Crash de Viadeo : le parcours du LinkedIn français en six dates

En difficultés depuis deux ans, le réseau social professionnel Viadeo a été placé en redressement judiciaire mardi 30 novembre. L'ex-fleuron français du numérique a connu une ascension fulgurante avant de subir les conséquences d'un modèle économique bancal et de la concurrence de LinkedIn. Démonstration en six dates.
Sylvain Rolland
La consécration pour Viadeo arrive en juillet 2014, lorsque la société réussit son entrée en Bourse, sur le marché réglementé d'Euronext, à Paris. Après, le long déclin commence.

Il n'y a pas de place pour deux réseaux sociaux professionnels qui proposent sensiblement le même service. Cela s'appelle le "winner takes all" (le gagnant rafle tout) et c'est l'une des tables de la loi des startups du numérique. En difficultés depuis deux ans, Viadeo a été placé en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, ce mardi 30 novembre.

     | Lire. Viadeo placé en redressement judiciaire

  • Juin 2004, Viaduc se lance

Dan Serfaty et Thierry Lunati sont des entrepreneurs persuadés qu'Internet représente une opportunité formidable de faciliter les interactions entre les professionnels. Les deux hommes créent d'abord un club d'entrepreneurs, baptisé Agregator. Puis ils décident de passer à la vitesse supérieure en montant une plateforme sur Internet, baptisée Viaduc. Ce réseau social avant l'heure (Facebook, qui a popularisé le terme, a vraiment éclos en 2006) sera ensuite ouverte aux professionnels de tous les secteurs et statuts. De son côté, LinkedIn a un an et reste très peu connu.

En juin 2006, Viaduc boucle sa première levée de fonds : 5 millions d'euros. L'aventure commence.

  • 2007, deuxième levée de fonds et 1 million d'utilisateurs

Viaduc, qui permet autant de construire et d'agréger son réseau professionnel que de gérer sa réputation en ligne, devient rapidement populaire. En janvier 2007, le réseau social revendique 1 million d'utilisateurs et est désormais disponible en six langues. Dans la foulée, il décide de réaliser une deuxième levée de fonds, de 5 millions d'euros également, et de changer de nom en août, pour s'appeler Viadeo, plus moderne. Le réseau social affiche haut ses ambitions.

  • 2008 - 2011, l'internationalisation à tout va

Alors que le concurrent allemand Xing se concentre, avec succès, sur le marché des pays germanophones, plus restreint mais plus facilement monétisable, Viadeo décide de partir à la conquête du monde, et notamment des pays émergents, où il pense qu'il peut se faire un nom aux côtés de LinkedIn.

L'Asie est une cible privilégiée. En février 2008, Viadeo achète Tianji, le réseau social professionnel leader dans l'ex-Empire du milieu. En juillet 2009, ce sera au tour de l'Indien Apna-Circle. L'Espagnol ICTnet (juillet 2008) et le canadien Unyk (décembre 2009), un site de gestion des contacts, suivent. En Russie, Viadeo créé une joint-venture avec le groupe Sanoma.

Des filiales sont crées au Mexique (février 2009), à San Francisco (août 2010) et au Maroc (août 2011. Mais sans beaucoup d'investissements sur place. San Francisco, par exemple, est choisie pour héberger la R&D du groupe... alors même que le coût des ingénieurs y est trois ou quatre fois supérieur à la France.

  • 2012 - juillet 2014, l'apothéose

Parallèlement, le groupe multiplie les rachats de startups pour améliorer la qualité de son service. En plus du canadien Unyk, Viadeo met la main sur la société néerlandaise Soocial ou encore sur la startup française Pealk, un logiciel de recherche et de contact de professionnels, pour développer son offre.

En avril 2012, la société réussit un quatrième tour de table, de 24 millions d'euros, pour poursuivre sa stratégie d'expansion. De 26 millions d'utilisateurs fin 2010, Viadeo passe à 48 millions en décembre 2012 et à 65 millions fin 2014. Toujours loin, toutefois, de son grand rival LinkedIn, qui revendiquait plus de 300 millions d'utilisateurs en avril 2014.

La consécration pour Viadeo arrive en juillet 2014, lorsque la société réussit son entrée en Bourse, sur le marché réglementé d'Euronext, à Paris.

  • Mi 2014 - 2016, le déclin

En juillet 2014, lors de son entrée en Bourse, Viadeo est capitalisée à hauteur de 148,5 millions d'euros. Ce sera son plus haut niveau. Car la société peine à convaincre sur ses fondamentaux économiques et n'arrive pas à devenir rentable.

Il faut alors réduire la voilure. Après un premier plan social fin 2014, Viadeo décide de se recentrer sur la France. Avec 25 millions d'utilisateurs, la Chine est, de loin, son premier pays, mais c'est en France, où le réseau social compte fin 2014 millions de membres, que l'entreprise réalise la quasi-totalité de son chiffre d'affaires.

Autrement dit, l'expansion internationale de Viadeo est trop coûteuse et son modèle économique fonctionne mal. Le système de l'abonnement payant ôte une grande partie de l'intérêt pour les utilisateurs "gratuits". A partir de 2015, la société fait machine arrière et s'inspire de LinkedIn, dont le coeur du modèle économique est de faire payer les entreprises lorsqu'elles recrutent via sa plateforme, et qui est rentable depuis 2006.

Mais la société est déjà en danger. En 2015, ses pertes atteignent 23,3 millions d'euros, notamment suite à son retrait de Chine, dans le courant de l'année. En Bourse, le titre s'effondre : de 148,5 millions de dollars, la valorisation passe à... 10 millions d'euros en novembre 2016. Sur les neuf premiers mois de l'année, le chiffre d'affaires a chuté d'un tiers, à moins de 12,3 millions d'euros.

  • Novembre 2016 : suspension de la cotation et redressement judiciaire

Vingt jours avant l'annonce du redressement judiciaire, les actionnaires actuels se disent déjà que les carottes sont cuites et le cours de Bourse est suspendu. L'action Viadeo ne vaut plus que 99 centimes, contre 17,10 euros au moment de l'entrée en Bourse. Elle a perdu 55% depuis le début de l'année et 66% en 2015.

Aujourd'hui, Viadeo revendique toujours 40 millions de membres dans le monde, dont 11 millions en France -un peu plus que LinkedIn. Visiblement, il intéresse toujours, puisque plusieurs repreneurs potentiels ont manifesté leur intérêt. Le service fonctionnera toujours pendant la période du redressement judiciaire.

De son côté, son grand concurrent, LinkedIn, revendique plus de 500.000 utilisateurs. Le 13 juin 2016, il a été racheté par Microsoft pour la somme colossale de 26,2 milliards de dollars (23,3 milliards d'euros).

     | Lire. Microsoft rachète LinkdIn pour 26 milliards de dollars

Sylvain Rolland

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Commentaires 6
à écrit le 04/12/2016 à 23:15
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Dans le numérique, tout va très vite, faut se diversifier sinon, dans le temps, c'est la mort.

à écrit le 01/12/2016 à 21:32
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Personnellement je pratique les 2 et a mon sens la grosse erreur de viadeo c'est d'avoir un moteur qui ne vous présente que des profils dans votre propre secteur ce qui n'a aucun intérêt. Linkedin est beaucoup plus ouvert même sur la seule france

à écrit le 01/12/2016 à 18:51
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26 milliards de dollar pour Linkedin...???? Le monde est fou!!!

à écrit le 01/12/2016 à 10:00
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Article baclé, il manque des chiffres

à écrit le 01/12/2016 à 8:29
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Viadeo est trop France focus, alors que Linkedin est World focus...très grosse différence pour le business. Je n'ai jamais aimé Viadeo, beaucoup moins pro que Linkedin. Maintenant que Linkedin est Microsoft, ce portail est également voué à disparaitr...

le 01/12/2016 à 12:29
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Viadeo aurait pu faiure comme XIng qui est uniquement pour les profils germanophone. mais ils ont voulu se disperser et donc etre fort nulle part. fatal pour ce type de produit ou la valeur vient uniquement du fait que tout le monde y est

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