Carnet de bord décalé : "In Ben we trust"

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.

Lundi 1 nov. Fortune cookie

En ce jour férié de la Toussaint, les traders se seraient bien dispensés de travailler. A quoi bon faire le guet derrière ses écrans radar toute la journée pour quelques bribes de milliards d?euros de titres échangés. Tous les ans, c?est la même rengaine, mais les bonus n?attendent pas et il faut bien les justifier ! Heureusement, les opérateurs font l?objet d?une délicate attention. Chacun découvre avec surprise un « fortune cookie », ce fameux petit gâteau renfermant un message personnalisé très prisé dans l?Empire du Milieu, délicatement posé sur son clavier. A la lecture du script, les visages s?illuminent. Contre toute attente, l?indice PMI chinois des directeurs d?achats a gagné du terrain en octobre en atteignant 54,7 contre 53,8 un mois plus tôt. La nouvelle fait son effet et porte le CAC40 jusqu?à un plus haut de séance à 3873,77 points quelques minutes après l?ouverture. Soit 1,05% de plus que son niveau du vendredi à la clôture. Jusqu?à ce que l?organisme finisse de digérer la friandise. Les estomacs ne sont pas rassasiés et crient famine. L?enthousiasme retombe, tout comme l?éphémère dynamique haussière. Pour le Financier façon Fed, il faudra attendre encore deux jours?

 

Mardi 2. Peau neuve

En définitive rien ne vaut une bonne marée noire pour justifier des décisions auxquelles on n?avait pas pensées auparavant. C?est un peu alambiqué comme stratégie de communication mais vu ce qu?il vient d?endurer dans le golfe du Mexique, BP (Bon Pollueur) n?est plus à cela près. Et sur un malentendu cela peut bien passer auprès du marché. De fait, la litanie de chiffres trimestriels évacuée, Bob Dudley, le tout nouveau, tout neuf, tout américain patron de la major britannique entre dans le vif du sujet : la facture de la marée noire. Celle-ci s?élève désormais à 40 milliards de dollars. Gloups ? Boby, très cool derrière son pupitre, une main dans la poche explique à son auditoire que vu les cessions d?actifs, il n?y a pas de quoi mazouter trois pattes à un pélican ? On entend une mouche voler ? Blague à part, cette marée noire est une aubaine puisqu?elle a permis au groupe de céder des actifs non-stratégiques, nettoyer son portefeuille et enfin ressusciter, totalement épuré, laver de ses impuretés, blanc comme un cierge. Si, si ? Attention investisseurs, le nouveau BP est arrivé ! Et en prime, Boby promet la reprise du versement des dividendes dès l?an prochain. Là, ça fait mouche ! Le titre reprend du poil de la bête en bourse et s?adjuge 1,80 % ?Une marée noire pour faire peau neuve, il fallait y penser !

Mercredi 3. « In Ben we trust »

Steeve Jobs peut aller se rhabiller. Le vrai roi du marketing désormais c?est Ben. Chacune de ses innovations sont attendues comme la dernière révolution qui va changer l?ordre des choses. Là ? Trois mois ! Trois long mois que les marchés attendent avec impatience la sortie du dernier joujou de la Fed ? Pas un IPhone, ni un IPad. Non, le QE2 !!! Ben s?est même fendu d?un passage au télé-achat aux côtés d?une plantureuse blonde pour vanter les mérites du QE2 : « véritable couteau suisse financier qui vous permettra de voir l?avenir autrement, d?inonder la planète de nouvelles liquidités, de booster les exportations et les marchés d?actions bref l?outil indispensable que chacun devrait avoir chez soi. Le QE2, un concentré de liquidités utiles ». Il a fallu aussi entretenir l?excitation en susurrant quelques chiffres à l?oreille des investisseurs-groupies hystériques aux yeux révulsés, lançant à la première apparition de Ben des égosillements stridents. 100 ? 500 ? 2.000 milliards de dollars ? Ca c?est du teasing ! Attendue comme une rock star, Ben lâche finalement LE chiffre : 600 milliards de rachats de bons du trésor ! Et comme l?excitation est à son comble, la foule est en délire ? Jusqu?à ce que l?ivresse des liquidités retombe. Jusqu?au prochain dégrisement.

Jeudi 4. Label Père fouettard
Pas facile d?être programmé en deuxième partie du « King of Fed ». Surtout lorsque l?Oncle Ben a donné l?une de ses plus grandes prestations. Orchestre philharmonique à l?appui de ses propres musiciens. Alors forcément, avant d?entrer sur scène, DJ Trichet allonge une tête d?enterrement. D?autant qu?il va devoir jouer, seul en scène, une autre partition. Un morceau sans harmonie, qui plus est, avec sa guitare qui ne compte plus que deux cordes même pas accordées. C?est sûr que cela fait moins rêver. Il se lance : « Misère, Misère, Misèèèèère ? ». Ce n?est pas comme cela qu?il va remplir le Stade de France. DJ Trichet ne se fait pas de film, il sait que son répertoire ne soulève pas les foules. Toutes ses chansons ne parlent que de la vérité : la rigueur, l?austérité et la réduction budgétaire. Son label Père Fouettard est totalement à contre-courant de la tendance « groove » du moment que joue l?Oncle Ben. Même s?il continue de jouer des bides auprès des investisseurs, il se console en se disant que la sortie des artistes n?est pas très loin. Dans un an. Précisément. D?ici là, il faudra continuer de voir l?Oncle Ben et son « Dollar Band's » jouer à guichet fermé, sans pouvoir changer de registre ... Allez, plus qu?un an !

Vendredi 5. Triple « Ah »

A Bruxelles, les commissaires européens rient à gorge déployer. Dans l?hémicycle, tous tiennent la note triple « Ah ». La blague du jour vaut le détour. Les têtes pensantes de la Commission ont décidé de faire chauffer leurs méninges dans le cadre d?une « VASTE CONSULTATION SUR LES AGENCES DE NOTATION DE CREDIT ». Avec une date de rendu des copies fixée au 7 janvier prochain. Au menu, les idées fusent. Le temps est venu de ménager les chefs d?états du Vieux Continent, dont la tension artérielle explose au moindre souci d?endettement public. Pour préserver leur c?ur fragile, les « 2be3 » (Standard and Poor?s, Moody?s et Fitch) seront priés d?avertir les principaux intéressés de leurs sautes d?humeur de crédit non plus douze jours mais trois mois avant le couperet final. Histoire, (pourquoi pas?) de donner à nos pauvres états membres acculés par leurs engagements, le temps de sortir une nouvelle réforme budgétaire de leurs chapeaux troués. On en rigole encore !

 

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