Google : la France championne des demandes de droit à l'oubli

La gestion du droit à l'oubli par Google réserve quelques surprises. Par Charles Cuvelliez, Membre du Collège de l'IBPT (régulateur belge des télécommunications)

Google a surpris en étendant le droit à l'oubli (qui est en fait droit à être désindexé) à tous les domaines de Google et non pas uniquement au site google.fr pour les utilisateurs français. Jusqu'à présent, il était simple pour un internaute un peu curieux - quand il recevait l'annonce que des liens étaient enlevés suite à l'application du droit à l'oubli - d'aller sur le site google.com et de répéter sa recherche sur une personne, avec plus de succès.
Pour géolocaliser le droit à l'oubli, Google explique qu'il repèrera via l'adresse IP de l'internaute son pays d'origine et lui appliquera le droit à l'oubli applicable dans ce pays peu importe qu'il utilise google.com ou une de ses déclinaisons nationales (google.be, google.at,...).

Bien sûr, les utilisateurs de VPN qui permettent de contourner le géoblocage de Netflix par exemple ont déjà la parade mais l'effort devient plus grand et découragera les moins curieux.
Personne ne connait  la motivation de Google à avoir accepté cette avancée. Toujours est-il qu'elle a cédé. Dans le blog qui l'annonce, Google ne manque pas de rappeler le site qu'elle maintient avec les statistiques au jour le jour des demandes de désindexation et leur traitement.

Des statistiques édifiantes

Entre 29 mai 2014 et le 18 mars 2016, 1.417.150 liens URL ont été examinés pour une éventuelle désindexation pour 405.180 requêtes reçues. Seuls 42.6 % des URL examinés ont été désindexés. Google a reçu pour la France, via son formulaire web, 85.418 demandes de droit à l'oubli. Les requêtes issues de la France ont amené à la désindexation de 124785 liens mais 117035 autres liens ont été rejetés. Les sites affectés par la désindexation sont en fait variés car le top 10 des sites qui ont subi une désindexation d'un de leur liens ne compte que pour 8 % des de toutes les requêtes.

stat Google

Facebook tient la corde

Facebook tient la corde avec 12166 liens enlevés, suit ensuite le site profileengine.com, un outil de recherche d'informations publique dans les réseaux sociaux. C'est que grâce à son moteur de recherche, profileengine.com permet aux internautes de découvrir les informations publiées publiquement sur Facebook par les utilisateurs peu au fait des réglages. Le site collecte les informations sur Facebook et, même si elles disparaissent de Facebook, elles restent sur le site en question. On comprend qu'il soit en top 2 des demandes de désindexation....

On trouve dans ce top 10 les espaces personnels de Google (plus.google.com et les groupes de discussion, groups.google.com). Youtube et twitter y figurent aussi ainsi que des sites d'annuaires et un site de rencontre (badoo.com), considéré comme peu regardant en matière de protection de la vie privée. Les comptes sur badoo.com ne sont, en effet, jamais supprimés mais bloqués, ce qui lui permet d'augmenter son nombre d'inscrits (sans préciser la proportion de membres actifs). Autre site régulièrement l'objet de demandes de désindexation, www.wherevent.com, qui renseigne toutes les fêtes, évènements, apéros, portes ouvertes (pas forcément à tous) près de chez vous, peu importe si c'est sur invitation ou non. On comprend aussi qu'il soit la cible des désindexations.

Les types de demandes de désindexation et leur chance de succès

C'est intéressant de parcourir les exemples de désindexation, acceptés ou non, que Google décrit: ils résument sa philosophie. Une condamnation qui a eu lieu dans le passé et référencée sur Internet ne sera jamais désindexée sauf si la loi du pays encadre un droit à récupérer sa réputation par une certaine forme d'oubli (un cas cité en GB via le UK Rehabilitation of Offenders Act) ou sauf si la personne a été innocentée en appel par exemple. Si on a été victime d'un crime, par contre, les demandes de désindexation seront acceptées.

Si vous êtes un personnage public ou un fraudeur, vos demandes seront rejetées, et de citer l'exemple d'un homme politique britannique qui aurait bien voulu faire retirer le lien vers une page, quand on tape son nom, d'une pétition demandant sa démission. Si vous êtes mineur, vous serez aussi protégé puisqu'en Belgique, Google a accepté la demande d'un adulte qui voulait voir disparaître la référence à sa participation à un concours lorsqu'il était mineur.

Des statistiques étonnantes

Tous les exemples vont dans le même sens: en Lettonie, un activiste qui s'est fait poignarder lors d'une manifestation a demandé, avec succès, à Google que la référence à cette mésaventure disparaisse (victime) En Italie, un article de journal qui mentionnait le nom de l'épouse d'un homme qui avait été assassiné a été retiré de Google à la demande de la première (victime). En Pologne, un homme d'affaire n'a pas eu gain de cause lorsqu'il demanda à Google de retirer les liens vers un site qui rapportait qu'il avait entamé des poursuites contre un journal (personnage public). En Suède, une femme a obtenu gain de cause pour que n'apparaisse plus le site qui donne son adresse quand on tape son nom dans une requête de recherche (vie privée). En Angleterre enfin, un individu n'a pas pu faire enlever le lien qui relatait son licenciement d'une entreprise au sein de laquelle il s'était rendu coupable de harcèlement.

En cas de crime mineur et ancien, Google accepte cependant d'enlever le lien, et de citer le cas d'un enseignant en Allemagne. Par contre, mal vous en prendra si vous regrettez d'avoir vous-même posté du contenu compromettant ou idiot, c'est vous qui l'avez fait. Mais pour du contenu privé reposté par un tiers, vous aurez gain de cause !

Les statistiques par pays sont étonnantes : elles témoignent d'une sensibilité très variable selon la nationalité : la France représente le top des demandes avec 241820 demandes et un % de refus de 51.6 %., le deuxième le moins élevé. La Bulgarie, le Portugal, la Russie, la Roumanie et Malte sont les pays où la taux de refus dépasse les 70 %. De la Russie émanent à peine 4753 demandes de droit à l'oubli mais on peut comprendre que le droit à la vie privée y soit moins développé avec les 70 ans de régime communiste que ce pays a subi.

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Commentaires 5
à écrit le 05/05/2017 à 13:53
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Bien triste... que les gens assument leur connerie au lieu de vouloir les cacher

à écrit le 21/03/2016 à 11:26
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Google a refusé de retirer une photo de moi nue associée à mon réel (photo hébergée sur un ste américain pour me nuire, j'ai gagné mon procès mais la justice Française ne peut ordonner la suppression d'un contenu web étranger !). La raison motivant G...

le 23/03/2016 à 22:55
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Vous avez raison : en refusant systématiquement le droit à l'oubli aux anciens condamnés, Google s'autoproclame casier judiciaire à ciel ouvert. Une double peine à perpétuité, et un frein constant à la réinsertion, qui est pourtant le meilleur remède...

à écrit le 21/03/2016 à 11:25
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Du "si t'as rien à te reprocher" de Joseph Goebbels, serait-on passé aux prédictions du 1984 d'Orwell ??

le 24/03/2016 à 9:22
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Oui mais c'est tout à fait ça ! Et il n'y a que trop peu de garde fou. La CNIL ne pouvant supprimer que les contenus hébergés en France, deux mois après que vous aurez contacté le responsable éditorial. Aux US, la diffamation publique est permise jus...

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