Promouvoir la créativité humaine

Le salaire n'était pas seulement payé par les employeurs en échange d'un travail le plus souvent pénible et fastidieux : il était également le prix du sacrifice de la santé - souvent de la vie - de ces travailleurs. Par Michel Santi, économiste(*).

Le terme de labeur nous vient de l'époque médiévale et a coïncidé - ou est issu (?) - du déclin de l'esclavage en Europe et de l'adoption généralisée de l'argent comme moyen de paiement. Le travail fut en effet une manière de monétiser l'effort et le talent humains. Quant à la productivité, sa perception est née vers le milieu du XVIIe siècle lorsque les processus d'industrialisation et d'urbanisation commençaient à modifier fondamentalement la société de l'époque, essentiellement basée sur l'agriculture. En ce temps-là, croissance économique rimait avec conditions de travail très précaires, voire dangereuses, car les ouvriers étaient contraints de s'exposer afin d'extraire la matière énergétique indispensable au fonctionnement des industries et des manufactures. Autrement dit, le salaire n'était pas seulement payé par les employeurs en échange d'un travail le plus souvent pénible et fastidieux : il était également le prix du sacrifice de la santé - souvent de la vie - de ces travailleurs. La croissance économique était le plus souvent édifiée sur le sacrifice humain.

Ce n'est qu'à la faveur de la mécanisation - donc le remplacement progressif de l'homme par la machine pour les tâches les plus pénibles - que la distinction entre travail et vie put s'établir. Tandis que le temps passé au travail autorisait un gain économique et financier, celui consacré à la vie désormais qualifiée de « privée » se révéla petit à petit crucial pour notre équilibre physique et psychique. En dépit - ou grâce (?) - au travail qualifié et de l'hyper spécialisation des tâches en vigueur actuellement, la plupart d'entre nous vit pour le week-end, pour les vacances, revendique un droit à la déconnexion ou la semaine de 35 heures... Les employeurs rivalisent désormais en inventivité - ou en manipulations (?) - pour tirer plus d'heures de travail de leurs salariés. Ne nous faisons pas d'illusion: les aspects jeunes, branchés, voire ludiques, des «open space» des startups et des entreprises techno - dont il est prouvé qu'ils sont générateurs de stress tant ils sont bruyants - ont surtout pour objectif d'allonger les heures de travail de leurs collaborateurs. Selon cette même logique, Facebook n'a-t-il pas récemment offert 10.000 dollars de bonus à ceux de ses salariés ayant choisi de vivre près de leur lieu de travail ?

Pourtant, en 2017, la productivité n'est plus nécessairement corrélée aux heures de travail passées au bureau. A l'ère de la robotisation, il devient donc fondamental de promouvoir et d'apprécier la créativité, qui est notre valeur ajoutée différentiante, que nulle machine et qu'aucun robot ne pourra insuffler. Réjouissons-nous, du reste, de cette évolution fulgurante du concept de travail depuis l'époque médiévale, car, un jour très prochain, il ne nous sera demandé - à nous les humains- que d'être créatifs.

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(*) Michel Santi est macro économistespécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme""Capitalism without conscience""L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique""Misère et opulence". Son dernier ouvrage : «Pour un capitalisme entre adultes consentants», préface de Philippe Bilger.

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Commentaire 1
à écrit le 31/10/2017 à 10:01
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"car, un jour très prochain, il ne nous sera demandé - à nous les humains- que d'être créatifs." Vous êtes bien trop optimise, il est impossible de ne pas prendre en compte le freinage puissant qu'impose lesp ossédants au progressisme. La rob...

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