Dans les ports de commerce, en import comme en export, on n'accueille pas les produits bio comme on fait transiter d'autres denrées alimentaires. Circonscrite par des hangars ou des cellules de stockage spécifiques, la circulation de ces produits (fruits et légumes, céréales, chocolat ou café bio, entre autres, qui transitent par les ports) ne doit pas se mélanger à celles des articles non bio. Jusqu'à présent, les ports de commerce bretons n'avaient pas accès à cette activité.
Tout cela changera au 1er janvier 2025 : après plus de deux ans de demandes de la part des élus régionaux, le gouvernement a donné son feu vert à l'ouverture de points de contrôle spécifiques dans les ports de Brest, Lorient et Saint-Malo. A l'instar de places comme celles de Nantes et du Havre, ils pourront réceptionner et stocker des denrées alimentaires biologiques ainsi que des fruits et légumes soumis à certaines normes de commercialisation.
Inscrit dans les stratégies portuaires
La direction des douanes et des droits indirects « va engager les travaux nécessaires à l'ouverture de ces points de contrôle » a fait savoir le 28 mars la Région Bretagne, propriétaire des ports bretons, dans un communiqué, traduisant au passage la satisfaction des élus régionaux.
Si ces derniers voient « une étape-clé vers un commerce alimentaire mieux régulé et plus durable », la nouvelle est aussi très favorablement accueillie par la direction des trois ports qui avaient préalablement inscrit cet agrément bio dans leur stratégie portuaire.
À Lorient, cette autorisation va « projeter le port vers l'avenir, développer de nouvelles lignes maritimes et satisfaire les besoins de la filière agricole » a réagi Fabrice Loher, président de Lorient Agglomération, l'actionnaire majoritaire de la société d'économie mixte gestionnaire du port de Lorient-Kéroman, premier port de pêche français en valeur.
À Brest, Christophe Chabert, président du directoire de la Société Portuaire Brest Bretagne (SPBB) y voit pour sa part le « début d'une filière », sans pour autant être en mesure de chiffrer le tonnage que les produits bio, dont les ventes reculent en raison de l'inflation, pourraient à terme représenter dans l'activité du port.
Le bio humain à côté du bio animal
« Brest développe déjà une activité bio pour la nourriture animale et dispose de tous les agréments nécessaires. Il manquait le bio pour l'alimentation humaine, et cette décision est importante car les trois ports bretons étaient pénalisés » estime Christophe Chabert, qui prévoit un démarrage rapide du démarchage commercial. L'activité bio est appelée à rester un commerce complémentaire, par rapport à l'activité classique, mais le port espère travailler avec des exportateurs nouveaux.
Sur le plan de l'organisation, une adaptation du site, où des points de contrôle existent déjà pour le bio animal, est prévue afin d'offrir les services nécessaires au bon conditionnement des produits. « Nous allons voir comment mutualiser nos investissements et travailler avec les douanes sur une proposition cohérente » ajoute le dirigeant. Il voit aussi dans le succès de cette démarche collective, l'ouverture de nouvelles perspectives, notamment en matière de transport décarboné.
Fret vélique et innovation maritime
« Il est important de pouvoir alimenter en proximité les consommateurs bretons, plutôt que de faire venir des denrées bio en camion depuis Le Havre » constate Christophe Chabert. « Nous espérons pouvoir aussi contribuer à la mise en place de la filière liée à la propulsion vélique ou au cabotage. Brest ne pouvait pas par exemple recevoir un voilier comme Grain de Sail qui importe du cacao et du café bio » précise-t-il.
Cette ambition s'inscrit déjà dans le cadre du plan stratégique de la SPPB, qui prévoit un investissement de 500 millions d'euros d'ici à 2034, de 900 millions d'euros sur quarante ans. Fort d'un trafic commercial de trois millions de tonnes en 2022 (+7% en 2023), le port de Brest (20 millions de chiffre d'affaires) se distingue d'autre places portuaires par son activité industrielle de réparation navale et par celle qui nait autour de l'assemblage et du montage des énergies renouvelables sur le polder EMR (énergies marines renouvelables).
Sa démarche RSE vise à accueillir des industries des transitions autour de la distribution d'énergies décarbonées, de la propulsion vélique, de la logistique décarbonée, de l'innovation maritime ou de la réparation durable.
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