Grèce : Alexis Tsipras renonce à son plan anti-austérité

Sous la menace des créanciers, le gouvernement grec a renoncé à proposer un "programme parallèle" pour faire pendant aux mesures d'austérité qui lui ont été imposées.
Alexis Tsipras a renoncé à faire voter un "contre-programme".

La bonne volonté du gouvernement grec n'aura pas duré une semaine. Lundi 14 décembre, un projet de « programme parallèle » a été soumis aux députés grecs. Ce programme avait pour but de compenser les mesures d'austérité réclamées par les créanciers et que le gouvernement avait fait adopter depuis juillet dernier. Ce jeudi 17 décembre, le texte a été retiré. Selon des médias grecs, la cellule technique de l'Eurogroupe, l'Euro working group (EWG) aurait rejeté ce programme. Un  rejet qui menaçait de compromettre la libération du milliard d'euros que le vote de mesures par la Vouli, le parlement grec, mardi, permettait d'envisager.

Fonctionnement normal du mémorandum

Pour ne pas prendre le risque de ne pas avoir cet argent, le gouvernement a donc fait marche arrière. Alexis Tsipras, le premier ministre grec, fait ici l'expérience concrète de l'application du troisième mémorandum qu'il a signé le 19 août dernier. Ce texte faisait explicitement référence à la nécessité pour l'exécutif hellénique de ne prendre aucune mesure budgétaire supplémentaire sans l'aval des créanciers. Privé de cet aval dans le cadre de son « programme parallèle », le gouvernement grec a dû logiquement renoncer à son projet.

Le détail du programme envisagé

Que voulait faire Alexis Tsipras ? Le texte comprenait plusieurs mesures. La première consistait à pouvoir donner une couverture médicale à ceux qui ne sont pas couverts par la sécurité sociale. Le gouvernement Tsipras entendait aussi développer dans les mairies et les préfectures de cellule de soutien aux « personnes vulnérables. » La soupe populaire payée par l'Etat devait être élargie et prolongée d'une année. Une « facture sociale » d'électricité, permettant des baisses pour les ménages les plus fragiles, était aussi envisagée. Enfin, dans l'éducation, Athènes voulait développer les classes de soutien.

Pourquoi les créanciers ne veulent pas de ce programme

L'Euro working group aurait évalué le coût de ce « programme parallèle » à un milliard d'euros. Un coût qui semble très élevé. En mars, un programme plus ambitieux de lutte « contre l'urgence humanitaire » avait été évalué à 200 millions d'euros. Ceci est d'autant plus étonnant que le gouvernement grec en novembre a affiché un excédent primaire de 4,4 milliards d'euros contre un objectif de 2,6 milliards d'euros. Autrement dit, le gouvernement d'Alexis Tsipras joue les bons élèves budgétaires et est en passe de faire mieux que les objectifs. Mais le mémorandum ne prévoit pas pour autant de « récompenser » ces « succès. » Toute mesure budgétaire doit avoir l'imprimatur des créanciers et si ces derniers jugent que des dépenses remettent en cause les objectifs à moyen terme, ils peuvent les refuser. Du reste, le mémorandum prévoit aussi qu'en cas de dépassement des objectifs, les excédents dégagés iront, pour un quart, au remboursement de la dette.

Des motivations politiques

En réalité, ce plan « parallèle » n'est pas du goût des créanciers qui avait déjà tenté en mars de bloquer l'adoption du premier texte sur l'urgence humanitaire. La raison en est fort simple. La logique du « programme » est de réduire les dépenses sociales afin d'ancrer la baisse des dépenses publiques, mais aussi de favoriser la compétitivité. Ces dépenses sont jugées inutiles et contre-productives de ce point de vue. Mais l'objectif est aussi politique : avec ce « programme parallèle », Alexis Tsipras tentait de rassurer sa base électorale sur sa capacité à « compenser » la dureté des mesures adoptées et qui restent à adopter, notamment la très douloureuse réforme des retraites à venir.

En coupant ainsi à Alexis Tsipras toute possibilité de « servir sa base », les créanciers prouvent que, malgré la très bonne volonté de ce gouvernement, le combat politique n'est pas terminé. Les créanciers ont dû, il est vrai, négocier ferme sur la question des expulsions des résidences principales et sur la question des créances douteuses des banques. Les créanciers entendent logiquement ne faire aucun « cadeau » au gouvernement grec. En bloquant ce programme, ils montrent l'étendu de leur pouvoir et affirment ainsi qu'ils sont les vrais maîtres de la Grèce. Du reste, le ministre allemand Wolfgang Schäuble, a fait savoir voici peu qu'il refusait la demande d'Alexis Tsipras de se passer du FMI dans le programme.

Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Ce retrait du « programme parallèle » met en lumière la quasi-inexistence de toute marge de manœuvre pour Alexis Tsipras. Est-ce une mauvaise nouvelle pour lui ? Sans doute, car sa capacité d'action est nulle et cela nuit à son discours de « bouclier » contre l'austérité qu'il porte depuis la signature du mémorandum. Mais cette impuissance peut aussi l'absoudre d'une partie de la responsabilité qui, de fait, se reporte sur les créanciers. Elle pourrait aussi justifier la volonté d'Alexis Tsipras d'en finir le plus rapidement possible avec le programme afin de reprendre une certaine liberté d'action. Un pari à haut risque, car l'effet des mesures prises ne s'est pas encore fait sentir sur l'économie du pays qui absorbe encore difficilement  le choc de la crise de juillet dernier.

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Commentaires 31
à écrit le 20/12/2015 à 19:22
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Encore une volte face ? Il y en a eu tellement qu'on ne sait plus dans quelle direction va Tsipras. Le sait-il lui même ?

à écrit le 19/12/2015 à 10:45
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"logique du « programme » est de réduire les dépenses sociales afin d'ancrer la baisse des dépenses publiques, mais aussi de favoriser la compétitivité. Ces dépenses sont jugées inutiles et contre-productives de ce point de vue. Mais l'objectif est a...

à écrit le 19/12/2015 à 9:07
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Je me demande comment font tous ces créanciers pour se lever le matin, se regarder dans le miroir, parler à leurs jolis enfants, embrasser leur gentille femme, puis partir au boulot dans leur bureaux cossus et se dire aujourd'hui on va encore pl...

à écrit le 18/12/2015 à 14:55
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Il faut se demander de plus en plus quel est le réel profil de Tsipras et qui l'a financé. Entouré de fanatiques gauchistes aux allures improbables, cet homme disposant de moyens inconnus a pris la tête du pays à la manière d'un fasciste, attirant un...

à écrit le 17/12/2015 à 22:06
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sipras a-t-il trahi ? La réponse est simple : si on considérait déjà il y a deux semaines que Tsipras avait trahi, oui ; si on considérait il y a deux semaines que Tsipras n'avait pas trahi, non. Le retrait du "programme parallèle" n'est pas spéci...

le 18/12/2015 à 9:40
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En accord total avec Fred Plomb ,et en rajoutant cet article sorti le 26 janvier 2015 édifiant : http://www.upr.fr/actualite/europe/les-grecs-vont-maintenant-pouvoir-constater-que-syriza-est-un-parti-leurre

le 18/12/2015 à 13:56
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J'ai une quatrième possibilité à vous donner, en plus grande adéquation avec la réalité grecque: Tsipras continue à tromper son électorat et le peuple grec en essayant de se poser comme une alternative. Il n'en est pas une car il pratique assidûment ...

à écrit le 17/12/2015 à 18:43
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Tsipras a ete depuis le debut payé pour que la situation pourisse en laissant croire que la Grèce allait se passer des banques. C'est la pire taupe et traitre que le monde ait pondu!

à écrit le 17/12/2015 à 17:59
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l'Europe est très inefficace. Les Grecs élisent des députés, qui choisissent des députés, qui votent des lois ... que Berlin et Bruxelles refusent. Il faut simplifier tout ça et rendre l'Europe plus efficace. Soit Berlin envoie un gouverneur en Grèce...

le 17/12/2015 à 21:23
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Les allemands, qui préfèrent Majorque et la Croatie, en voudraient-ils ?

à écrit le 17/12/2015 à 17:15
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Ce qui est surprenant c'est que Tsipras attende quoi que ce soit des capitalistes. Il n'aura rien.

le 17/12/2015 à 18:47
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Tout simplement parce qu'il est complice depuis le début...

le 18/12/2015 à 9:55
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il n'attend rien (ou alors il est bien naïf) mais il profite, la soupe est bien bonne ...

à écrit le 17/12/2015 à 17:15
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Ce qui est surprenant c'est que Tsipras attende quoi que ce soit des capitalistes. Il n'aura rien.

à écrit le 17/12/2015 à 17:15
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Ce qui est surprenant c'est que Tsipras attende quoi que ce soit des capitalistes. Il n'aura rien.

à écrit le 17/12/2015 à 16:09
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Il existe pourtant une recette relativement simple pour redresser le pays: 1) mettre fin à la corruption et à la fraude massive 2) mettre en place des structures étatiques permettant d'organiser le pays et donc de collecter des taxes et impôts pour h...

le 17/12/2015 à 20:30
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Ce paternalisme paré de ce pseudo-bon sens caricatural, est révulsant.

le 18/12/2015 à 10:17
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Quand les grecs ont de l'argent, ils préfèrent les dépenser ailleurs, ils n'ont nullement confiance dans l'état actuel des choses, aucune stabilité et une grande dépendance de l’extérieur qui n'est que chantage et manipulation! En fin de compte ils ...

le 18/12/2015 à 12:48
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Les grands experts en "mentalité" ceci ou cela, qui tentent de reexpliquer l'actualité à l'aune de leurs œillères sont d'un pathétique...

le 18/12/2015 à 14:00
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Vous ne connaissez pas la réalité grecque, c'est évident. Il n'y a plus d'argent à collecter. Il n'y a plus rien. Par contre, ils sont OBLIGES d'accueillir les migrants etc.

à écrit le 17/12/2015 à 16:01
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M.Godin a bien raison:plutôt que de quémander sans cesse aux européens ou au FMI de nouvelles avances, il vaudrait mieux faire appel à des financements citoyens, faire appel directement à la générosité des citoyens des autres peuples. Cela devient in...

le 17/12/2015 à 17:16
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@BH: on fait déjà appel à la générosité forcée du contribuable européen puisqu'en finale c'est lui qui s'appuie la note; et c'est quand même la moindre des choses qu'on s'assure d'être remboursé. Cela dit, je conçois parfaitement que l'on aide les ge...

le 17/12/2015 à 20:49
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Qui empreinte de l'argent doit remboursé un jour avec des régles plus ou moins contraignante c'est valable pour les citoyens comme pour les états.

le 17/12/2015 à 21:25
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La Grèce n'ira pas bien loin avec des financements citoyens... De quoi offrir une feuille de vigne farcie et un verre de vin résiné à chaque grec tout au mieux.

le 18/12/2015 à 10:45
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Un téléthon pour Tsipras ! Vous me prenez pour un thon?

le 18/12/2015 à 12:18
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@Bruno_bd: faux ! 1) Ceux qui sont allés en Grèce ont pu voir tous ces bâtiments avec des tiges d'acier qui dépassent. Et oui, les Grecs ne paient pas d'impôts fonciers tant que la maison n'est pas finie, et les tiges d'acier sont là pour en témoigne...

le 18/12/2015 à 14:03
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@ahah: Est-ce que vaut pour l'Allemagne également ou celle-ci est, pour une raison que j'ignore, exemptée ?

le 18/12/2015 à 14:11
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@Patrickb: 1) C'est pour le moins ridicule. Il y a combien d'habitations non terminées et combien de terminées ? On peut toujours voir ce qu'on veut. Par contre, les élèves qui mangent une fois par jour (et encore) vous ne les voyez pas ! Ni des ...

le 18/12/2015 à 16:09
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@Lina: 1) dans la région de Nauplie, je dirais environ 50% des habitations sont "non terminées". 2) je ne vois en effet pas de femmes qui se prostituent, ce qui est une prevue qu'à moins de bien les chercher, il n'y en a pas tant que cela. 3) en rev...

le 19/12/2015 à 10:31
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cher PatrickB, cela fait plus de 15 ans que la loi qui permettait de payer une taxe moindre lorsque le batiment n'etait pa termine a change. La taxe fonciere se paie immediatement et completemet lors de la pose du courant electrique. Ceux qui n'etaie...

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