticeship Readiness Programs (Gets) forme ainsi des individus à faibles revenus aux métiers de la construction, industrie qui, grâce au dynamisme économique local, connaît un déficit de main-d'œuvre. Près de 800 personnes ont été formées depuis le début du programme, dont 50 % de femmes et un tiers de membres des communautés afro-américaine et latino.

Car si la région de la Baie est un bastion démocrate, de fortes inégalités subsistent entre les communautés. Près de la moitié des Latinos et Afro-Américains résidant à San Francisco sont pauvres.

Les personnes de couleur demeurent sous-représentées dans l'industrie des nouvelles technologies, malgré une prise de conscience de la part des acteurs économiques.

« La plupart des entreprises publient désormais des rapports annuels sur la diversité qui montrent une amélioration, mais on constate  des carences, notamment aux postes à responsabilité », affirme Carolina Milanesi, analyste chez Creative Strategies, cabinet d'intelligence de marché basé dans la Silicon Valley.

Les femmes continuent, elles aussi, de se heurter au plafond de verre. Un cinquième des investissements réalisés par les fonds en capital-risque vont à des entreprises qui comptent au moins une femme au sein de leur conseil d'administration, et à peine 2,5 % de ces fonds financent des jeunes pousses créées exclusivement par des femmes.

Sexisme et manque de liberté d'expression

À cela s'ajoutent de nombreux scandales de harcèlement sexuel répertoriés au sein de la Silicon Valley. Le 1er novembre 2018, quelque 20. 000 employés de Google ont battu le pavé pour protester contre des mesures jugées insuffisantes face aux cas de harcèlement survenus dans l'entreprise.

Tout le monde ne s'accorde pas sur les solutions à adopter. À l'été 2017, James Damore, un jeune ingénieur de Google, a critiqué la politique de discrimination positive adoptée par son entreprise. Ses déclarations ont provoqué un tollé, et James Damore a finalement été licencié. L'affaire en a mécontenté beaucoup, certains y voyant la preuve d'un sexisme latent au sein de l'entreprise, d'autres un manque de liberté d'expression. En août dernier, afin d'éviter de nouvelles affaires de ce genre, Google a ordonné à ses employés de ne plus se lancer dans des discussions politiques au travail.

En dépit des controverses, des mesures sont adoptées pour rendre l'économie numérique plus accessible aux minorités. Lancé il y a trois ans, le Bay Area Young Men of Color Employment Partnership (Bayep) met en contact des jeunes issus des minorités avec des entreprises qui recrutent dans la région et propose des formations dans les domaines d'activité les plus porteurs.

Les postes de chief diversity officer font florès au sein des géants technologiques, particulièrement chez Apple, dont le CEO, Tim Cook, veut en faire un champion de la diversité. Des programmes ont été mis en place pour embaucher davantage de personnes de couleur, et Apple est partenaire de plusieurs projets visant à intégrer plus de femmes dans l'industrie.

« Nommer une personne responsable de la diversité est un bon départ, mais cela ne peut résoudre tous les problèmes, nuance Carolina Milanesi. La diversité doit être prise en compte au niveau de la gouvernance, car il s'agit d'un véritable atout économique et pas d'un bel idéal humaniste. »

___

ENCADRÉ

Facebook accusé de « culture raciste »

Facebook a présenté des excuses suite à des accusations de « culture raciste », en interne, par des employés issus des minorités qui estiment que le géant des réseaux sociaux « a un problème avec les collaborateurs qui ne sont pas blancs ».

« Personne chez Facebook, ou nulle part ailleurs, ne devrait avoir à supporter ce type de ­c­­omportement. Nous sommes désolés », a réagi Bertie Thomson, vice-présidente chargée de la communication interne. Douze employés « passés et actuels » de l'entreprise ont publié anonymement sur la plateforme Medium un article où ils disent être « Tristes. Énervés. Oppressés. Déprimés. »

Ils dénoncent une « culture hostile où tous ceux qui ne sont pas blancs se retrouvent à avoir peur de perdre leur emploi, ou peur pour leur sécurité s'ils font remonter les mauvais comportements. Ce sont les petites actions qui s'accumulent avec le temps et construisent une culture où nous ne sommes là que pour servir de quotas, jamais pour être reconnus ou acceptés », continuent-ils.

Ils publient aussi des captures d'écran de messages tirés de Blind, « l'appli qui permet aux employés de Facebook de poster des expériences anonymes ».

Sur ces photos, on peut lire des messages comme : « Ils [les Noirs] devraient se sentir privilégiés d'avoir été embauchés au nom de la diversité et d'avoir intégré l'entreprise après qu'elle ait abaissé son niveau d'exigence. » Ou encore : « Tous les tests de QI montrent que les Européens et les Asiatiques sont plus intelligents que les Noirs. »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 21/12/2019 à 18:12
Signaler
Toujours la même perversion intellectuelle, en quoi des "minorités", les femmes sont sous-représentées, quelle est la norme? quelle devrait être la norme? Ces entreprises hautement concurrentielles, se fichent de l'origine ethnique - il ya beaucou...

à écrit le 21/12/2019 à 12:49
Signaler
Les médias dominants qui passent leur temps à nous rabâcher leurs histoires d'antiracisme, d'égalité homme-femme ou d'homophobie, sont les mêmes qui mettent systématiquement les différences de race, de sexe etc. en avant, renforçant par la même la di...

à écrit le 20/12/2019 à 10:14
Signaler
Une minorité a vocation à rester ... une minorité. Trop de journalistes oublient cette lapalissade.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.