Télécoms : le PDG d’Ericsson déplore la situation « désastreuse » de l’Europe

Börje Ekholm, le chef de file du géant suédois des équipements télécoms, considère que la réglementation européenne sape la compétitivité du secteur. Il appelle Bruxelles à changer de politique, et à autoriser davantage d’opérations de consolidation.
Pierre Manière
Börje Ekholm, le patron d'Ericsson.
Börje Ekholm, le patron d'Ericsson. (Crédits : Reuters)

À l'approche des élections européennes, le secteur des télécoms poursuit son lobbying contre la politique de Bruxelles à son égard. Dans les colonnes du Financial Times, Börje Ekholm, le PDG d'Ericsson, a sorti la sulfateuse ce mardi. À ses yeux, l'Europe et son industrie des télécoms se trouvent dans « une situation désastreuse »« Certains hommes politiques s'inquiètent d'une hausse des prix à court terme, mais cela met en péril la compétitivité à long terme du continent », a-t-il affirmé.

Le dirigeant fait directement référence aux multiples tentatives de fusions entre opérateurs télécoms qui ont été interdites par la Commission européenne ces dernières années. Celle-ci redoute, à chaque fois, que ces opérations de consolidation réduisent la concurrence et provoquent des hausses de prix. Le problème, d'après Börje Ekholm, c'est qu'en protégeant - trop à son goût - le consommateur, Bruxelles sape la compétitivité de l'industrie des télécoms. À l'en croire, la réglementation actuelle conduit l'Europe « à la dernière place et à l'insignifiance » en matière de numérique, et même sur le plan industriel au sens large.

Chute des ventes d'Ericsson

Si Börje Ekholm est si préoccupé par la situation des opérateurs télécoms, c'est parce qu'Ericsson paye cash leurs difficultés. Celles-ci se traduisent, concrètement, par un report du déploiement de la 5G, et donc de moindres achats d'équipements et autres antennes. Au premier trimestre, les ventes d'Ericsson ont reculé de 15%, à 53,3 milliards de couronnes (4,6 milliards d'euros). Le groupe fait le dos rond, et réduit au maximum ses coûts en attendant que les investissements des opérateurs reprennent. Au mois de mars, Ericsson a notamment annoncé la suppression de 1.200 emplois en Suède.

Lire aussiLe gouvernement veut donner un coup de fouet au développement de la 5G industrielle

Ces préoccupations d'Ericsson sont partagées par son rival Nokia, et par presque tous les grands opérateurs du Vieux Continent. C'est en particulier le cas d'Orange, qui a récemment appelé à davantage de consolidation. « Les opérateurs européens souffrent d'un manque cruel de retour sur leurs investissements dans les réseaux », a écrit l'opérateur dans un « manifeste » publié le 12 avril dernier.

« Un désastre industriel »

Cette opinion fait aussi son chemin dans les milieux politiques. L'ex-Premier ministre italien, Enrico Letta, a récemment rédigé un rapport sur le marché intérieur européen. Dans un entretien au journal Le Monde, il déplore « la fragmentation » de plusieurs secteurs, dont les télécoms :

« Un opérateur télécom chinois aujourd'hui a, en moyenne, 467 millions de clients, un américain en compte 107 millions et un européen..., 5 millions ! On dénombre en Europe plus de 100 opérateurs télécom, on a divisé le marché en vingt-sept, c'est un désastre industriel. »

« Les règles doivent évoluer »

Lui aussi finit par appeler à plus de consolidation pour accoucher d'acteurs plus grands, avec davantage de capacités d'investissement. « Les règles en matière de concurrence dans ces secteurs stratégiques que sont les télécoms, l'énergie et les marchés financiers doivent évoluer, affirme-t-il. L'antitrust européen ne doit plus se prononcer en fonction de l'état de la concurrence dans un seul pays de l'UE, mais à l'échelle du continent ».

Lire aussiL'Union européenne veut réviser la réglementation des télécoms

Chez Orange, ce point de vue a été salué. Directeur des affaires publiques du géant français des télécoms, Laurentino Lavezzi a indiqué, sur X, qu'« il est urgent de mettre la régulation en adéquation avec la réalité de marchés qui gomment les frontières entre le monde des télécoms et celui du logiciel ». Il appartient au politique, désormais, de décider.

Pierre Manière

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Commentaires 11
à écrit le 03/05/2024 à 7:53
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Les citoyens européens également, enfin surtout les français trahis par nos dirigeants politiques. On ne peut pas faire aimer une tas d'ordures à marche forcée.

à écrit le 03/05/2024 à 5:51
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Avoir des couts de communication bas, un bon réseau télécom et un cout bas de l'énergie sont des facteurs d'attractivité (zone euro). Ensuite monsieur Ericsson a peut être oublié que l'éviction de Huawei (grace aux US) a ouvert un boulevard à lui com...

à écrit le 03/05/2024 à 5:51
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Avoir des couts de communication bas, un bon réseau télécom et un cout bas de l'énergie sont des facteurs d'attractivité (zone euro). Ensuite monsieur Ericsson a peut être oublié que l'éviction de Huawei (grace aux US) a ouvert un boulevard à lui com...

à écrit le 02/05/2024 à 19:06
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Franchement, les "Télécoms" comme vecteur de Facebook , Instagram, TiK Tok, de l'IA generative ou pas.... ça ne saute pas immédiatement aux yeux que ce soit culturellement, socialement et peut être économiquement un progrès.

à écrit le 02/05/2024 à 18:57
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La disparition des télécoms en France à commencé en 1995 quand le démantèlement d'Alcatel-Alsthom a été amorcé. Dans la période pré-explosion de l'internet et de toutes les entreprise de la tech qui sont devenu par la suite des gafams aussi riche que...

le 02/05/2024 à 19:40
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@Azerty, vous êtes dans une réalité alternative, Alcatel n'a jamais été un géant de la recherche, sans la R&D des PTT et le marché captif en France il n'était rien, et dans les années 90 son siège était déjà aux Pays-Bas!

le 03/05/2024 à 9:07
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Beluga a raison,vous avez tort. Un IN (réseau intelligent) n'a absolument rien a voir avec l'IA. Alcatel attendait les tech de France Telecom (le GSM, ''groupe spécial mobile', était de leur R&D à Rennes, et quand FR a demandé des fax, Alcatel a dem...

le 03/05/2024 à 22:45
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@belou et nico Merci pour vos posts, Une précision Alcatel avait du R/D à Colombes et Brest, l'usine de PABX D'anciens du R/D de l'époque sont arrivés chez Atos. Un mot sur la question d'avoir une entreprise comme Alcatel et le Cnet deux fleur...

le 04/05/2024 à 0:01
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@nico Quelle époque en vrac : tcpIp, Unix les scripts shell, l'assembleur, Ittil, la qos, le Rnis, Cisco, Linux, asterisk, le C, l'active directoty, ssl VPN, ect. Instant nostalgique. Avant Lucent, Alcatel avait fait son basculement sur l'IP avec...

à écrit le 02/05/2024 à 18:24
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Les règles sont très dures pour les opérateurs. L’innovation quitte donc le marché européen. On a de la connectivité à pas cher, avec des réseaux gourmands en énergie alors même que l’on a développé les technologies plus vertes. C’est assez paradoxal...

à écrit le 02/05/2024 à 18:15
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C'est simple : L'europe fait tout pour ne pas concurrencer les USA.

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