Dans les coulisses d’IKD, première usine de Chine connectée en 5G

REPORTAGE - À Ningbo, au sud de Shanghai, l’équipementier automobile IKD a converti, dès 2019, son usine à la nouvelle génération de communication mobile. Le numérique lui permet de produire davantage avec moins d’ouvriers, mais aussi, et surtout, de mieux contrôler la qualité de ses produits.
Zhang Shuai, le directeur la transformation numérique d'IKD.
Zhang Shuai, le directeur la transformation numérique d'IKD. (Crédits : Pierre Manière)

Elle symbolise, à elle seule, l'énorme appétit de la Chine pour les nouvelles technologies. À Ningbo, au sud de Shanghai, l'usine d'IKD, un important équipementier automobile dont les pièces (de moteur, de frein, de boîtes de vitesse ou de rétroviseur...) sont présentes dans 70% des voitures dans le monde, a été la première de l'empire du Milieu à se convertir à la 5G. C'est sans surprise Huawei, le fleuron local des télécoms, qui a fourni les antennes. L'opérateur China Mobile, autre cador national, s'est occupé de la couverture mobile. Le déploiement du réseau a débuté au printemps 2019, et a été allumé en juillet 2020.

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Aux dires de Zhang Shuai, le directeur de la transformation numérique d'IKD, c'est sous l'impulsion de ses gros clients - et notamment Porsche et Volkswagen - que le groupe a décidé de foncer vers la 5G. « Ils souhaitaient des améliorations sur la traçabilité et le contrôle qualité des produits », explique le dirigeant. En cas de problème sur une pièce - ce qui n'est vraisemblablement pas rare -, IKD doit notamment pouvoir identifier la machine en cause, mais aussi les lots défectueux. Sur ce plan, la 5G a, d'après Zhang Shuai, permis d'améliorer significativement les choses. Chaque pièce est désormais marquée par un QR code, permettant de retracer toutes les étapes et les conditions de production.

Un ballet de bras robotisés géants

Au sein de l'usine, toutes les machines sont connectées via la 5G. Toutes sont équipées de capteurs - de mouvement, de pression ou encore de température. Leurs données sont soigneusement enregistrées. « Dès qu'un problème survient, la direction est immédiatement prévenue par SMS », souligne Zhang Shuai. Rien ne lui échappe. Un logiciel lui permet de superviser en quasi-temps réel tout ce qui se passe sur chaque atelier de production.

Dans les bâtisses dédiées à l'usinage et au moulage des pièces, un incessant ballet de bras robotisés géants façonne les produits, souvent en aluminium, à toute vitesse et dans un vacarme assourdissant. Eux aussi sont pilotés en 5G. Cette bascule technologique, couplée à l'automatisation de nombreuses tâches, a permis de diminuer sensiblement le nombre d'ouvriers. Certains ateliers sont désormais gérés par un seul employé, contre quatre ou cinq auparavant. Ce qui n'est pas, ici, une mauvaise chose : « La présence de fours fait que la température peut monter jusqu'à 40 ou 50 degrés, confie Zhang Shuai. Il est impossible d'installer la climatisation, car cela dégraderait la qualité des produits. Aujourd'hui, les jeunes ne veulent plus travailler dans cette unité. »

L'IA au cœur du contrôle qualité

La 5G, qui permet de se passer de câbles, facilite partout l'installation des machines. Ces opérations, courantes, sont désormais l'affaire de quelques heures. « Une fois la machine installée, nous n'avons qu'à y glisser une puce, affirme le directeur de la transformation numérique. Une après-midi, tout au plus, suffit pour boucler l'opération. » Les AGV, petits robots autonomes dédiés au transport de certains produits et matériaux, réduisent les déplacements des ouvriers. Beaucoup n'ont plus besoin de quitter leur table de travail. Le contrôle qualité, lui, est effectué via des caméras et des logiciels d'intelligence artificielle. À chaque atelier, un seul technicien supervise ce processus. « Il en fallait sept auparavant », insiste Zhang Shuai.

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La sécurité aussi bénéficie de cette débauche de technologie. Aucun recoin de l'usine n'échappe aux caméras. Celles-ci avertissent immédiatement, et automatiquement, les chefs d'unité si un ouvrier oublie, par exemple, de porter son casque de sécurité. D'après IKT, la productivité a sensiblement augmenté. Le temps nécessaire à la fabrication des pièces a, d'après la direction, presque été divisé par trois. La productivité moyenne des ouvriers, qui sont 1.100 à travailler sur le site, aurait pour sa part augmenté de 75%.

« Sans la 5G, tout s'arrête »

Le revers de la médaille est que, désormais, la connectivité de l'usine est aussi importante que son alimentation en électricité. « Sans la 5G, tout s'arrête », résume Zhang Shuai. Cette technologie a accouché de nouveaux ennuis. « Nous sommes de plus en plus préoccupés par les cyberattaques, qui sont quotidiennes », déclare le dirigeant. Mais pour l'heure, celui-ci affirme que cette menace est sous contrôle.

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Commentaire 1
à écrit le 25/09/2023 à 16:15
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Bientot plus de travail pour quelques centaines de millions de Chinois. A part les envoyer à la guerre, je ne vois pas comment les occuper autrement.

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