Suicides chez France Télécom : pas de prison ferme pour l'ex-PDG Didier Lombard

Condamné en première instance à quatre mois de prison ferme pour harcèlement moral institutionnel suite à la vague de suicides de 2008-2009 chez France Télécom, l'ex-PDG de France Télécom Didier Lombard a vu sa peine allégée vendredi par la Cour d'appel de Paris à un an de prison assorti en totalité du sursis.
L'ex-PDG de France Télécom Didier Lombard a vu sa peine allégée en appel.
L'ex-PDG de France Télécom Didier Lombard a vu sa peine allégée en appel. (Crédits : Reuters)

Les syndicats espéraient une confirmation des condamnations en appel en mémoire des salariés qui se sont suicidés. Il n'en n'est rien. Douze ans après les faits marqués par une vague de suicides de salariés du groupe France Télécom, et plus de deux ans après sa condamnation pour harcèlement moral, l'ex-PDG de France Télécom, Didier Lombard, voit sa peine allégée.

Après un second procès qui s'est tenu au printemps, et qui devait lever, une nouvelle fois, le voile sur ses responsabilités, la Cour d'appel de Paris a condamné vendredi l'ex-dirigeant à un an de prison assorti en totalité du sursis, contre quatre mois de prison ferme en première instance.

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Pas de prison ferme

En outre, Didier Lombard, aujourd'hui âgé de 80 ans, s'est vu infliger la même amende d'un montant de 15.000 euros que celle prononcée en première instance en 2019. Son numéro 2 à l'époque des faits (2007-2008), Louis-Pierre Wenès, est également condamné en appel à un an de prison assorti du sursis et 15.000 euros d'amende.

« Cette décision infirme la décision prise en première instance. Vous n'effectuerez pas cette peine d'emprisonnement », a indiqué la présidente de la cour, Pascaline Chamboncel-Saligue. « L'arrêt ne satisfait pas tout le monde, la cour (...) espère que les uns et les autres, vous pourrez continuer votre chemin et que vous n'aurez plus affaire à la justice », a-t-elle conclu.

Le ministère public avait requis un an de prison, dont six mois avec sursis et 15.000 euros d'amende pour Didier Lombard et Louis-Pierre Wenès, condamnés en première instance pour leur « rôle prééminent » dans la mise en place d'une politique de réduction des effectifs « jusqu'au-boutiste » sur la période 2007-2008 chez France Télécom.

Jugés pour harcèlement moral

À l'époque, Didier Lombard, alors à la tête de France Télécom, avait engagé un vaste plan de restructuration, baptisé NEXT, visant à supprimer 22.000 postes entre 2006 et 2008 « par la porte et par la fenêtre », selon ses propres mots. En 2019, la justice avait insisté sur l'ampleur du harcèlement moral qui s'était propagé du sommet à l'ensemble du groupe, et avait examiné les cas de 39 salariés, dont 19 avaient mis fin à leurs jours.

Ces départs « en marche forcée » avec « des méthodes interdites » avaient entraîné une « dégradation des conditions de travail » de « milliers de salariés », dont certains se sont suicidés. La crise a éclaté au grand jour après le suicide en juillet 2009 de Michel Deparis, un technicien marseillais ayant mis directement en cause France Télécom dans une lettre. Depuis, France Télécom est devenue le symbole de la souffrance au travail.

Condamnation inédite en 2019

En 2019, dix ans après les faits, les deux ex-dirigeants de France Télécom (devenue Orange en 2013) ont ainsi fait face à la justice en raison de la mise en place en 2006 de deux plans de restructuration (de 2007 à 2010) consécutifs à la privatisation de l'entreprise (2004) et prévoyant le départ de 22.000 employés et la mobilité de 10.000 autres (sur quelque 120.000 employés).

En première instance, l'ex-PDG Didier Lombard et son numéro 2, Louis-Pierre Wenès, avaient été condamnés, de manière inédite, pour harcèlement moral à la suite d'une vague de suicides entre 2008 et 2009. Idem pour Orange, qui est devenue la première entreprise et personne morale épinglée pour ce même délit. Cinq autres responsables avaient, eux, également été condamnés pour complicité de harcèlement moral.

Orange, qui avait été sanctionnée de l'amende maximum de 75.000 euros dans un jugement historique, avait accepté le verdict, devenant la première société du CAC 40 condamnée pour un « harcèlement moral » institutionnel. Tout comme Olivier Barberot, l'ex-DRH de l'entreprise, condamné en première instance à un an de prison dont huit mois avec sursis et 15.000 euros d'amende, s'était quant à lui désisté de son appel. Mais Didier Lombard, Louis-Pierre Wenès, son ancien numéro deux, et les autres responsables de l'époque avaient décidé de faire appel.

Lire aussiProcès France Télécom: l'entreprise et ses ex-dirigeants condamnés pour harcèlement moral

(Avec AFP)

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Commentaires 15
à écrit le 01/10/2022 à 13:03
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Comment ne pas réagir devant pareille injustice? Monsieur LOMBARD et son adjoint, par un harcèlement moral dont le PDG se moquait éperdument (et se vantait), ont été la cause directe de plusieurs dizaines de suicides qualifiés par ce Monsieur sur un...

à écrit le 01/10/2022 à 11:48
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On ne va tout-de-même pas suicider un vieillard!

à écrit le 01/10/2022 à 8:47
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Didier Lombard a donc été condamné en appel, quoique plus légèrement. Les juges auraient-ils considéré que la personne morale France-Télécom reconnue coupable, elle aussi, de harcèlement moral (on croit rêver) avait payé pour lui ? Cette fiction de l...

à écrit le 30/09/2022 à 18:09
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Souvenir : Après la vague de suicides qui touche France Télécom, l'entreprise envisage d'ouvrir un immeuble aux normes de sécurité renforcées dans le courant de l'année, qualifié par Europe 1 d'immeuble "zéro suicide". Situé à Saint-Denis (Seine-...

à écrit le 30/09/2022 à 15:32
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Bonjour, Comme qui dirait pousser un employé au suicide est bien moins risqué qu'un très grand excès de vitesse. 2 poids 2 mesures.

à écrit le 30/09/2022 à 15:29
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J’ai subi, à mon humble niveau, les retombées des diktats de Didier Lombard, intouchable, meprisant, imbus de sa personne, prétentieux. J’ai fait un AVC, suivi d’un infarctus et d’un burn-out en mission dans l’équipe projet d’outsourcing d’une grande...

à écrit le 30/09/2022 à 15:29
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Deux justices. Celle qui frappe lourdement les citoyens du commun et celle qui épargne les riches, les célèbres et les hommes politiques. Ainsi du couple Balkany qui doit bien se marrer au coin du feu dans la cheminée de leur moulin...

à écrit le 30/09/2022 à 15:01
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C'est une déclinaison du phénomène de "sécession des "élites"" (je mets des guillemets à élites). Elles se protègent les unes les autres : les juges ne mettent pas les chefs d'entreprises en prison. C'est qu'elles sont interchangeables, ces élites. I...

à écrit le 30/09/2022 à 14:35
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Leur ruine sociale et citoyenne aurait dû être prononcée … mais bon vu que nos parlementaires sont du même acabit pas étonnant que la législation faisant les lois juridique soit clémente avec les cols blancs et pas avec les cols bleus….

à écrit le 30/09/2022 à 13:19
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Plus que de la prison ou des amendes, il serait peut-être plus efficace et dissuasif d'appliquer le "name and shame" (pratique consistant à diffuser largement les condamnations de délinquants, personnes morales notamment, par des pages dans la presse...

le 30/09/2022 à 14:05
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le name and shame ne fonctionne pas lorsque le niveau de corruption est simplement banal ! la preuve, un système censitaire ne met jamais ses dirigeants en prison ! du coup cela permet l'affairisme, la corruption et la concussion ! on a pu avoir des ...

à écrit le 30/09/2022 à 13:16
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Justice de complaisance. Justice de commande. Justice de spectacle. Faudrait virer par la porte et les fenêtres un sacré grand nombre de magistrats. Qu'est-ce qui différencie aujourd'hui un juge d'aujourd'hui à son ainé collaborationiste devenu résis...

à écrit le 30/09/2022 à 12:19
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Les p'tits copains d'abord? Et lorsqu'on sait combien le harcèlement moral et le burnout coûtent à l'assurance maladie, aux mutuelles, et enfin aux entreprises, après l'on vient s'étonner. Décidément, ce pays marche sur la tête depuis beaucoup trop l...

le 30/09/2022 à 13:07
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ce n'est la justice qu'il faut blamer mais ceux qui s'en serve aussi coupable que le tortionnaire favoriser les classes dirigeantes cela fini tres mal attention au point de rupture

à écrit le 30/09/2022 à 11:08
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C'est pas avec des peines aussi légères que l'on supprimera la violence psychologique dans les entreprises. Le harcèlement moral va continuer à prospérer. Faut pas que les employeurs s'étonnent après ça de leur difficulté à recruter !!. puisque de no...

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