Île-de-France : comment Veolia va traiter tous les polluants présents dans l’eau (Estelle Brachlianoff)

GRAND ENTRETIEN. Le géant de l'eau vient de remporter un méga-contrat de 4 milliards d'euros en Île-de-France. En exclusivité pour La Tribune, la patronne de Veolia revient sur ce contrat et défend son modèle face à la concurrence de Suez.
César Armand
Estelle Brachlianoff est directrice générale de Veolia depuis le 1er juillet 2022.
Estelle Brachlianoff est directrice générale de Veolia depuis le 1er juillet 2022. (Crédits : Christophe Majani D'inguimbert)

LA TRIBUNE - Vous venez de remporter la gestion du service d'eau potable du Syndicat des eaux d'Île-de-France (Sedif) pour 4 milliards d'euros sur la période 2025-2026. Qu'est-ce qui a fait la différence par rapport à l'offre de Suez ?

ESTELLE BRACHLIANOFF - Nous avons tout simplement mis le meilleur de Veolia France et International dans cette offre. Certes, nous sommes détenteurs de ce marché depuis un siècle, après remise en concurrence, mais nous nous sommes auto-challengés en faisant travailler l'ensemble de nos experts de la Chine à la  République tchèque pour offrir tout le savoir-faire du groupe au profit des Franciliens. Et selon l'évaluation du Sedif, nous avons proposé le meilleur rapport qualité-prix ainsi que la meilleure offre technique.

La bataille judiciaire avec votre concurrent, qui reprochait au Sedif un bug sur sa plateforme informatique et qui contestait cette attribution depuis le 25 janvier, est-elle vraiment derrière vous ?

Le contrat est désormais signé avec le Syndicat des eaux d'Île-de-France, les recours ont été rejetés par la justice. Mais la partie juridique est complètement annexe à la véritable importance du fond de ce contrat emblématique, car nous parlons ici d'un service de l'eau du futur qui vise non seulement à traiter les problèmes existants mais aussi à anticiper et à prévoir les questions sanitaires et environnementales futures. En tant que champion mondial, nous sommes fiers de pouvoir relever ce défi au service d'un client visionnaire.

Comment ?

Nous avons incorporé toutes les dernières innovations technologiques et numériques afin de concevoir un traitement qui anticipe les normes de qualité de l'eau. Dans chacune des trois usines franciliennes - Choisy-le-Roi, Neuilly-sur-Marne et Méry-sur-Oise -, nous saurons bientôt traiter tous les micropolluants, les perturbateurs endocriniens, les résidus de médicaments et les PFAS [polluants éternels, Ndlr].

N'est-ce pas obligatoire ?

Les normes évoluent certes mais elles ne sont pas encore toutes dans les tuyaux. Rien n'impose en effet de traiter tous ces polluants. Le Sedif a souhaité prendre les devants ce qui nous a permis de proposer une solution technologique d'hybridation entre de l'osmose inversée basse tension et la nanofiltration. Autrement dit, nous installerons des membranes qui vont filtrer l'eau des rivières pour enlever tous les nouveaux polluants. C'est majeur pour la santé et pour le confort des consommateurs.

Pourquoi ?

L'eau ainsi distribuée est sans calcaire ni chlore. Cela évite l'encrassement des canalisations et des appareils ménagers et les problèmes de goût. C'est comme de l'eau de source, mais au robinet. Les membranes utilisées sont ni trop épaisses ni trop fines afin de laisser les minéraux. La basse pression plutôt que la haute pression permet, elle, de consommer moins d'énergie. C'est une première française et mondiale.

En quoi ?

Nous avons développé cette compétence grâce à nos activités de dessalement de l'eau de mer au Moyen-Orient. Ce sont autant de réflexes accumulés pour faire le meilleur de ce qui existe.

Le risque zéro n'existe pas. Comment allez-vous vous prémunir d'une éventuelle crise sanitaire ?

L'eau est le produit le plus surveillé de France. Les autorités sanitaires comme nos équipes procèdent à des contrôles qualité dans les usines en amont et dans les réseaux de distribution en aval. Cela permet de mesurer la performance et la qualité des sources d'approvisionnement. Par exemple, si de la pollution est signalée dans l'Oise, l'usine de Méry ne va pas opérer pendant quelque temps et l'autre usine prendra le relais. Avoir trois usines permet de gérer le problème tout en assurant la continuité de service.

Au cas où un problème surviendrait, comment en informeriez-vous vos clients ?

Nous avons l'ambition de révolutionner le service client dans le cadre de ce contrat, qui représente pas moins de 4 millions d'habitants répartis sur 132 communes, qui vivent en maison individuelle ou en habitat collectif. Il s'agit de le rendre le plus personnalisé et le plus efficace possible. Nous allons beaucoup faire recours au digital. En cas de problème, par exemple lorsqu'une chaudière fuit, nous envoyons des SMS ciblés, des mails ou des messages WhatsApp. Par ailleurs, nous visons un service client solidaire et nous travaillons avec des associations pour atteindre les populations les plus vulnérables dans les copropriétés dégradées.

Vous revendiquez dix premières mondiales dans cette opération. Comment allez-vous garantir aux usagers un prix de l'eau maîtrisé ?

Si nous poursuivons ce double objectif de traiter tous les polluants et d'avoir cette qualité de service, nous devons rester le plus efficace en termes de prix. Cela n'aurait pas de sens de proposer un service de luxe rédhibitoire en termes de prix

Cette semaine, l'association d'élus Intercommunalités de France vient de plaider, une nouvelle fois, le maintien du transfert obligatoire des compétences eau potable et assainissement collectif aux intercommunalités d'ici à 2026, comme prévu par la loi. Qu'en pensez-vous ?

Ce n'est pas à moi d'en décider. C'est aux collectivités de nous passer commande et de faire des choix, sachant que la bonne échelle géographique, c'est la logique du bassin versant. J'ai en outre une conviction: la capacité d'innovation ne se fait que par des entreprises qui savent innover et anticiper. Elles seules savent mettre en place des solutions éprouvées ailleurs. Nous n'avons pas attendu que les PFAS arrivent en France pour traiter un sujet qui était déjà apparu en Australie et aux Etats-Unis.

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 23/03/2024 à 11:17
Signaler
Ben oui fallait bien compenser le retour à la régie publique du fait de l'incompétence cupide de véolia et ses cadres plus nombreux que ses productifs.. Véolia n'étant pas une entreprise française on se demande quand même comment ils ont encore le co...

à écrit le 22/03/2024 à 21:00
Signaler
Coquille ? "une solution technologique d'hybridation entre de l'osmose inversée basse tension et la nanofiltration" basse pression

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.