À quoi ressembleront les transports publics franciliens de demain ?

Plus confortables, plus utiles, plus connectés, plus écologiques... Les transports publics, saturés aujourd'hui, devraient fortement évoluer ces prochaines années. D'autant plus que le marché sera bientôt libéralisé.
César Armand
L'ouverture à la concurrence des transports publics franciliens devrait contraindre les acteurs historiques et les futurs entrants à offrir de meilleures prestations qu'aujourd'hui.
L'ouverture à la concurrence des transports publics franciliens devrait contraindre les acteurs historiques et les futurs entrants à offrir de meilleures prestations qu'aujourd'hui. (Crédits : Pixabay)

C'est une véritable révolution que s'apprêtent à vivre les transports publics franciliens à partir de 2023 : l'ouverture progressive à la concurrence. D'abord, les lignes du Transilien, puis les lignes du Grand Paris Express, les RER et, finalement, le métro parisien en 2039. Un big bang auquel se préparent déjà tous les acteurs du marché. Aux enjeux primordiaux.

« L'avenir de la mobilité passe par le transport de masse, rappelle Laurent Probst, directeur général d'Île-de-France Mobilités (IDFM, ex-STIF). On aura toujours besoin de métros et de trains pour réaliser près de 10 millions de déplacements par jour. »

Quel que soi(en)t le ou les opérateurs d'après-demain, l'autorité organisatrice des transports dans la région a déjà mis 10 milliards d'euros sur la table pour les métros et RER de « nouvelle génération ». Ces derniers seront plus spacieux pour faciliter la montée et la descente des passagers. Plus lumineux aussi, mieux climatisés et équipés de ports USB. L'ouverture à la concurrence des transports publics franciliens (voir encadré ci-bas) devrait contraindre en effet les acteurs historiques et les futurs entrants à offrir de meilleures prestations qu'aujourd'hui.

« La concurrence va apporter de l'innovation et logiquement de nouveaux services, ce qui peut attirer davantage de clients, souligne Claude Faucher, délégué général de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). Dès lors, nous pouvons entrer dans un cercle vertueux, avec de nouvelles recettes et davantage de services qui amènent plus de clients », poursuit-il.

Miser sur le numérique

Île-de-France Mobilités veut également mettre le paquet sur la révolution numérique au service des Franciliens. L'organisme prépare pour 2020 une application qui fera du mobility-as-a-service, c'est-à-dire regroupant tous les modes de mobilité. Ses fonctionnalités seront également accessibles sur les agrégateurs, comme Uber et CityMapper, qui permettront dès lors d'acheter des titres de transport. À l'horizon 2030, date de livraison du Grand Paris Express, cette application « sera un véritable assistant qui comparera le trajet en transport en commun à celui en voiture, promet Laurent Probst. Si la ligne L dysfonctionne, l'appli saura conseiller de prendre la U pour ne pas arriver en retard au travail. »

Lire aussi : Uber ambitionne de devenir l'« Amazon des transports »

Avec toutes les données que pourront bientôt collecter ces professionnels, « il est logique que les opérateurs de mobilité deviennent des opérateurs de services de la ville de demain, relève Claude Faucher. La pression politique et sociale pour la qualité va être de plus en plus forte. »

IDF Mobilités, en tant qu'autorité organisatrice placée sous la responsabilité politique de la présidente de région, entend bien demeurer aux avant-postes. Elle dispose déjà d'un système de comptage intelligent qui calcule les entrées et les sorties et régule la climatisation selon le nombre de passagers. À partir de fin 2020, elle s'en servira pour afficher sur les applications et les écrans des quais la charge de chaque wagon. « Les voyageurs pourront ainsi choisir leur place avant même de monter », assure même Laurent Probst.

Grâce au machine learning, l'abondance de données doit aussi pouvoir nourrir une intelligence artificielle, qui peut aider à la prise de décision. Par exemple, IDFM a signé en début d'année un contrat avec Padam, une startup spécialisée dans le transport à la demande. Objectif : lancer une application centralisant les requêtes des voyageurs et indiquant le trajet à suivre aux chauffeurs. « Avec l'intelligence artificielle, on peut utiliser cette solution dans des endroits où on ne pouvait pas le faire », s'enthousiasme Laurent Probst.

Dans ce cas, quid des voitures autonomes qui pourraient sortir nombreux Franciliens de l'autosolisme ? « Cela risque d'accroître la congestion, voire la saturation, de l'espace public », estime Claude Faucher de l'UTP. Nous risquons de descendre entre 0,5 et 0,6 passager par véhicule contre 1,2 aujourd'hui, tant les trajets sans passagers pourraient se multiplier entre domicile, bureau, école de l'enfant ou club de sports », prévient-il. IDF Mobilités mise, elle, sur les navettes autonomes collectives. « Elles seront plus confortables que les voitures, tout en révolutionnant les transports dans les zones rurales », avance Laurent Probst.

Lire aussi : Voiture autonome : « Arrêtons de rêver de technologies hors-sol »

La libéralisation du marché interviendra en outre dans un contexte de transition écologique. IDF Mobilités entend bien montrer la voie en commandant uniquement des bus « propres » à l'horizon 2025, à la RATP, mais cette dernière pense déjà à l'après.

Lire aussi : La région Île-de-France investira 10 milliards d'euros pour la transition écologique

Des opérations d'économie circulaire

Tout en convertissant ses dépôts actuels au biogaz et à l'électricité pour répondre à cette injonction énergétique, la régie de transport travaille à la reconversion urbaine de l'ensemble de ses sites. Elle a notamment signé un partenariat avec le promoteur en bois Woodeum, pour étudier la possibilité de construire des immeubles en bois massif sur 70.000 mètres carrés de sites industriels, de type locaux techniques ou voies ferrées.

La RATP cofinance également des opérations d'économie circulaire, comme l'expérimentation d'une déchetterie fluviale l'été dernier, au côté de Suez. « Partenaire privilégié des villes durables », elle entend bien « faire valoir [ses] atouts différenciants avant de perdre [son] monopole », résume, sans détour, Marie-Claude Dupuis, sa directrice de la stratégie, de l'innovation et du développement.

___

ENCADRÉ

Les dates clés de l'ouverture à la concurrence :

2023 Toutes les lignes de Transilien, hors RER

2024 Lignes 16 et 17 du Grand Paris Express (GPE)

2026 Ligne 18 du Grand Paris Express

2025 Bus RATP, ligne 15 du GPE

2027 RER E

2029 Trams RATP

2033-2039 Lignes C et D du RER et métro.

___

ZOOM

La gratuité des transports fait débat

À l'approche des élections municipales, il faut savoir chouchouter ses administrés. La capitale n'échappe pas à la règle. Depuis le 1er septembre, les transports publics sont gratuits pour les Parisiens de 4 à 11 ans et les personnes handicapées de moins de 20 ans. Le Pass Navigo des collégiens et des lycées est remboursé à 50 % par la Ville, et l'abonnement Vélib' offert aux 14-18 ans. Dès janvier dernier, la maire Anne Hidalgo expliquait que la capitale autofinancerait ces quatre mesures. Pas de quoi rassurer sa meilleure ennemie, Valérie Pécresse, la présidente de l'autorité organisatrice Île-de-France Mobilités, qui avait fermé la porte à la gratuité totale des transports en octobre 2018. Le prix du pass dézoné est de 75,20 euros. « Cela coûterait cher à la collectivité pour un impact marginal sur l'environnement, et ce, au prix d'une tension accrue sur le réseau de transport », écrivaient les auteurs d'un rapport remis à Valérie Pécresse.

De même, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), qui rassemble les entreprises exploitantes de réseaux, est tout autant opposée à la gratuité. « Au regard des recettes, ce serait une folie de se passer de la contribution des voyageurs », insiste son délégué général Claude Faucher. « Nous ne sommes pas opposés à des tarifs sociaux pour ceux dont la situation économique est difficile, mais la contribution des voyageurs est nécessaire pour développer plus de services et plus d'offres sur le plan quantitatif (fréquences, amplitudes horaires) que qualitatif (matériels, wifi à bord...) », poursuit-il. Sur ce point, l'UTP est sur la même longueur d'onde que la Fédération nationale des associations des usagers de transport (FNAUT).

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 28/11/2019 à 11:16
Signaler
La seule chose qui importe : des trains automatisés à 100%. Le reste, c'est du vent.

à écrit le 28/11/2019 à 9:12
Signaler
Et plus sûr ??

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.