Notre agriculture, au cœur des enjeux de la COP21

La COP21 peut être l'occasion de rappeler les mérites de notre modèle agricole, favorisant une croissance vertueuse. Par Philippe Tillous-Borde, Président de la Fondation Avril

A l'heure où la France et l'Europe traversent une crise agricole sans précédent, notre société s'interroge sur son modèle agricole, et sa capacité à répondre de façon responsable au défi alimentaire, sur la régulation écologique aussi, et sa compatibilité avec l'activité agricole.
Face à ces interrogations, la COP21 peut être l'occasion de recentrer un débat public trop souvent prisonnier de ses clivages. L'occasion aussi de rappeler que notre modèle agricole a permis d'assurer la souveraineté alimentaire de la France tout en l'inscrivant dans une démarche de croissance vertueuse, soucieuse de préserver les ressources naturelles et la biodiversité.

 Une innovation constante

La place donnée à l'innovation dans notre modèle agricole y a fortement contribué. Nos agriculteurs ont su relever le défi de l'agriculture du 21ème siècle et, mariant pratiques ancestrales et innovation, ont réussi à maintenir la productivité des cultures tout en utilisant le moins d'intrants possible. Rotation des cultures, association constructive de plantes dans les rotations ou épandage des matières organiques sont autant de pratiques caractéristiques de savoir-faire inscrits dans une démarche de progrès continu.
Dans ce domaine, la France dispose d'atouts considérables. Sa recherche agronomique a permis de réelles avancées vers une agriculture de précision et écologiquement intensive. L'utilisation de plantes compagnes associées à une culture pour apporter de la matière organique en est une illustration, sans oublier le vaste panel de nouvelles technologies, services connectés et autres outils embarqués qui accompagnent si efficacement la conduite des cultures.

Développement du soja et colza

Mais la créativité de notre modèle agricole s'est exprimée bien au-delà de l'innovation technologique. L'imagination dont ont fait preuve les producteurs d'oléagineux et de protéagineux pour structurer leur filière a valeur d'exemplarité en la matière.
Initiée au début des années 1980 en réponse à l'embargo sur les exportations de soja mis en place par les États-Unis dix ans plus tôt, les acteurs de la filière des huiles et protéines végétales se sont rassemblés pour défendre l'indépendance protéique de la ferme France.

En un peu plus de trente ans, ils ont réussi à développer les surfaces de leurs productions. Elles occupent aujourd'hui 16 % des surfaces consacrées aux grandes cultures, concrétisant dans nos champs la reconquête de notre indépendance protéique. Résultat : les tourteaux de colza et de tournesol cultivés dans nos régions représentent désormais la source principale de protéines de nos élevages.

 Une souveraineté menacée

Et lorsque dans les années 1990, ces protéines végétales ont généré une coproduction excédentaire d'huile, ils ont su saisir l'opportunité de la jachère « industrielle » instaurée par la PAC pour travailler à une nouvelle valorisation de leurs productions. Le biodiesel de nos régions - biocarburant renouvelable - voyait alors le jour, sous la marque Diester, apportant la pierre de la filière à l'édifice de la souveraineté énergétique de notre pays, en complément de la souveraineté protéique.

Cette souveraineté n'en demeure pas moins menacée. La situation de certaines de nos filières agricoles nécessite de nouveaux efforts pour la préserver. Le cas de la volaille est particulièrement explicite : alors que la consommation de poulet en France a augmenté de plus de 60 % ces vingt dernières années, la part importée de viande de volaille consommée dans notre pays est passée de 8 % en 1990 à 42 % en 2013. Nos concurrents nord européens, mais aussi chinois ou brésiliens, ont su tirer profit de cette hémorragie inconcevable pour une terre d'agriculture et d'élevage comme la nôtre.
Les mouvements opérés ces derniers mois vont dans le sens de la réappropriation d'une filière volaille nationale performante et ambitieuse. Mais d'autres filières, comme le porc ou le lait, connaissent malheureusement des difficultés qui mettent à jour la fragilité de certains piliers fondateurs de notre souveraineté alimentaire.

Aider l'agriculture africaine

L'union fait la force. Telle est la morale de notre histoire agricole. La structuration des filières, comme le partage des savoir-faire et de l'innovation, sont des réponses concrètes et constructives aux enjeux de souverainetés alimentaires, de préservation de l'environnement et de développement socio-économiques liés à l'agriculture.
Ces réponses ont largement contribué à permettre à l'Europe de nourrir par elle-même sa population tout en préservant la santé de ses sols. Elles peuvent aussi contribuer à la reconquête des souverainetés alimentaires d'autres régions du monde, principalement en Afrique, où la population augmentera de plus de 800 millions d'habitants d'ici trente ans, en favorisant une agriculture familiale ne laissant personne sur le bord du chemin. La détermination des dirigeants réunis à Paris au mois de décembre sera-t-elle au rendez-vous ?

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Commentaires 3
à écrit le 26/11/2015 à 15:40
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J'aimerais qu'on m'explique comment l'agriculture intensive prônée comme modèle d'avenir se dit "soucieuse de préserver les ressources naturelles et la biodiversité". Combien coute à la société le traitement (partiel) des eaux dû à la pollution d...

le 30/11/2015 à 18:24
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Cela s'appelle un poisson d'avril!!

à écrit le 26/11/2015 à 10:57
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Avant la gestion L.I.F.O. ou F.I.F.O., il y a celle des meilleurs lobbyistes : le système P.I.P.O. (Perhaps In, Perhaps Out) !

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