Profit et bien public : le cas des pesticides bio

L'émergence d'un marché des pesticides bio, sous la pression des consommateurs et des ONG, illustre bien la complémentarité des rôles entre secteur public et secteur privé. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs d'économie à l'Essec

L'explosion démographique et les ressources limitées en terres arables et en eau posent un gigantesque défi à l'humanité en termes de lutte contre la faim présente et à venir. En effet, d'ici à 2050, la population mondiale devrait augmenter d'un bon tiers et passer de 7,2 milliards à 9,6 milliards réduisant fortement le ratio de terre disponible par habitant. Il y a encore 870 millions d'habitants souffrant de la faim et de la malnutrition selon la FAO et 2 milliards de nouveaux habitants à nourrir dans un contexte de très probable réchauffement climatique. Le monde est donc soumis à une exigence aigüe d'accroissement des rendements agricoles, dans des conditions de production plus en plus difficiles.

Des pesticides aux OGM

Le secteur des semences et pesticides chimiques est un oligopole dur qui tire des profits colossaux de sa capacité à augmenter les rendements agricoles et à développer les quantités de produits agricoles que la Terre peut produire. Ses produits emblématiques, à la fois nécessaires et critiqués, sont les pesticides chimiques et les semences provenant d'organismes génétiquement modifiés (OGM).

Essentiellement ces semences OGM sont rendues résistantes à la sécheresse, les maladies et les herbicides par des manipulations génétiques. Ces modifications permettent de produire davantage tout en utilisant moins d'eau et moins de pesticides permettant ainsi de réduire la malnutrition et les dommages écologiques dus aux cultures.

Les OGM largement utilisés, mais aussi contestés

En termes quantitatifs, les OGM sont un succès indiscutable, dans la mesure où ils sont utilisés par plus de 25% des fermes mondiales soit 17,6 millions d'agriculteurs. Aux USA notamment, 60 à 70% de produits fournis par l'industrie agro-alimentaire contiennent des OGM. Cependant les OGM font l'objet de doutes et de rejets. Ils sont soupçonnés de favoriser certains types de cancers et d'être néfastes pour la biodiversité, puisqu'ils semblent être responsables, entre autres, de la disparition de certaines espèces d'insectes. L'efficacité des campagnes d'alertes anti-OGM a sensibilisé les populations des pays développés et a amené les autorités de nombreux pays à prendre des mesures d'étiquetage des produits agro-alimentaires pour informer le consommateur de la présence d'OGM. Dans certains pays, la culture OGM est purement et simplement interdite. Pro et anti OGM s'affrontent sur le danger ou l'innocuité de ces produits et le camp du rejet semble l'emporter dans les pays riches.

 Une nouvelle solution, des pesticides naturels

Face à ce rejet assez général des consommateurs et à la demande d'une agriculture sinon à 100% bio, du moins à la fois sans semences OGM et avec le moins de pesticides possibles, les producteurs traditionnels de pesticides et de semences OGM se sont trouvés face à défi de taille, technique et économique. Cette pression exercée par le marché est en train de bousculer cette impasse et faire émerger une nouvelle solution sous la forme de l'apparition des pesticides naturels destinés à remplacer les pesticides chimiques. En effet, les chercheurs des multinationales du secteur comme Monsanto, Bayer, BASF et DuPont, se sont rendu compte que toutes les molécules qu'ils avaient créées avaient des équivalents dans la nature sous la forme de micro-organismes comme des bactéries ou des micro-champignons. Ces micro-organismes peuvent être disposés sur les semences de soja, de maïs ou autres pour les rendre résistantes à la sécheresse ou à telle ou telle maladie. Une fois identifiés, ils peuvent être produits beaucoup plus vite que les pesticides chimiques et présentent l'avantage d'être naturels.

Consommateurs et actionnaires des producteurs d'engrais sont gagnants

L'état actuel des connaissances en génétique et en séquençage du génome permet d'identifier rapidement parmi les milliards de bactéries existantes, celles qui pourraient être utilisé efficacement comme pesticides naturels. Ainsi, un avenir meilleur se présente pour l'agriculture biologique, pour les consommateurs et pour les actionnaires de ces firmes dont le profit devrait augmenter tiré par cette innovation.

Le marché des pesticides naturel est estimé aujourd'hui à deux milliards de dollars contre 54 milliards pour les pesticides chimiques. Les principales firmes du secteur se sont lancées dans la course en investissant dans des nouvelles unités de recherches et en rachetant des firmes spécialisées.

Un exemple de de la complémentarité des rôles du public et du privé

Une question de santé publique qui semblait irrésoluble il y a peu est en train de fortement s'améliorer grâce à l'émergence de cette solution tirée par les avancées technologiques au service de la recherche du profit. Cette situation apparaît comme un exemple marquant d'exercice de la moralité spontanée et involontaire de l'entreprise privée face à une pression générée par les consommateurs et les ONG.

L'émergence des pesticides naturels illustre parfaitement la complémentarité des rôles du privé et du public dans la Bonne Société. Le privé sait, à partir d'une opportunité technologique, faire émerger rapidement un produit viable économiquement et qui correspond à une attente du consommateur et de la Société. Il prend les risques, trouve les solutions techniques de production et de distribution ainsi que le design adapté. Le Secteur public ne sait pas le faire, ou en tout cas moins vite et moins bien. En effet, son rôle n'est pas d'innover et produire mais de réglementer en fonction de l'impact sur la santé publique. Lui et lui seul est à même de déterminer les bonnes normes de qualité et les faire respecter. Il doit mettre au point la stratégie publique qui permettra de nourrir le plus de personnes de façon respectueuse de l'environnement et sans risque sanitaire de long terme.

Inversement, la profitabilité des firmes chimiques ne saurait être suffisante pour autoriser et justifier l'existence d'une industrie qui touche à la santé publique. Même si, dans le cas présent, il y a une convergence heureuse entre le profit et la santé publique, il appartient exclusivement au législateur de déterminer le cadre normatif dans lequel cette industrie se développera. Le profit ne saurait tenir lieu de finalité, il est juste la mesure et la récompense de la bonne gestion au service de la collectivité.

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Commentaires 23
à écrit le 05/12/2014 à 12:25
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Quelle corruption dans la pensée unique. Quelle mauvaise foi (ignorance serait encore pire). C'est l'éternel décalage entre le professeur expert, avide d'honneurs et de flatteries, qui sait à peine différencier une sarclette d'une binette, mais qui s...

à écrit le 26/11/2014 à 0:12
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Avez vous déja regardé l'emballage d'un insecticide présenté comme "bio" ou "naturel"? On est loin d'un biofilm de bactéries. Ce sont en fait pour l'essentiel des pyrethrines (ou des pyretrhinoides), certes présents à l'état naturel (baies des ifs, ...

à écrit le 25/11/2014 à 0:25
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Il est quand même consternant de constater le nombre d'inepties que peuvent écrire deux professeurs d'économie d'une grande école : - Pour assurer la sécurité alimentaire il faudrait augmenter la production agricole alors que la planète produit déjà...

à écrit le 24/11/2014 à 9:04
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Il serait temps de comprendre que la réserve d'eau sous nos pieds est au moins d'un siècle, il faudrait qu'il ne pleuve pas pendant 100 ans pour ne plus avoir d'eau ! Aussi le climat change car la terre se réchauffe en son centre comme toutes planè...

à écrit le 23/11/2014 à 11:17
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"Les pesticides bio ont l'avantage d'être naturels". J'invite Messieur Guyot et Vranceanu à manger une poellée d'amanites phalloides. C'est 100% naturel et bio!

à écrit le 23/11/2014 à 9:38
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Très beau publi-reportage. J'espère pour les auteurs que la rémunération est à la hauteur.

à écrit le 22/11/2014 à 18:00
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Quelle indigence intellectuelle ! Cela commence dès la première phrase. « L'émergence d'un marché des pesticides bio, sous la pression des consommateurs et des ONG... » Comment ? Les consommateurs et une partie des ONG vivent dans la convictio...

à écrit le 22/11/2014 à 14:10
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Un bon livre scientifique sur le sujet: "Les OGM, l'environnement et la santé" www.amazon.fr/OGM/dp/2729827854/

à écrit le 22/11/2014 à 11:46
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Je n'ai même pas fini l'article vu les inepties dès le début... - La faim dans le monde a plus à voir avec le non partage des richesses qu'avec la production agricole. La production, elle est là, mais la maison ne fait pas crédit, c'est tout. - "...

le 24/11/2014 à 15:44
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Bien sur que si, les pesticides augmentent les rendements agricoles. Sans quoi il ne s'en vendrait pas.

à écrit le 22/11/2014 à 9:13
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Très curieux qu'il n.y ait aucune réflexion sur la notion de risque: introduire des composes dits naturels, issus de production d'organismes vivants, est infiniment plus problématique que d'introduire des composes issus de la chimie industrielle. Com...

à écrit le 22/11/2014 à 7:20
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les pesticides permettent l'extermination d'espèces vivantes. Par définition, ils ne peuvent être bio.

le 22/11/2014 à 8:36
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Les producteurs bio utilisent des produits naturels pour tuer les parasites de leurs cultures. Ça s'appelle des pesticides. Cela tue autant que les pesticides de synthèses.

le 23/11/2014 à 8:28
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Ces producteurs dit "bio" se limitent à respecter un cahier des charges qui n'est pas totalement respectueux du vivant même si cela va dans le bon sens. Tous les pesticides sont, au départ, issus de la nature.

à écrit le 21/11/2014 à 22:44
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" la profitabilité [...] ne saurait être suffisante pour autoriser [..] l'existence d'une industrie qui touche à la santé publique" Ha bon? On vit dans le même monde tous les deux?

à écrit le 21/11/2014 à 19:32
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Chacun a déjà pu constater que les "partenariats" faisaient que le public se faisait pomper par le privé. C'est son job. Néanmoins, l'étiquette "bio" est récupérée, comme toute chose juteuse...

à écrit le 21/11/2014 à 17:46
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Qui a fait que le traitement au purin d'ortie ait été interdit ?

le 21/11/2014 à 22:51
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Le purin d'ortie n'est pas interdit. Il a maintenant une AMM qui l'autorise a être vendu comme un phytosanitaire.

le 22/11/2014 à 8:31
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Les contrôleurs de la Draaf. Si l'étiquette parle d'action insecticide sans qu'il y ait d'AMM, ils interdisent la vente.

à écrit le 21/11/2014 à 15:26
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Beaucoup de références au "succès" des OGM, des "prises de risques" des semanciers, la "convergence heureuseuse, mais serait juste d'être honnête avec les lecteurs qui ne connaissent pas ces questions : la vérité c'est que depuis 50 ans, les agricult...

le 21/11/2014 à 16:31
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Il faut que l'organisme qui gère ça les "agrée" sinon interdites. Si c'est pas dans son "panier", pas intéressant donc pas autorisé... Le purin d'ortie, ça a fait un problème : pas bien défini, pas industriel donc pas vendable, interdit. Une pseudo ...

le 21/11/2014 à 16:52
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Qu'est ce que la "nature" ? Qu'est ce qu'un produit "naturel? L'homme est un animal "naturel , ses sociétés sont aussi "naturelles" que les bancs de sardines , ses constructions que les termitières et ses barrages que ceux des castors . L'"espace nat...

le 21/11/2014 à 16:56
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les OGM sont fait pour resister a des produits chimiques , des desherbants , les resistant a la secheresse sont du pipo pour nous faire avaler des couleuvres que les journalistes retransmettent...

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