Trump peut-il inverser le cours de sa présidence  ?

L'économie des États-Unis croît à un rythme modeste, avec de faibles taux de chômage et d'inflation. Normalement, ces conditions devraient renforcer la position d'un président américain vis-à-vis du public. Et pourtant, ce n'est pas le cas ! Par Michael J. Boskin (*)
Michael J. Boskin, professeur d'économie à l'Université de Stanford et Senior Fellow de la Hoover Institution, a présidé le Conseil économique de George H. W. Bush de 1989 à 1993.

 La cote d'approbation de Donald Trump est bien inférieure à 40%, de l'ordre de celle que l'on pourrait attendre au cours d'une récession. Bien sûr, la vraie popularité de Trump pourrait être un peu plus élevée que ce que les sondages donnent à penser, étant donné que ce sont les mêmes enquêtes qui ont échoué à prédire sa victoire en novembre dernier.

Néanmoins, même si Trump a maintenu le soutien de sa base, sa lune de miel post-inauguration s'est avérée éphémère. Maintenant, il commence à perdre le soutien des républicains qui espéraient que Trump aurait arrondi les angles et évolué une fois au pouvoir.

Aucune grande réussite législative pour Trump

Jusqu'à présent, Trump n'a obtenu aucune grande réussite législative. Néanmoins, il a aidé l'économie à réduire les diktats réglementaires et administratifs dommageables imposés par le président Barack Obama dans des domaines tels que l'énergie, l'éducation, la finance et le droit du travail. De plus, même les républicains du Congrès qui se sont éloignés des déclarations les plus extrêmes de Trump - certains même avant sa réponse inadéquate aux violences commises lors d'un rassemblement de suprématistes blancs à Charlottesville, Virginie - continuent à soutenir ses principales propositions politiques, et comptent sur lui pour promulguer les lois conservatrices qui ont reçu le véto d'Obama.

Que Trump soit dans le bureau ovale, dans l'Air Force One ou dans sa résidence de Mar-a-Lago, il réside dans une bulle géante, comme tous les présidents, où les personnes qui l'entourent ont l'habitude de lui dire ce qu'il veut entendre. Voilà pourquoi il est si important que les présidents aient des aides et des conseillers, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la Maison-Blanche, qui sont prêts à leur dire quand ils font fausse route.

John Kelly, le bon choix de Trump

En adressant des reproches publics à ses conseillers, Trump a rendu encore plus difficile, mais aussi encore plus nécessaire, pour ceux qui l'entourent de lui dire ce qu'il a besoin d'entendre. À ce stade, la priorité de son administration devrait être de développer des processus plus disciplinés pour faire en sorte que le président reçoive des informations précises et des options de politiques efficaces.

À cet égard, la décision de Trump de nommer John Kelly, un général des Marines à la retraite, comme chef de la Maison-Blanche, était une première étape importante. C'est également le cas des décisions d'écarter son stratège en chef intransigeant, Steve Bannon, et de procéder à un processus délibératif d'examen de la politique afghane, qui a changé le point de vue de Trump sur l'action des États-Unis dans ce pays. Kelly contrôle désormais entièrement le flux d'information et de personnes qui atteignent le président. Mais il reste à voir si Trump lui-même peut être plus discipliné.

On a rarement une deuxième chance de faire une première impression. Mais ces occasions se présentent parfois pour les présidents des États-Unis. L'administration de Bill Clinton a commencé par un manque de discipline, une tentative avortée de réforme des soins de santé et un échec des démocrates aux élections de mi-mandat de 1994. Pourtant, Clinton a renversé la situation, grâce à la nomination de nouveaux conseillers et à un déplacement vers le centre politique, ce qui lui a permis d'être réélu en 1996 et de travailler avec un Congrès contrôlé par les Républicains pour équilibrer le budget et réformer la sécurité sociale.

L'histoire se répète-t-elle ?

De même, Ronald Reagan a subi un échec important des Républicains aux élections de mi-mandat en 1982. À cette époque, les États-Unis connaissaient une profonde récession, en raison de la politique dure de désinflation de la Réserve fédérale, que Reagan avait soutenu. Mais l'économie a connu une forte reprise, aidée par les réductions d'impôts et l'augmentation des dépenses militaires décidées par Reagan. En 1984, Reagan a remporté une victoire écrasante lors de sa réélection. L'administration de Jimmy Carter, en revanche, n'a jamais surmonté ses problèmes et est maintenant considérée comme un échec lamentable.

Lors de leur prise de fonctions, tous les présidents des États-Unis se rendent vite compte que leur autorité en matière de politique intérieure et économique est limitée par le Congrès et les tribunaux, mais qu'ils ont beaucoup plus d'influence sur les affaires étrangères et la sécurité nationale. Trump, pour sa part, a mis un point d'honneur à être plus énergique que Barack Obama avec les alliés et les ennemis sur les questions de sécurité. Alors que la Corée du Nord fait des progrès alarmants dans ses programmes de missiles balistiques nucléaires et intercontinentaux, l'approche de Trump connaît son premier véritable test.

En ce domaine, le président John F. Kennedy pendant la crise des missiles de Cuba en 1962 fournit la meilleure analogie. L'administration Kennedy a trébuché lourdement quand elle a essayé de déstabiliser le régime communiste de Fidel Castro à Cuba - un effort qui a abouti au fiasco de la Baie des Cochons. Mais, en restant ferme face au Kremlin, Kennedy a obtenu un règlement pacifique à la crise : l'Union soviétique a retiré ses missiles nucléaires de Cuba et les États-Unis ont retiré discrètement leurs missiles de Turquie.

Trump dans les pas de ces prédécesseurs ?

Le dictateur nord-coréen Kim Jong-un fonctionne sans aucun doute selon un calcul politique différent de celui des Soviétiques, et la situation stratégique sur la péninsule coréenne est encore plus difficile que ce qu'elle n'était à Cuba. La Corée du Nord dispose d'un grand arsenal conventionnel qui pourrait s'abattre sur les dix millions de Coréens du Sud dans la ville voisine de Séoul, causant des dégâts immenses. Pourtant, si la réponse ferme de Trump finit par être couronnée de succès, il pourrait renforcer son attrait.

Les décisions réelles de Trump importent beaucoup plus que son comportement conflictuel. Mais son comportement peut malgré tout affecter les options qui sont à sa disposition. Si son taux d'approbation publique chute trop bas, moins de membres du Congrès travailleront avec lui et plus de membres travailleront contre lui. De plus, son penchant remarquable pour éclipser de bonnes nouvelles avec des attaques sans aucun lien sur Twitter permet aux médias, massivement de gauche et hostiles, d'accorder trop d'importance à sa personnalité, tout en ignorant les succès substantiels de son administration.

Par exemple, au début du mois, alors que de nombreuses personnes étaient obsédées par la rhétorique de Trump, le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson a obtenu l'approbation de sanctions plus sévères envers la Corée du Nord par le Conseil de sécurité des Nations Unies, et la Chine a déclaré qu'elle réduirait ses importations en provenance du Nord. Peu après, la Corée du Nord a annulé le lancement d'essais de missiles prévus qui devaient viser les eaux autour du territoire américain de Guam.

Sur le plan politique, l'Amérique est profondément polarisée. Mais sur la plupart des questions, les Américains veulent des solutions de bon sens aux problèmes réels, et le gouvernement ne joue qu'un rôle limité dans leur vie. Trump a la possibilité de réduire les impôts, d'améliorer les infrastructures des États-Unis et de remplacer ou de modifier la Loi sur les soins abordables (Obamacare). Pour réussir, il doit faire preuve de respect pour les points de vue opposés raisonnables et édulcorer ses positions les plus extrêmes pour élargir son soutien populaire.

Mais, surtout, il a besoin de coopérer avec le Congrès, comme Reagan et Clinton l'ont fait. S'il le fait, il pourrait renverser le cours de sa présidence, confondre ses critiques et laisser un héritage positif. Le peut-il?

_______

Traduit de l'anglais par Timothée Demont

--

(*) Michael J. Boskin, professeur d'économie à l'Université de Stanford et
Senior Fellow de la Hoover Institution, a présidé le Conseil économique
de George H. W. Bush de 1989 à 1993.

Copyright: Project Syndicate, 2017 - www.project-syndicate.org

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.