[Article publié le mardi 30 avril 2024 à 9h37, mis à jour à 10h40] Arnaud Lagardère a annoncé ce mardi quitter les mandats exécutifs qu'il exerce au sein de son groupe, dont celui de PDG. Une décision contrainte et forcée.
« Dans le cadre de sa mise en examen, une mesure provisoire d'interdiction de gérer a été prononcée à l'encontre de M. Arnaud Lagardère, mesure qu'il conteste et contre laquelle il va faire appel, mais qui le contraint néanmoins à se démettre de ses mandats exécutifs au sein du groupe », a indiqué Lagardère dans un communiqué.
Le dirigeant est soupçonné d'avoir puisé dans les comptes de ses sociétés pour financer son train de vie et ses dépenses personnelles pendant plusieurs années. Il a été mis en examen pour « diffusion d'informations fausses ou trompeuses, achat de vote, abus de biens sociaux et abus de pouvoir et non-dépôt de comptes », a indiqué à l'AFP une source judiciaire. En plus de l'interdiction de gérer, l'homme d'affaires de 63 ans a été « placé sous contrôle judiciaire » et a « l'obligation de fournir un cautionnement de 200.000 euros », selon la même source.
Pour rappel, le groupe Lagardère, racheté à l'automne dernier par Vivendi, possède un réseau très profitable de boutiques dans les gares et aéroports (enseignes Relay, magasins Duty Free), des salles de spectacle célèbres (Casino de Paris, Folies Bergère...), des médias (Europe 1, le Journal du dimanche...), ou encore le numéro un français de l'édition, Hachette Livres.
Des faits s'étalant sur 11 ans
Cette mise en examen a été annoncée après qu'Arnaud Lagardère ait été interrogé par des juges d'instruction financiers lundi. Il était arrivé peu après 9h00 au tribunal de Paris et en était ressorti vers 19h30 avec ses avocats Sébastien Schapira et Dimitri Grémont, comme l'a constaté l'AFP. Cet interrogatoire s'est inscrit dans le cadre de l'information judiciaire ouverte par le parquet national financier (PNF) en avril 2021 sur une triple base : une plainte du fonds Amber Capital, un signalement de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et un signalement du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C, devenu la Haute autorité de l'audit (H2A).
Les faits reprochés à l'homme d'affaires ont été commis entre avril 2009 et décembre 2022. Arnaud Lagardère est soupçonné d'avoir « fait financer son train de vie et ses dépenses personnelles en puisant dans les fonds des sociétés Lagardère SAS et Lagardère » (LCM), a détaillé la source judiciaire. Pendant plusieurs années, ces sociétés « auraient notamment pris en charge des dépenses liées aux immeubles qu'il occupe ainsi qu'une créance successorale et de nombreuses avances en compte courant », a-t-elle ajouté.
Le groupe a pour sa part assuré ce mardi que « cette mise en examen porte essentiellement sur des faits concernant des sociétés personnelles lui appartenant intégralement et n'impliquant aucune société du groupe Lagardère ». « S'agissant de Lagardère SA, la mise en examen de M. Arnaud Lagardère concerne uniquement des faits datant de 2018 et 2019, qualifiés d'achat de vote, d'abus de pouvoir et de diffusion d'information fausse ou trompeuse, faits qu'il conteste fermement », a affirmé le groupe.
La chute d'un empire
Cet épisode judiciaire est le dernier en date dans un long feuilleton qui a vu l'héritier Lagardère perdre son aura et solder au fil des années le groupe fondé par son père. Pour rappel, l'empire Lagardère, fruit de la fusion entre l'avionneur Matra et l'éditeur Hachette, a été bâti par Jean-Luc Lagardère. Son fils, Arnaud, y est entré dès 1986 après l'obtention de son diplôme d'économie et en a hérité en 2003 à la mort de son paternel.
Dans la décennie suivante, Arnaud Lagardère s'est endetté, a cédé la branche aérospatiale EADS et vendu plusieurs médias. Surtout, il a renoncé en 2021 à la commandite par actions, statut créé par son père qui leur a permis à tous les deux successivement de diriger le groupe Lagardère avec moins de 10% du capital. Ce qui a précipité le démantèlement de l'empire familial. Ce démantèlement a été parachevé en novembre dernier lorsque le groupe a été racheté par le géant des médias et de l'édition Vivendi, contrôlé par la famille du milliardaire Vincent Bolloré. Désormais, c'est un autre milliardaire, Bernard Arnault, qui compte lui ravir Paris Match, son groupe LVMH ayant annoncé en février être entré en négociations exclusives pour racheter le magazine people.
(Avec AFP)
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