Télécoms : sous la pression du gouvernement, la filière de la fibre peaufine son plan anti-malfaçons

Après s’être fait remonter les bretelles par l’exécutif au printemps dernier, les opérateurs télécoms et leurs sous-traitants préparent une série de mesures pour améliorer la qualité des raccordements à la fibre. Beaucoup d’interventions se soldent encore par des échecs, du fait de techniciens indélicats qui sèment la pagaille dans les réseaux.
Pierre Manière
Un technicien effectue le raccordement à la fibre d'un abonné.
Un technicien effectue le raccordement à la fibre d'un abonné. (Crédits : Mégalis Bretagne)

C'est l'un des grands dossiers de la rentrée dans le secteur des télécoms. Alors que le déploiement de la fibre, qui permet d'accéder à Internet à très haut débit, se poursuit à un rythme très soutenu, de nombreux raccordements se soldent par des échecs. Le problème n'a rien de nouveau. Cela fait plusieurs années, maintenant, qu'il plombe la filière, et provoque la colère des clients comme des élus locaux. Les malfaçons sont de plusieurs ordres. Certains abonnés n'arrivent tout simplement pas à être raccordés malgré les passages de plusieurs techniciens. D'autres sont confrontés à des déconnexions sauvages de la part d'intervenants indélicats. Mal formés et mal rémunérés, beaucoup ne travaillent pas dans les règles de l'art, et sèment la pagaille dans les réseaux.

Pour le gouvernement, qui souhaite que tous les Français puissent bénéficier d'Internet à très haut débit d'ici à la fin de l'année, cette situation est inacceptable. Dans un courrier envoyé le 13 avril dernier, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, et Laure de la Raudière, la présidente de l'Arcep, le régulateur des télécoms, ont appelé InfraNum, la principale fédération des industriels de la fibre, à se mobiliser pour mettre un terme à ces malfaçons. Dans cette missive, qui s'apparente en réalité à un coup de gueule, Bercy et l'Arcep ont demandé à la filière de leur soumettre, en urgence, une batterie de « pistes d'action pour renforcer et rendre effective la formation de l'ensemble des techniciens qui interviennent sur le réseau de fibre optique, y compris ceux qui interviennent dans le cadre d'un contrat de sous-traitance pour le raccordement ou l'exploitation ».

« Des actes inadmissibles »

Lors d'une réunion à Bercy ce lundi, Jean-Noël Barrot, le ministre délégué au Numérique, et Laure de La Raudière, ont réuni les opérateurs et les industriels de la fibre pour faire un point sur leurs solutions. Mais aussi fixer deux échéances. Primo : la filière de la fibre devra présenter son plan anti-malfaçons à l'exécutif le 23 septembre. Secundo : toutes les mesures devront être opérationnelles « avant la fin de l'année », a insisté Jean-Noël Barrot sur Twitter.

Depuis le courrier de Bruno Le Maire et Laure de La Raudière à InfraNum, cette fédération a fait de la lutte contre les malfaçons sa priorité. Dans un entretien à La Tribune, son président, Philippe Le Grand, a présenté le 1er juin dernier un « plan qualité » visant à « mettre un terme à certains actes inadmissibles et intolérables, comme les câbles coupés ou les écrasements volontaires de lignes ». Pour ce faire, il compte, en particulier, faire le nécessaire pour mieux former les intervenants sur les réseaux. Ceux qui ne travaillent pas dans les règles de l'art, a-t-il affirmé, seront « déréférencés et sortis du jeu ». En parallèle, la Fédération française des télécoms (FFT), le lobby des opérateurs, a également dégainé un dispositif pour doper la qualité de service sur les réseaux. A cela, il faut ajouter les différentes initiatives prises directement par Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free.

L'enjeu est dorénavant d'harmoniser tous ces engagements. Ceux-ci portent notamment sur la rénovation des armoires de rue dédiées aux télécoms, dont certaines sont défoncées, saccagées, où les câbles partent dans tous les sens. Les industriels veulent aussi que tous les intervenants sur les réseaux bénéficient d'une formation solide, labellisée, et soient contrôlés via, par exemple, un système de compte-rendu photo. Alors que la cascade de sous-traitants en charge des raccordements pour le compte des opérateurs a été très critiquée, une limitation doit voir le jour. A terme, seuls deux rangs de sous-traitance seront tolérés.

Chez InfraNum, on se montre optimiste sur la mise en place de ces mesures. « Les acteurs font preuve de responsabilité, nous dit-on. Nous assistons à une convergence. » Même son de cloche du côté du Comité stratégique de filière (CSF), où l'on souligne qu'il y a, tout de même, un peu de mieux sur le front des raccordements. « Depuis le mois de juin, le niveau de satisfaction des clients concernant la fibre est passé de 7,6 à 7,8 sur 10 », nous explique-t-on. Cette progression de 0,2 points semble pour le moins anecdotique. Mais ce niveau de satisfaction demeure « supérieur à celui de l'ADSL, qui est de 7,6 sur 10 »« Il y a des tensions, nous en sommes conscients, mais la situation n'est pas aussi catastrophique qu'on le dit parfois, au regard de la forte progression du nombre d'abonnés à la fibre, qui s'élève à 17 millions de clients », nous indique-t-on.

Les critiques pleuvent contre les opérateurs

Il faut dire que la multiplication des critiques à l'encontre du déploiement de la fibre suscite l'agacement du secteur. Ce fut notamment le cas début juin, lorsque l'Avicca, qui fédère les collectivités impliquées dans le numérique, a déploré « le film d'horreur » des raccordements ratés. Et ce sera, sans nul doute, à nouveau le cas ce jeudi, à l'occasion de la diffusion d'un Envoyé Spécial, sur France 2, qui s'annonce gratiné. « Alors que le gouvernement promet la fibre pour tout le monde en 2030, ce chantier historique confié aux opérateurs s'enraille », et « tourne à la catastrophe », étrille le site de l'émission.

Si les mesures anti-malfaçons qui doivent voir le jour à la fin du mois semblent aller dans le bon sens, un gros problème demeure. De nombreux sous-traitants en charge du déploiement de la fibre souffrent depuis des mois des prix pratiqués par les opérateurs, qu'ils jugent beaucoup trop bas. A La Tribune, beaucoup affirment ne plus s'en sortir. D'autant qu'ils doivent, en plus, composer avec l'inflation, et notamment la flambée des prix de l'essence. Or on voit mal comment les choses pourraient s'améliorer si cette filière, stratégique, continue de broyer du noir.

Pierre Manière

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Commentaires 3
à écrit le 06/09/2022 à 19:30
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hey, les techniciens ont du boulot tant que ca marche pas, leur interet c'est qu'il y ait des pannes; suffit de voir le pb de la scop machin, ou les gens qui ne se faisaient exploiter par aucun capitaliste, voulaient tous subitement appartenir a ora...

à écrit le 06/09/2022 à 19:19
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C'est surtout Washington qui met la pression à Bruxelles . Ils ont plein de choses intelligentes à nous vendre pour nos foyés ,plein de trucs connectés qui ont besoin de débit .Comme les drones ,caméras de surveillances, frigos intelligent ,télé inte...

à écrit le 06/09/2022 à 18:59
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J'ai vu travailler le personnel des entreprises de raccordement à la fibre! Quiconque est adepte du travail organisé et bien fait aura des envies de suicide après leur passage. Ni fait ni à faire, un "bo...el" sans nom.

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