Transports en Île-de-France : la RATP se réveille, la concurrence s'impatiente

Le groupe opérateur de transports publics parisien vient de créer une filiale dédiée à l'ouverture à la concurrence en région parisienne. Transdev et Keolis sont sur les rangs pour lui damer le pion, sur un marché francilien qui a été particulièrement lent à mettre fin à une situation de monopole.
César Armand
Après les bus de grande couronne en cette année 2021, les lignes de train Transilien seront, elles, ouvertes à la concurrence entre 2023 et 2032. Suivront le Grand Paris Express à partir de 2024, le bus à Paris et en petite couronne en 2025, le RER E entre 2025 et 2039, le tramway RATP en 2030, les RER C et D entre 2033 et 2039 avant le réseau de métro, ainsi que les RER A et B, en 2040.
Après les bus de grande couronne en cette année 2021, les lignes de train Transilien seront, elles, ouvertes à la concurrence entre 2023 et 2032. Suivront le Grand Paris Express à partir de 2024, le bus à Paris et en petite couronne en 2025, le RER E entre 2025 et 2039, le tramway RATP en 2030, les RER C et D entre 2033 et 2039 avant le réseau de métro, ainsi que les RER A et B, en 2040. (Crédits : DR)

C'est l'histoire d'une exception française. Voire même francilienne. Le 11 février dernier, l'autorité organisatrice des transports en Île-de-France, IDF Mobilités (IDFM, ex-STIF) attribuait cinq contrats d'exploitation de bus dans les Yvelines et le Val-d'Oise pour un montant total de 1 milliard d'euros.

Une situation inédite

Les heureux lauréats : Transdev (filiale de la Caisse des Dépôts) gardant pour sept ans le réseau de Montmorency (95) et prenant pour quatre celui du Vexin (95) à RATP Dev. Keolis (filiale de la SNCF) récupérant pour cinq ans les lignes de Transdev entre le 78 et le 95 et pour huit ans celles de Poissy-les-Mureaux jusque-là exploitées par Transdev (90%) et RATP Dev (10%). RATP Dev (filiale de la RATP) héritant de Keolis du réseau centré autour de Mantes-la-Jolie (78).

Cela n'a l'air de rien, mais c'est inédit depuis la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF), prise en application du règlement européen de 2007 et prévoyant l'ouverture à la concurrence des bus en région parisienne. La loi d'orientation des mobilités de décembre 2019, alors portée par la ministre des Transports et ex-PDG de la RATP Elisabeth Borne, venant encadrer cette ouverture.

C'est sans doute pourquoi quatre jours après cette réattribution, le groupe RATP annonçait la création d'une nouvelle filiale dédiée « à son développement sur la mobilité » en Île-de-France : RATP Cap Île-de-France. « Nous nous préparons activement à l'ouverture à la concurrence », confirme un porte-parole. « Nous sommes à un moment charnière de notre histoire avec l'ouverture progressif du réseau historique », ajoute-t-il. Il s'agit de « répondre finement aux enjeux des territoires franciliens et de son autorité organisatrice Île-de-France Mobilités (IDFM, ex-STIF) dans les années à venir », insiste-t-il.

Nommé ce 1er mars 2021, le président de RATP Cap Ile-de-France Xavier Lety, 45 ans, « est expérimenté », dit-on encore à la RATP. « Il a travaillé sur le précédent contrat RATP-STIF (ancien nom d'IDFM, Ndlr), de même qu'il a dirigé les départements Tramways et RER de l'entreprise. Cette filiale va associer des talents du groupe, de l'établissement public d'intérêt commercial comme de RATP DEV, à des compétences externes », poursuit-on.

72 ans de monopole !

D'autant que depuis soixante-douze ans, c'est le réseau Optile (Organisation professionnelle des transports d'Île-de-France, Ndlr), composé de 79 membres, qui exploite ces lignes en moyenne et grande couronne francilienne (90% des communes, 6 millions de Franciliens) qui monopolisait l'exploitation de ces lignes.

« C'est assez surréaliste d'avoir figé des positions acquises en 1949 ! », s'exclame ainsi Frédéric Baverez, directeur exécutif France du groupe Keolis. « La France est de fait à ce jour un des pays les moins ouverts à la concurrence dans les transports publics, et ce malgré ses avantages pour les autorités organisatrices et pour les clients voyageurs ! », s'impatiente-t-il.

Après les bus de grande couronne en cette année 2021, les lignes de train Transilien seront, elles, ouvertes à la concurrence entre 2023 et 2032. Suivront le Grand Paris Express à partir de 2024, le bus à Paris et en petite couronne en 2025, le RER E entre 2025 et 2039, le tramway RATP en 2030, les RER C et D entre 2033 et 2039 avant le réseau de métro, ainsi que les RER A et B, en 2040. « La règle est la même partout ailleurs en France et dans la quasi-totalité du monde. Seule l'IDF faisait exception », rappelle le directeur général d'IDF Mobilités Laurent Probst.

« Tout n'est pas bon à prendre. Nous répondons aux appels d'offres où il y a de la place pour faire mieux », confie Brice Bohuon, directeur général adjoint France de Transdev.

Du côté du groupe Keolis, « tout Optile, les bus, les trams, le métro et même les téléphériques le moment venu », déclare, Frédéric Baverez. En revanche, sur les RER, la filiale de la SNCF ne sera pas en concurrence avec son actionnaire. « Mais nous sommes en revanche déjà positionnés sur les trams-trains à travers Transkeo (sur le tramway 11, Ndlr) », assure le directeur exécutif France. Les tram-trains étant des véhicules pouvant circuler à la fois sur des voies de tramway en ville et sur des rails en périurbain.

Très attendus sur l'info voyageurs

En cas de nouveaux contrats, Brice Bohuon (Transdev) promet, lui, « une meilleure qualité de desserte pour faire renoncer les gens à leur voiture » et « une meilleure régularité pour être meilleurs sur les grilles horaires ». En région hors IDF, « si l'autorité organisatrice nous le permet, on reconçoit les réseaux de bus : les destinations, les fréquences, les amplitudes, voire la vitesse commerciale », affirme Frédéric Baverez (Keolis).

« Cela peut être l'occasion de revoir les tracés des lignes comme il peut y avoir des propositions innovantes en termes d'information voyageurs » espère le président de l'association des usagers des transports en Ile-de-France (AUT-IDF) Marc Pélissier.

Il n'est toutefois pas question que les transporteurs développent leur propre application, mais proposent des services que l'autorité organisatrice IDF Mobilités intégrera à sa propre appli. Par exemple, Transdev propose déjà de suivre l'approche des bus sur une carte comme pour les taxis et VTC.

« Nous devons faire des progrès sur l'info voyageurs (bus en retard, temps de retard) », concède le DG d'IDFM. « L'information ne remonte pas dans les systèmes d'information et est compliquée à remonter vers les smartphones des voyageurs », relève Laurent Probst.

 De l'hydrogène vert et non gris

Outre de meilleurs services numériques, l'autorité organisatrice comme les transporteurs font le pari de la transition écologique et énergétique. Outre le biogaz et l'électrique, en cours de déploiement dans l'ensemble des bus franciliens, « nous voudrions pour 2024 de l'hydrogène vert et non plus de l'hydrogène gris pour 2024 », fait savoir le DG d'Ile-de-France Mobilités.

« L'hydrogène a tous les avantages de l'électrique sans les inconvénients liés aux batteries, mais la filière reste encore très onéreuse : sur la durée de vie d'un bus, l'électrique est 1,45x plus cher que le diesel, l'hydrogène 4x plus », réagit Frédéric Baverez (Keolis).

« Nous réfléchissons à des expérimentations portées par IDFM . Cela coûte très cher mais c'est très important pour lancer des filières », complète Brice Bohuon (Transdev).

Un risque de « casse sociale » ?

Autre sujet et non des moindres : la transition sociale des agents d'un transporteur à un autre. Les syndicats alertent déjà sur des risques de « casse sociale ». « On entend tout et son contraire, c'est difficile de juger », souligne le président de l'association des usagers des transports en Île-de-France (AUT-IDF) Marc Pélissier.

Laurent Probst d'IDFM dément : « Au contraire, nous allons recruter partout en IDF,  via les opérateurs, du fait de l'augmentation de l'offre de 20% entre maintenant et 2030, comme on l'a fait depuis 2016 ». Il faut « former les agents au changement, les expliquer, les rassurer, car ils vont travailler différemment », abonde Brice Bohuon, de Transdev.

Dans tous les cas, la RATP restera, elle, la gestionnaire des infrastructures et a même créé en janvier 2020 une filiale en ce sens : « RATP Infrastructure » De la même manière qu'elle se positionnera, encore et toujours, comme une opératrice de la ville durable et intelligente. Outre la RATP Cap Île-de-France, elle vient en effet de lancer une autre entité baptisée « RATP Solutions Villes » « pour proposer une offre sur les services urbains en complémentarité de notre expertise de transporteur public urbain », dixit son porte-parole.

Lire aussi : À quoi ressembleront les transports publics franciliens de demain ?

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 03/03/2021 à 8:03
Signaler
Pour ceux qui se rejouissent bien a tord, cela signifie a terme d'autres tarifs, mais a la hausse, actionnaires obligent...le prive c'est bien, mais ca marche pas tjrs mieux, voir les trains au royaume uni retombes depuis peu dans le public....

à écrit le 02/03/2021 à 17:33
Signaler
Vive la concurrence et l'arrivée d'opérateurs prives Q du bonheur bye bye la ratp comme la sncf avec leur greve leur retard leur service calamiteux et leur tête non aimable

à écrit le 02/03/2021 à 9:11
Signaler
Les usagers s'impatientent mais les clients se font plutôt du soucie!

à écrit le 02/03/2021 à 8:27
Signaler
Encore une décision de "justice" ( politique?) Après une justice extrêmement rapide pour l ancien premier ministre ( plus rapide que dans cas de Monsieur Balladur Chirac et Jupe et suffisamment rapide pour l écarter de l élection...) Une nouvelle d...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.