Pourquoi TF1 et M6 jettent l'éponge sur leur projet de fusion

Dans un communiqué commun, TF1 et M6 ont annoncé, ce vendredi à la fermeture des marchés, leur intention d’enterrer leur projet de mariage. Les deux géants de la télévision estiment que seule une cession de la chaîne TF1 ou de M6 aurait permis de décrocher le feu vert de l’Autorité de la concurrence. Inacceptable pour les dirigeants des deux cadors du petit écran.
Pierre Manière
« Il apparaît que seuls des remèdes structurels concernant a minima la cession de la chaîne TF1 ou de la chaîne M6 seraient de nature à permettre l’autorisation de l’opération », déplorent TF1 et M6 dans leur missive.
« Il apparaît que seuls des remèdes structurels concernant a minima la cession de la chaîne TF1 ou de la chaîne M6 seraient de nature à permettre l’autorisation de l’opération », déplorent TF1 et M6 dans leur missive. (Crédits : Reuters)

Ils jettent l'éponge. Dans un communiqué conjoint, TF1 et M6 ont mis un terme, ce vendredi à la fermeture des marchés, à leur projet de mariage. Cette décision intervient dans la foulée de l'audition des dirigeants des deux géants du petit écran par l'Autorité de la concurrence, les 5 et 6 septembre dernier. Ceux-ci estiment qu'il était tout bonnement impossible de décrocher l'indispensable feu vert de l'institution de la rue de l'Echelle. Sachant que celle-ci n'avait pas caché, au début de l'été, sa grande frilosité concernant cette opération visant à créer un champion français de la télévision. TF1 et M6 n'ont, d'ailleurs, même pas attendu le 17 octobre, date où l'autorité était censée rendre son avis définitif, pour mettre un point final au deal.

Aux yeux des deux leaders du petit écran, seule une cession de TF1, ou de M6, aurait permis d'avoir son aval. « Il apparaît que seuls des remèdes structurels concernant a minima la cession de la chaîne TF1 ou de la chaîne M6 seraient de nature à permettre l'autorisation de l'opération », écrivent-ils dans leur missive. Une perspective inacceptable pour les deux groupes, dans la mesure où elle vidait, selon eux, tout le projet de sa substance. « Les parties ont donc conclu que le projet ne présentait plus aucune logique industrielle », regrettent-ils.

Les remèdes de TF1 et M6 jugés insuffisants

Aux auditions du début du mois, TF1 et M6 n'étaient pourtant pas venus les mains vides. Conscients des réticences de l'Autorité de la concurrence, ils avaient présenté une batterie de remèdes pour diminuer l'influence du nouvel ensemble dans le paysage audiovisuel français. Ils ont notamment proposé que les régies des chaînes TF1 et de M6 soient séparées. D'autres engagements portaient sur les acquisitions et la circulation des contenus au sein du nouvel ensemble, ou encore sur la préservation des contrats de distribution des chaînes via les box des opérateurs télécoms, lesquels seraient prolongés d'un an.

Mais l'autorité a vraisemblablement tiqué sur un point crucial : le poids de TF1 et de M6 en matière de publicité à la télévision. Le nouvel ensemble aurait représenté environ 70% du marché. TF1 et M6 savaient que ce point posait problème. Mais ils arguaient que cette vision était archaïque, et qu'il fallait aujourd'hui adjoindre à ce marché celui de la publicité numérique, où les géants américains du Net règnent sans partage. Visiblement, TF1 et M6 ont conclu que l'autorité n'était pas du tout disposée, sur ce point crucial pour l'opération, à changer son logiciel.

TF1 et M6 disposaient pourtant d'une ultime cartouche. Ils auraient pu mettre à profit les semaines à venir pour tenter de convaincre le gouvernement de défendre leur deal. Rappelons que Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, dispose d'un « droit d'évocation » pour contester une éventuelle décision négative de l'institution de la rue de l'Echelle. Or jusqu'à présent, Bercy et l'exécutif se sont montrés largement favorables à cette union. En mars dernier, Bruno Le Maire l'a même qualifié de « légitime »...

Mais le gouvernement semblait, ces dernières semaines, peu désireux de s'opposer à l'Autorité de la concurrence. Pourquoi ? Le contexte politique, et le fait que Renaissance (ex-LREM) ait perdu sa majorité absolue à l'Assemblée nationale a-t-il joué ? L'exécutif redoutait-il d'être accusé par l'opposition de faire le jeu d'un milliardaire du CAC 40 comme Martin Bouygues ? Peut-être. Du côté de la Nupes, personne ne cache  son aversion pour ces richissimes industriels - comme Vincent Bolloré, Xavier Niel ou encore Patrick Drahi - qui ont consolidé leurs empires dans les médias ces dernières années...

La menace Netflix

Quoi qu'il en soit, TF1 et M6 ont du mal à dissimuler leur agacement vis-à-vis de l'Autorité de la concurrence. Celle-ci aurait, selon eux, dû prendre en compte « l'ampleur » et à « la vitesse » des « mutations du secteur de l'audiovisuel français ». TF1 et M6 estimaient que leur union était nécessaire pour mettre les bouchées doubles dans le streaming, et concurrencer « les plateformes internationales » comme Netflix, présentées comme leur principaux concurrents dans les années à venir. S'ils en sont vraiment persuadés, une question se pose désormais : TF1 et M6 vont-ils bientôt réduire drastiquement leur coûts pour dégager le cash dont ils ont besoin pour rivaliser avec les géants de la vidéo à la demande ? On peut, légitimement, s'interroger.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 17/09/2022 à 3:34
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Les dirigeants de TF1 et M6 ont été formés dans les années 80. Ils ont du mal à comprendre que les jeunes générations regardent de moins en moins la télévision. Perso ça fait 15 ans que je n'en ai plus. Ce qui compte aujourd'hui c'est la capacité à ...

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