La « Stratégie pour le logement » du Gouvernement repose sur une idée simple en apparence mais dont les implications sont complexes et controversées : les aides à la pierre doivent cibler la construction dans les zones de tension locative (les métropoles, pour l'essentiel) et la rénovation sur le reste du territoire, dit « détendu ». Il est résulté de ce choix l'annonce de la suppression des dispositifs d'encouragement de la construction neuve (Pinel pour les investisseurs et PTZ pour les accédants à la propriété) en 2018 et 2020, dans les zones dites B2 et C, qui regroupent près de 60 % de la population française.
Cette décision, comme tous les choix difficiles, cristallise des oppositions. La FPI partage notamment le constat de l'imperfection du zonage actuel et prône l'idée de le faire évoluer régulièrement, en examinant au cas par cas le classement des villes les plus dynamiques en zones tendues et des villes saturées en zone détendue.
Besoin de vision, d'ambition, de cohérence
Pour autant, j'ai aussi la conviction que cette France, celle des villes moyennes, des sous-préfectures, des territoires qu'on qualifie tantôt de périurbains ou de semi-ruraux, mériterait bien plus qu'un débat sur des outils. C'est d'une vision que nous avons besoin, d'une ambition, d'une cohérence. Et c'est parce que nous avons collectivement failli à bâtir cette vision que nous sommes aujourd'hui pris de court par un recentrage des aides qui, rappelons-le, sous-tendait déjà le plan de relance de l'accession à la propriété de... 2011 !
Pour fonder cette vision, il faut revenir au phénomène marquant des vingt dernières années : la métropolisation. C'est une chance et un défi pour la France : une chance, parce qu'elle est porteuse de croissance et d'innovation et créatrice de valeur ; un défi par les nouveaux risques qu'elle induit : la congestion, la pollution, l'insécurité et, surtout, les déséquilibres territoriaux : la croissance des métropoles s'opère aujourd'hui au détriment des territoires « détendus » qui les entourent.
Créer une dynamique, miser sur les atouts, apprendre de nos erreurs
Tout l'enjeu de la politique de « cohésion des territoires » consistera dans les années qui viennent à refaire pour les villes moyennes vis-à-vis des métropoles ce que nous avons réussi pour les métropoles vis-à-vis de l'Ile de France : créer une dynamique, miser sur leurs atouts, apprendre de nos erreurs.
Aujourd'hui, ces villes accueillent ceux qui aspirent à la péri-urbanité comme ceux qui la subissent. Les premiers recherchent la qualité de vie, en profitant du numérique ou du télétravail ; les autres se résignent aux transports pendulaires faute de pouvoir s'employer sur place et se loger à bon marché dans les zones tendues. A tous, malgré leurs différences, nous offrons le même espace de vie « déceptif » : des entrées de ville ratées, des centres villes où la vacance progresse, du pavillonnaire diffus consommateur d'espaces agricoles. C'est à cette dérive que le gouvernement a souhaité mettre fin, et il a ouvert le débat : il nous faut maintenant dire collectivement ce vers quoi cette France-là doit tendre.
Ma conviction est que cette mutation reposera d'abord sur l'accès à l'emploi et aux services, mais le logement devra l'accompagner ; ou plus que le logement, l'aménagement - un aménagement innovant et de qualité, à l'écoute des besoins des habitants, centré sur l'usage, le bien-être, la santé. Nous détenons là une formidable occasion de penser plusieurs modèles économiques nouveaux, en tenant compte des initiatives sociales et solidaires qui émergent un peu partout, du vieillissement mais aussi du formidable renouvellement des générations et de leur soif de disruption.
Donner les moyens aux collectivités de dessiner la ville
Cet aménagement inventif que j'appelle de mes voeux, il a un coût, et si les professionnels doivent se battre pour flécher des ressources publiques vers notre secteur, c'est sur cet axe qu'ils doivent le faire. La solvabilisation massive de la demande, en tout point du territoire, est une impasse : dans les zones détendues, il faut d'abord donner les moyens aux collectivités locales de dessiner la ville - y compris la petite ville - du XXIe siècle, pour leur donner l'envie et les moyens de construire.
Saisissons l'occasion que nous donne la Conférence des territoires pour poser ce sujet du financement de l'aménagement : la FPI a proposé de flécher vers les collectivités locales une partie de la TVA immobilière issue de la construction neuve ; on peut aussi imaginer des mécanismes de partage des bénéfices de la croissance des métropoles avec les territoires qui les entourent. Il n'existe d'autre paradis sur Terre que celui qu'on se bâtit, là où on a choisi de vivre. Aidons chaque Français à le faire sien.
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