TechnicAtome, le champion européen de la conception des réacteurs nucléaires compacts, est l'un des atouts majeurs du petit réacteur modulaire (SMR) à la française, baptisé Nuward (abréviation de Nuclear Forward) sous la maîtrise d'oeuvre d'EDF (9% du capital de TechnicAtome). Car c'est le design de TechnicAtome, qui a été retenu par la France pour développer la chaudière nucléaire, qui permet de produire une électricité complètement décarbonée. Ce projet permettra à EDF de rester compétitif notamment à l'export sur le marché à fort potentiel du renouvellement des centrales à charbon comprise entre 300 à 400 mégawatts (MW). Nuward est une unité intégrée de 340 MW, avec deux réacteurs de 170 MW à eau pressurisée. Selon la Société française d'énergie nucléaire (SFEN), il faut compter sur un investissement de l'ordre de 1 milliard d'euros pour la construction d'un SMR, qui pourrait être mise en service à l'horizon 2030.
Pour Nuward, "on parle de réacteurs qui en terme de puissance sont de l'ordre de 10 fois moins puissant qu'un EPR et de l'ordre de quatre fois plus qu'un réacteur de propulsion nucléaire navale", a souligné Loïc Rocard.
Pourquoi TechnicAtome ? Il a développé un savoir-faire rare qui lui permet d'"encapsuler des quantités d'énergie et de puissance très supérieures à ce que l'on sait faire dans le nucléaire civil. Ce qui est susceptible de donner un avantage concurrentiel décisif dans le monde des SMR", a estimé jeudi le PDG de TechnicAtome, Loïc Rocard, lors d'une conférence de presse sur le bilan 2020 de sa société. "Nous travaillons aujourd'hui sur la chaudière du SMR français qui, d'une certaine façon, a beaucoup de points communs en termes de compacité, de géométrie, d'emploi de matériaux métalliques que dans le nucléaire de propulsion navale", a-t-il expliqué.
Un savoir-faire maîtrisé grâce aux sous-marins
Ce savoir-faire a été développé dans le cadre de la propulsion navale nucléaire militaire au profit de la marine nationale et de la souveraineté française. Cet industriel discret de la BITD française, qui fabrique depuis 1972 les chaufferies des sous-marins nucléaires français ainsi que celles du porte-avions Charles de Gaulle, en a livré 18 à la marine nationale depuis cette date. Mais les ingénieurs de TechnicAtome ont développé cette technologie pour les sous-marins d'attaque de la classe Rubis, dont le premier a été livré en 1983. Ce qui n'était pas le cas des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) de la classe Le Redoutable.
"A l'époque du Redoutable, la compacité n'était pas la même que celle sur la génération du Rubis. C'est à partir du Rubis que TechnicAtome a su fermer la cuve avec un système de production de vapeur et a gagné un facteur de compacité différent", a expliqué Loïc Rocard. Résultat, ce savoir-faire peut aujourd'hui faire l'objet d'un transfert vers le projet de SMR à la française. "Cette invention relativement géniale de nos anciens des années 70 a perduré et perdure tant et plus. Et même, d'une certaine façon, elle est confirmée dans le cadre du SMR", a expliqué le PDG de TechnicAtome.
Le SMR dans une phase d'avant-projet sommaire
Le projet Nuward, qui a été financé en grande partie sur fonds propres avant d'avoir été soutenu financièrement par l'État dans le cadre du plan de relance (50 millions d'euros), est actuellement dans la phase d'avant projet sommaire. L'État avait également soutenu la précédente phase de pré-avant projet sommaire. La phase actuelle doit se terminer au printemps 2022 et a vocation à être suivie par une phase d'avant projet détaillé, dont le lancement coïncide avec la période de l'élection présidentielle.
La réalisation du SMR à la française sur un site sera lancée trois ans environ après la fin de l'avant projet sommaire, selon Loïc Rocard. Le gouvernement alors en place aura la lourde décision de lancer ou pas un chantier de souveraineté nationale crucial pour l'avenir énergétique de la France.
Et la concurrence ?
"La concurrence est variée, a fait observer Loïc Rocard. Mais aujourd'hui, il n'y a pas encore de clients traditionnels qui soient intéressés par un produit suffisamment avancé pour être acheté. Donc, nous sommes encore dans une phase amont d'un marché en devenir auquel beaucoup de pays croient. Toutefois ce marché n'existe pas encore concrètement". Pour autant, la France paie le prix fort de son incapacité à se décider sur les projets nucléaires pourtant cruciaux dans le monde de demain. Résultat, elle a cinq bonnes années de retard en terme de développement du design par rapport aux Etats-Unis, qui développe le programme NuScale. "Cet écart ne sera pas problématique dès lors que la solution française sera bonne, compacte, compétitive et s'inscrira dans l'environnement des réseaux de transport d'électricité de façon de façon harmonieuse", a estimé le PDG de TechnicAtome.
"Si nous avons un bon produit, il a des chances de trouver un marché. Son marché est le remplacement des tranches d'électricité à base de charbon, qui est notoirement un marché mondial en devenir. Le SMR à la française correspond à peu près aux puissances comprises entre 300 et 500 mégawatts.
Aux États-Unis, le régulateur américain (Nuclear Regulatory Commission) a commencé en 2018 la certification d'un concept de réacteur proposé par NuScale Power, qui envisageait de mettre 12 réacteurs en service en 2026, d'une puissance de 50 MW chacun. En août 2020, la NRC a demandé à NuScale Power de revoir certains éléments jugés risqué. De son côté, Westinghouse souhaite développer un petit réacteur à eau pressurisée de 225 MW. En Russie, Rosatom a mis en service en 2019 une centrale nucléaire flottante, l'Akademik Lomonosov, utilisant deux réacteurs d'une puissance de 30 MW. D'autres centrales, produites en série suivant le même design, seront déployées pour alimenter plusieurs villes portuaires à l'Est de la Russie.
En Chine, la CGN envisage des modèles terrestre (ACPR50) et flottant (ACPR50S) de réacteurs modulaires d'une puissance d'environ 50 MW d'ici à 2022. Au Royaume-Uni, le gouvernement a publié en 2017 un rapport sur la technologie et l'économie des SMR. Le Department for Business, Energy, and Industrial Strategy (BEIS) a mis en place en 2018 l'Advanced Modular Reactor (AMR) Feasibility and Development project, afin de financer la recherche dans le domaine à hauteur de 44 millions de livres. De son côté, le UK SMR Consortium, mené par Rolls-Royce, développe un modèle de réacteur transportable d'une puissance de 200-400 MW.
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