« Soft Power » et paradoxes : comment certains États polissent leur image via les institutions internationales

OPINION. La manière dont l’Arabie Saoudite et la Chine utilisent les mécanismes du "Soft Power" pour améliorer leur image à l’international, contraste avec leurs politiques internes. La décision de l’ONU de nommer l’Arabie Saoudite à la tête de la Commission de la condition de la femme, souligne ainsi les paradoxes dans l’approche de l’ONU et les impacts possibles sur les standards des droits de l’Homme. Par Véronique Chabourine, membre du bureau de l'association Renew Europe France Paris, déléguée chargée de la communication.
(Crédits : DR)

Le 27 mars, l'organisation mondiale des Nations Unies (ONU) à désigné l'Arabie Saoudite, classée 131e pays sur 146 en terme d'inégalités de genre pour présider la 69ème Commission de la condition de la femme en 2025. Cette nomination suscite de vives réactions et incompréhensions, justifiées, de la part d'autres organisations mondiales. Cette commission œuvre pour l'égalité des sexes et l'autonomisation sur les plans social, politique et économique. Les 45 États membres incluant l'Allemagne, l'Autriche et le Danemark ont approuvé la candidature du royaume. Cette nomination représente une première victoire significative pour l'Arabie Saoudite, depuis son échec en octobre 2021 à intégrer le Conseil des droits de l'Homme, échec dû à de graves préoccupations relative à son bilan en matière de droits humains. Parmi les critiques figurent la persistance de la discrimation envers les femmes malgré des réformes législatives, mais aussi pour sa violation des droits humains plus générales.

En mars 2022, l'Arabie Saoudite a promulgué la Loi sur le Statut Personnel (PSL) présentée comme un progrès vers la modernisation légale et l'égalité de genre. Toutefois, cette loi est critiquée par des organisations pour ne pas respecter suffisamment l'autonomie des femmes ni garantir l'égalité des droits, conformément aux normes internationales des droits humains. Le PSL perpétue le système de tutelle masculine en exigeant le consentement d'un tuteur pour le mariage des femmes, réserve aux hommes le droit de demander le divorce sans restrictions, et ne protège pas efficacement contre la violence domestique conditionnant l'aide financière des femmes à leur soumission.

Un article du Guardian met en lumière la pression potentielle exercée par les États d'Asie-Pacifique sur les Philippines, qui devaient présider jusqu'en 2025, pour céder leur place à l'Arabie Saoudite. Cette dernière  assumera la présidence de la Commission de la femme des Nations Unies lors du 30e anniversaire de la Déclaration de Pékin en 2025. Occuper cette position pendant une année aussi symbolique représente pour le royaume une opportunité sans précédent d'exercer son influence en matière de droits des femmes mais surtout de polir son image sur la scène internationale.

En 2024, selon le classement de Soft power, l'Arabie Saoudite a nettement renforcé sa stratégie de développement international, se hissant à la 9ème place mondiale en termes d'influence, juste trois rangs derrière la France et atteignant la 10e place dans le domaine des relations internationales, avec un gain impressionnant de 12 places en trois ans. Cette progression est le résultat d'une diplomatie ainsi que par des signifiants investissements dans les secteurs du  tourisme et du football, qui lui ont valu une large couverture médiatique à l'échelle mondiale.

En 2024, la Chine continue de renforcer son influence mondiale, se classant au 2ème rang en termes d'influence et 5e pour les relations internationales  dans le classement de Soft power. Elle a adopté une stratégie ciblée utilisant sa position de deuxième plus important contributeur au Conseil de sécurité de l'ONU et ses contributions financières à des programmes spécialisés.

La contribution financière des  membres de l'ONU aux opérations de maintien de la paix et à d'autres activités est calculée sur la base de plusieurs critères tels que le produit national brut (PNB) et la capacité de paiement parmi d'autres facteurs économiques. Néanmoins, les  États ont la latitude d'orienter volontairement leurs investissements vers des initiatives spécifiques qui servent leurs intérêts. Par exemple, la Chine a choisi de soutenir  le développement durable à travers son initiative Belt and road (nouvelles routes de la Soie), qui inclut des partenariats avec l'ONU. De même, l'Arabie Saoudite et l'aide humanitaire au Yémen en coordination avec des agences de l'ONU telles que le Programme Alimentaire Mondial (PAM) et l'UNICEF.

L'Arabie Saoudite et la Chine, parmi d'autres nations, adoptent une politique de dualité en promouvant des initiatives internationales pour améliorer leur image globale, tout en maintenant sur leur sol des politiques moins conformes à ces mêmes standards. De son côté, l'ONU adopte une approche de relativisme en acceptant les contributions financières de ces pays malgré des préoccupations relatives à leurs pratiques internes. Cette situation met en lumière les défis inhérents à la gouvernance mondiale, risquant la dilution des standards internationaux des droits de l'Homme et la normalisation des pratiques autoritaires.

Pour renforcer ses mécanismes de responsabilisation, L'ONU pourrait intensifier l'usage de l'Examen Périodique Universel (EPU), non seulement pour évaluer mais aussi pour imposer des recommandations contraignantes qui lieraient certaines contributions financières à des améliorations tangibles des droits humains. En outre, en élargissant son réseau de partenariats avec des acteurs non étatiques, l'ONU pourrait diversifier ses sources de revenus diminuant ainsi sa dépendance à l'égard des contributions des États membres. En 2022, lors de son intervention à l'Assemblée générale de l'ONU, Emmanuel Macron a mis en exergue cette nécessité de cohérence, critiquant les doubles standards et soulignant l'importance du respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale pour préserver la paix et la stabilité internationales.

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Commentaires 2
à écrit le 16/04/2024 à 10:03
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Tout n'est qu'apparence ! Il n'est pas besoin d'aller bien loin pour le constater...Voyez la coalition bruxelloise nominé UE et les résultats que subissent les nations !

à écrit le 16/04/2024 à 9:57
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Un régime mondial oligarchique reposant sur toutes les obsessions des oligarchies nationales leur imposant de tous respecter leurs tendances divergentes dans un contexte dramatique de fin de déclin. Le "soft power" c'est la décadence de chaque oligar...

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