Moderniser le droit d'auteur en Europe pour atteindre un public plus vaste

Il faut moderniser le droit d'auteur en Europe. En permettant aux citoyens européens de disposer de leurs achats culturels en ligne dans toute l'Unioin. Par Andrus Ansip, Vice-Président de la Commission européenne (Marché unique du numérique) et Günther H. Oettinger, Commissaire européen (Economie et Société numériques)
Andrus Ansip et Günther H. Oettinger

Au cours de nos longues expériences politiques, nous avons tous deux pu constater à quel point les technologies numériques avaient pris de l'ampleur dans chacun de nos pays. Aujourd'hui, alors que nous travaillons en équipe au sein de la Commission européenne à l'avenir numérique de l'Europe, nous pouvons mesurer l'écart séparant les règles européennes des réalités de l'ère numérique.

Ces technologies ont radicalement changé nos vies, nos comportements, nos attentes. À l'heure actuelle, plus de la moitié des Européens utilisent leur smartphone, leur tablette ou leur ordinateur portable pour accéder à internet lorsqu'ils sont en déplacement. Ce chiffre est encore plus élevé chez les jeunes. Les mentalités, elles aussi, évoluent. Aujourd'hui, 22 % des Européens estiment que le téléchargement illégal est acceptable s'il n'existe pas d'alternative légale dans leur pays. En filigrane, cela montre que les Européens sont prêts à payer pour un contenu légal, et qu'ils le sont de plus en plus.

Un potentiel de croissance exponentiel

En France, 27% des personnes qui ont regardé des films, des séries TV et autres vidéos en ligne ont payé pour y avoir accès, notamment via un abonnement ou par le biais d'achats individuels. Et 32% des citoyens qui n'ont pas encore d'abonnement en ligne estiment que la possibilité d'accéder, lors d'un voyage à l'étranger, aux films, à de la musique ou à des livres électroniques qu'ils auraient achetés serait un facteur important dans la décision de souscrire un tel service.

Ainsi, le marché des contenus légalement disponibles a-t-il un potentiel de croissance exponentiel et comporte-t-il une forte dimension transfrontalière.

Un droit d'auteur à moderniser

Reste que les règles européennes du droit d'auteur n'ont quasiment pas bougé depuis leur première mise en œuvre, voici environ 15 ans. La révolution numérique venait alors à peine de commencer. Par de nombreux aspects, ces règles ne sont donc plus adaptées aux évolutions numériques.

Nous savons tous deux que le droit d'auteur suscite des débats passionnés. D'aucuns sont réticents à apporter le moindre changement au système actuel; d'autres réclament une révolution. Il faut être clair et pragmatique : le droit d'auteur est l'un des fondements de la créativité et de la diversité culturelle, de même que le principe de la juste rémunération des créateurs dans un environnement numérique. C'est pourquoi nous voulons une évolution, pas une révolution.

Un droit à la portabilité transfrontalière

Nos réformes doivent déboucher sur des règles équilibrées et ciblées qui donnent aux Européens un meilleur accès aux contenus culturels qu'ils recherchent, tout en récompensant ceux qui créent et ceux qui investissent dans la création. Notre objectif ultime est de moderniser les règles pour aider la culture européenne à atteindre un plus vaste public.

Sept mois après avoir présenté notre Stratégie pour un marché unique du numérique, nous sommes prêts à agir. Aujourd'hui, la Commission européenne publiera sa première proposition législative sur le droit d'auteur. Celle-ci vise à permettre à ceux qui souscrivent des services de contenu en ligne dans un pays de l'Union - livres électroniques, musique, jeux, films, séries TV, manifestations sportives - d'utiliser ces services lorsqu'ils voyagent dans un autre État membre. Une option qui, à l'heure actuelle, est rarement possible. Il s'agit donc de créer un droit à la "portabilité transfrontalière" des services de contenu en ligne.

Une possibilité temporaire

Cette possibilité de voyager avec ses films, séries, chansons ou livres électroniques sera temporaire, et ne remettra pas en cause les contrats liant les détenteurs de droit aux fournisseurs de services. Ceux-ci définiront eux-mêmes les détails de la portabilité, dans l'intérêt de tous, et renégocieront leurs contrats s'ils l'estiment nécessaire. Nous voulons rassurer ceux qui s'en inquiètent: il ne s'agit pas de mettre à mal le système de territorialité des droits que nous souhaitons conserver. Il s'agit de répondre aux attentes des Européens et de renforcer l'attrait des abonnements et des offres légales en général.

Ce sera un véritable changement pour les Européens, similaire à la décision de mettre fin aux frais d'itinérance (« roaming ») dans l'UE. Nous souhaitons que les Européens bénéficient de ce droit dès 2017. Nous devons travailler avec nos partenaires, le Parlement européen et les États membres au sein du Conseil, pour qu'un accord soit rapidement trouvé.

 Faciliter l'accès aux contenus d'un pays à l'autre

En parallèle, nous présenterons aussi aujourd'hui un plan d'action qui définit nos ambitions politiques sur les autres aspects du droit d'auteur. Ces dernières seront traduites en propositions législatives au printemps 2016. Il s'agira là de trouver des solutions pour faciliter l'accès à plus de contenus numériques d'un pays à l'autre de l'UE, mais aussi de modifier les règles au profit de secteurs clés tels que l'éducation et la recherche. Une démarche essentielle pour l'avenir de l'Europe.

Nous entendons aussi mieux combattre le piratage en renforçant le respect dû aux règles relatives au droit d'auteur en ligne. Cela ira de pair avec la recherche d'une rémunération plus juste pour les créateurs et pour ceux qui investissent dans la création lorsque leurs œuvres sont diffusées en ligne. Nous allons rechercher les meilleures solutions pour y parvenir.

La question du cinéma

Au final, nous sommes conscients des préoccupations exprimées par certains à l'égard de nos projets de réforme, à l'instar des cinéastes qui souhaitent conserver le modèle économique existant fondé, pour l'essentiel, sur la territorialité des droits. Nous le disons clairement : nous n'avons pas l'intention de toucher à ce qui fonctionne, et nous ne voulons pas imposer de licence paneuropéenne. Nous avons discuté avec les créateurs ainsi qu'avec toutes les autres parties intéressées afin de parvenir à une approche équilibrée. Le droit d'auteur doit rester le moteur de la création culturelle à l'ère du numérique. Dans le même temps, aujourd'hui plus que jamais, il est crucial de créer un environnement permettant aux Européens de découvrir et d'apprécier la culture par le biais de nouveaux moyens numériques.

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